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Critique de Denis_76


Dans la chronologie des oeuvres de Nietzsche, "Aurore" ( 1881 ) se situe entre "Humain, trop humain" et "Le Gai Savoir" ; ce sont trois oeuvres majeures.
Après avoir creusé les connaissances comme une taupe dans "Humain, trop humain", Nietzsche voit le bout du tunnel ; il voit l'Aurore de sa pensée : il attaque le christianisme, et surtout sa morale ; l'homme doit absolument se libérer de cette morale carcérale qui l'étouffe et l'empêche de penser, de se libérer, délivrer !
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Pendant la lecture de ce livre composé d'aphorismes, j'ai fait quelques schémas pour suivre la pensée complexe de mon Nietzsche ; en voici un :
d'après lui, on peut diviser la société en trois catégories, à la fin du XIXè siècle.
1 ) Il y a, dans le monde chrétien, les dominants, les princes et le haut clergé qui imposent les moeurs, la morale selon leur bon vouloir, leur volonté de puissance et de domination sur le peuple. D'un côté, il y a le jugement civil des tribunaux, de l'autre le châtiment, la damnation éternelle ; ce sont les sanctions de celui qui sortira du droit chemin ; l'espoir du paradis pour les autres. La Bible, et surtout les Evangiles sont déformés à cet usage.
2 ) Il y a les "moralisés", le peuple qui est dans la soumission, la crainte, la crédulité, la lâcheté, la souffrance.
3 ) Enfin, il y a les esprits libres, "doux, agréables au goût et nourrissants, comme des châtaignes que l'on a mises au four à temps, et retirées du feu au bon moment". Ceux-là rampent dans le silence et la solitude, comme Jean-Jacques Rousseau ainsi que d'autres ; grâce à la raison et à la science, ils recherchent la vérité, regardant la société de loin, avec " l'oeil du théâtre", pour trouver d'autres chemins vers le bonheur, la plénitude et la pétulance !
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Déçu par Richard Wagner qui, dans une sorte de trahison, revient vers le christianisme, Friedrich Nietzsche cherche un autre idéal, une alternative à ces préjugés moraux chrétiens qui, pour lui, n'ont aucun sens, et mènent l'homme à sa déchéance, quand il compare l'Européen au Grec Antique ( 1 ).
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C'est alors que... « 6000 pieds au-dessus de la mer, et bien plus haut encore au-dessus de toutes les choses humaines… ». C'est ainsi qu'apparait à Nietzsche le décor enchanteur qui, le 26 août 1881 à Sils-Maria, Suisse, vit naître son Zarathoustra, juste après l'écriture de ce "Morgenröthe", de cette Aurore : )
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( 1 ) je ne suis pas toujours d'accord avec mon philosophe fascinant ! D'abord, il n'a pas vécu parmi les Grecs antiques qu'il loue tant ! Ensuite, il y a des concepts qui me titillent comme la définition de la vanité, de l'Histoire, de "Moira", de l'âme, de l'hérédité, de ce qu'est un criminel, du danger, des créatures souffrantes, de l'orgueil.
Mais dans l'ensemble,...
et même si la fin du livre s'attaque à la psychologie où il devrait laisser s'exprimer Freud ( qui reconnaît des coïncidences entre la pensée de Nietzsche et la psychanalyse ) ;
et même si, comme toujours avec lui, nous avons des passages nuageux, nébuleux, parfois incohérents ;
il arrive à faire puissamment passer son message, grâce à sa passion, sa vitalité ( sa "volonté de puissance" qui, rappelons-le, n'a rien à voir avec celle de Napoléon ou d'Hitler )... ;
cet homme, ce Friedrich, ce ...
... "Nous autres, aventuriers " ;
"Nous autres, dieux" ;
"Nous autres, chercheurs" ;
"Nous autres, penseurs" ;
"Nous autres, hommes modernes" ;
"Nous autres, aéronautes de l'esprit" ... m'est éminemment sympathique !

Pour moi, tout est dans cette phrase d'Aurore que je trouve sublime, et en même temps je le vois avec son regard déterminé et sa moustache farouche :

" Laissez-moi hurler et gémir et ramper comme une bête, pourvu que je trouve la foi en moi-même ! "
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