Il y a dans une assemblée de gens mûrs quelque chose d'imperturbable ; on devine des organismes qui ont digéré tous les plats lourds, amers, épicés de la vie, qui ont éliminé tous les poisons, qui sont pour dix ou quinze ans dans un état d'équilibre parfait, de santé morale enviable. Ils sont satisfaits d'eux-mêmes. Ce pénible et vain travail de la jeunesse par lequel elle essaie d'adapter le monde à ses désirs a déjà été accompli par eux. Ils ont échoué et maintenant, ils se reposent.
Mon Dieu, si on savait, à vingt ans, comme la vie est simple...
On est bête quand on est jeune...
Ce soir si doux, je me suis assis sur le banc qui est derrière la cuisine, d'où je vois ce petit jardin que je me suis mis à cultiver, car pendant longtemps je ne lui demandai que les quelques légumes nécessaires à la soupe, mais depuis plusieurs années je le soigne. J'ai planté moi-même ces rosiers, sauvé cette vigne qui se mourait, bêché, désherbé, taillé les arbres fruitiers. Je me suis attaché peu à peu à ce coin de terre. Les soirs d'été, au crépuscule, ce bruit de fruits mûrs se détachant de l'arbre et tombant d'une chute molle dans l'herbe me donne une sorte de bonheur.
Maman... c'est le soir d'un beau jour...
L'amour, tu sais... A mon âge, le sang est éteint, on a froid, ai-je répété.
Mais le mieux pour qu'il vienne (j'entends un véritable amour, honnête et sain) c'est de ne pas trop y penser, de ne pas l'appeler. Sans quoi on se trompe. On met le masque de l'amour sur le premier et le plus vulgaire visage.
Le proverbe oriental qui dit que les jours rampent et les années volent n'est vrai nulle part autant qu'ici.