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Giorgio Colli (Éditeur scientifique)Mazzino Montinari (Éditeur scientifique)Julien Hervier (Traducteur)
EAN : 9782070325115
336 pages
Gallimard (04/04/1989)
4.16/5   105 notes
Résumé :
Dans Aurore (1881), Nietzsche poursuit l’entreprise de critique radicale de la morale commencée dans Humain, trop humain, et pose ainsi les jalons d’un projet philosophique dont ses dernières œuvres, de Par-delà bien et mal à Ecce homo, seront le couronnement.
Le philosophe s’impose ici comme un travailleur des ténèbres, forant le fond de la civilisation pour mettre au jour les origines plus ou moins nobles des idéaux, des croyances et des mœurs, saper les fo... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (7) Voir plus Ajouter une critique
Dans la chronologie des oeuvres de Nietzsche, "Aurore" ( 1881 ) se situe entre "Humain, trop humain" et "Le Gai Savoir" ; ce sont trois oeuvres majeures.
Après avoir creusé les connaissances comme une taupe dans "Humain, trop humain", Nietzsche voit le bout du tunnel ; il voit l'Aurore de sa pensée : il attaque le christianisme, et surtout sa morale ; l'homme doit absolument se libérer de cette morale carcérale qui l'étouffe et l'empêche de penser, de se libérer, délivrer !
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Pendant la lecture de ce livre composé d'aphorismes, j'ai fait quelques schémas pour suivre la pensée complexe de mon Nietzsche ; en voici un :
d'après lui, on peut diviser la société en trois catégories, à la fin du XIXè siècle.
1 ) Il y a, dans le monde chrétien, les dominants, les princes et le haut clergé qui imposent les moeurs, la morale selon leur bon vouloir, leur volonté de puissance et de domination sur le peuple. D'un côté, il y a le jugement civil des tribunaux, de l'autre le châtiment, la damnation éternelle ; ce sont les sanctions de celui qui sortira du droit chemin ; l'espoir du paradis pour les autres. La Bible, et surtout les Evangiles sont déformés à cet usage.
2 ) Il y a les "moralisés", le peuple qui est dans la soumission, la crainte, la crédulité, la lâcheté, la souffrance.
3 ) Enfin, il y a les esprits libres, "doux, agréables au goût et nourrissants, comme des châtaignes que l'on a mises au four à temps, et retirées du feu au bon moment". Ceux-là rampent dans le silence et la solitude, comme Jean-Jacques Rousseau ainsi que d'autres ; grâce à la raison et à la science, ils recherchent la vérité, regardant la société de loin, avec " l'oeil du théâtre", pour trouver d'autres chemins vers le bonheur, la plénitude et la pétulance !
.
Déçu par Richard Wagner qui, dans une sorte de trahison, revient vers le christianisme, Friedrich Nietzsche cherche un autre idéal, une alternative à ces préjugés moraux chrétiens qui, pour lui, n'ont aucun sens, et mènent l'homme à sa déchéance, quand il compare l'Européen au Grec Antique ( 1 ).
.
C'est alors que... « 6000 pieds au-dessus de la mer, et bien plus haut encore au-dessus de toutes les choses humaines… ». C'est ainsi qu'apparait à Nietzsche le décor enchanteur qui, le 26 août 1881 à Sils-Maria, Suisse, vit naître son Zarathoustra, juste après l'écriture de ce "Morgenröthe", de cette Aurore : )
.
( 1 ) je ne suis pas toujours d'accord avec mon philosophe fascinant ! D'abord, il n'a pas vécu parmi les Grecs antiques qu'il loue tant ! Ensuite, il y a des concepts qui me titillent comme la définition de la vanité, de l'Histoire, de "Moira", de l'âme, de l'hérédité, de ce qu'est un criminel, du danger, des créatures souffrantes, de l'orgueil.
Mais dans l'ensemble,...
et même si la fin du livre s'attaque à la psychologie où il devrait laisser s'exprimer Freud ( qui reconnaît des coïncidences entre la pensée de Nietzsche et la psychanalyse ) ;
et même si, comme toujours avec lui, nous avons des passages nuageux, nébuleux, parfois incohérents ;
il arrive à faire puissamment passer son message, grâce à sa passion, sa vitalité ( sa "volonté de puissance" qui, rappelons-le, n'a rien à voir avec celle de Napoléon ou d'Hitler )... ;
cet homme, ce Friedrich, ce ...
... "Nous autres, aventuriers " ;
"Nous autres, dieux" ;
"Nous autres, chercheurs" ;
"Nous autres, penseurs" ;
"Nous autres, hommes modernes" ;
"Nous autres, aéronautes de l'esprit" ... m'est éminemment sympathique !

Pour moi, tout est dans cette phrase d'Aurore que je trouve sublime, et en même temps je le vois avec son regard déterminé et sa moustache farouche :

" Laissez-moi hurler et gémir et ramper comme une bête, pourvu que je trouve la foi en moi-même ! "
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Morgenröthe

La morale est un préjugé, elle avance masquée, se croyant libre de tous préjugés. Son déguisement est l'expression d'un langage où passions et instincts obéissent, nécessairement, à un impératif qui les motive ; c'est la construction d'une « généalogie » divine ou sublime, c'est sur elle que se porte la recherche éclairée de Nietzsche. C'est un combat où la subtilité est la seule arme, une « archéologie » méthodique où le philosophe doit développer son « nez », sa seule force est de produire en retour une méfiance, un soupçon à l'encontre de la morale, une vision en négatif de ce qui se présente sous une image plutôt opposée.
L'ensemble du corpus, du raisonnement et des déductions aboutissent à la méfiance. Laissant de côté tout ressentiment, l'affirmation de la vie prime, pas en tant que défense innée et agressive opérant en anticorps, mais par un acquiescement total à tout ce que la morale dénonce comme étant « mauvais ». Ce travail positif est en opposition d'une morale qui est un déni de la vie, qui interdit ou détruit ce à quoi Nietzsche redonne une « voix ». En n'utilisant pas la réfutation (négative), il ne s'abaisse pas à son niveau, la traitant par le mépris. L'italique, attaché au vocabulaire moral, est un outils de réappropriation servant à redonner « bonne conscience », réaffirmant un principe de vie qui avait été dévoyer par le poison de la « mauvaise conscience », le transformant en principe « divin » fictif. La morale est un « ver » destructeur qui interdit l'accès à la vérité, le texte nietzschéen exerce son pouvoir salvateur, solaire, sur les « contaminés » et vient les rédimer.
La « transvaluation de toutes les valeurs », dont parle Nietzsche,
rend cet affranchissement possible au profit d'une humanité bien établie et vigoureuse, dotée de la plus haute intellectualité et de la plus grande énergie. le renoncement à soi est une décadence, une domestication de l'humain dont la législation s'étant à tous. Au contraire, Nietzsche propose de faire advenir le surhumain qui est affirmation de la vie, il pourra « voir » simultanément ce qu'il fut – le dernier homme – et ce qu'il adviendra en disposant de lui-même, cet instant du questionnement, du choix décisif est celui de l'éternel retour, moment où l'humain renonce à s'engager sur un chemin tout tracé, au « destin », scientiste – vers le perfectionnement de sa nature –, ou divin – la morale le dispensant de se prendre en main, d'où négation, corruption, propagation généralisée d'un idéal ascétique des prêtres, qui se répand comme une épidémie. le travail généalogique vient comme une nouvelle « traduction », de cette langue « morale » en langage réel, celui de la « vérité », du corps et de sa survie.
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Lire Nietzsche c'est pratiquer des étirements intellectuels : lorsqu'on se touche la pointe des pieds ou lorsqu'on tend nos bras au plus haut vers le ciel, nous savons que cette position n'est pas naturelle et qu'on ne la croisera pas, sur notre route dehors ; et même parfois cette position nous indispose. Mais se soumettre régulièrement à ces assouplissements nous aide à penser plus clairement, plus amplement, plus sainement, nos petites idées usuelles du quotidien, voire nous décoincer des scléroses du prêt-à-penser propre à chaque époque (Nietzsche insiste sur la qualité de probité du philosophe, « cela est-il honnête ? »).

Nietzsche c'est une histoire : ce n'est pas un système. Il vous tend sa philosophie (comme un miroir promené le long de sa route, sa galerie souterraine). Dans Aurore, il affute le style de ces pointes qui feront le charme des livres à venir, à savoir le final pirouettant et dansant qui conclue un aphorisme, ‘envoi' coup de fouet, donnant souvent le change de manière déroutante, car avec ce Janus, le ‘oui' suit le ‘non', la critique des autres celle de soi, et au-delà d'un pied sur l'autre.

Aurore précède le Gai Savoir, ce dernier (meilleure entrée à mon avis) faisant partie pour moi des quatre chevaux de tête avec Par-delà, Zarathoustra et, en chant du cygne pétaradant, Ecce Homo. Cependant, Aurore (aphorismes), avec le plus formel Généalogie de la Morale (dissertations) conservent leur force dissolvante, entre autres lorsqu'appliquée à un quelconque arbitraire (voir par ex. la lecture éclairante du rapport maître-esclave chez Deleuze). Après une première lecture qui m'avait plutôt déçue il y a 10 ans, j'ai relu Aurore 'contre' le temps qui la produite (approche couronnée par l'aphorisme 506). Et alors, combien Nietzsche reste actuel, par exemple si l'on remplace le christianisme par une autre religion, au sens strict, ou au sens large de croyance, mode de pensée, pensée à la mode, dogme. Ainsi, si l'attaque faite à « J'ai raison parce que c'est écrit » (aphorisme 84) était celle d'un européen s'adressant évidemment au christianisme mourant d'une Europe du XIX, elle peut se lire à l'aune de toutes les religions Du Livre, ou, plus prosaïquement, à celle de la masse fumante d'information déversée par nos médias et les réseaux sociaux.

Le christianisme dénoncé par Nietzsche est aujourd'hui un cadavre froid sur lequel seuls quelques penseurs fatigués ou pusillanimes, en mal de cause (perdue) ou qui galopent après un succès de scandale, décochent encore leurs flèches. Mais ce dieu-là est mort chez nous occidentaux, et pour tendre l'autre joue encore faudrait-il qu'il y ait une tête. Or, on ne lirait plus Nietzsche s'il n'avait été que le médicament de ce chapitre de notre histoire. Avec le dieu chrétien, Nietzsche serait mort & évacué, se serait purgé avec son mal. Si sa pensée reste vivante, c'est que d'autres tartuffes ont pris la place, d'autres préjugés et d'autres bigoteries.

Pour s'en convaincre, un exercice typiquement nietzschéen consiste à prendre n'importe quelle phrase de la doxa actuelle et d'en renverser un terme (ou une valeur) pour en révéler l'excès et l'absurde. Ces choses-là courent les rues et en tête de gondole de nos libraires-supermarchés, les évangiles du jour titrent (pure récupération marketing) sur le racisme, le fascisme, le féminisme ou le wokisme. Grand retour des « ismes » casqués et va-t-en guerre d'une société paranoïaque et qui se crispe, monnaie courante du XIXe et XXe siècles, où ils pullulaient déjà (darwinisme, marxisme, communisme, colonialisme, anarchisme, cubisme, structuralisme, surréalisme, ...). Ces « ismes » excluent, tranchent et idolâtrent l'esprit, et leur message implicite est (sic Historia), « tu es avec nous ou contre nous ». Or Nietzsche nous démontre que dans toute injonction, qu'elle soit pour ou contre, qu'elle semble bonne ou mauvaise, se dissimule des mensonges et des intentions cachées. Nietzsche aide à se secouer de ces tiques même si... « On peut tout leur donner : santé, nourriture, logement, divertissement, ils sont et restent malheureux et lunatiques » (aphorisme 262).
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"Aurore" n'est certainement pas l'essai le plus connu de Nietzsche, alors qu'il est abordable, à la fois par sa longueur (moins de trois cent pages) et par son style. Il s'agit d'une sorte d'introduction au "Gai Savoir" qui, comme son titre l'indique (Aurore), traite de la naissance d'une nouvelle morale remplaçant ainsi celle inique et inhumaine du christianisme. L'objectif de Nietzsche est d'en finir avec ce qu'appellera plus tard Antonin Artaud le jugement de Dieu. En finir avec les moeurs soi-disant bonnes et mauvaises, car l'on s'aperçoit souvent, voire même toujours, que les bonnes moeurs nous procurent plus de mal que de bien. En finir avec la compassion, la pitié et l'altruisme chrétiens qui ne servent que les intérêts égoïstes de celui qui les met en pratique. En finir enfin avec les apôtres de la vérité, car l'on se rend bien compte que toute vérité n'est que le fruit d'un individu et qu'on ne peut s'adjuger le droit de la généraliser au risque de mépriser celle des autres.
Bien d'autres analyses génialissimes parsèment l'oeuvre du philosophe, notamment sa mise en perspective des problèmes de perception de la réalité rendant impossible toute lecture exhaustive ou approfondie, et donnant seulement accès à une apparence incomplète et superficielle des choses.
Je conseille vivement la lecture de cet essai, pour ceux qui voudraient découvrir Nietzsche, avant de s'attaquer aux oeuvres ultérieures comme "Le Gai Savoir" ou "Ainsi parlait Zarathoustra".
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Le soleil se lève.

Après les premiers balbutiements, Nietzsche commence à dégager plus explicitement les problèmes qui l'occuperont jusqu'à son dernier souffle.

L'armada conceptuelle lui permettant d'y répondre n'est pas encore prête. Mais il y a déjà la clairvoyance et le style du plus grand esprit de tous les temps.

Peut-être le meilleur livre pour aborder Nietzsche sans chercher la performance : il commence à bâtir sa pensée dans un langage accessible au profane. On y trouve déjà en germe toute sa critique de la philosophie occidentale.

Par la suite, l'évolution de sa pensée l'amènera nécessairement à perdre en accessibilité pour gagner en profondeur, aux dépens de nombreuses mauvaises interprétations, mais c'est le jeu.
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Citations et extraits (74) Voir plus Ajouter une citation
Dans ce livre, on trouve au travail un être souterrain, un être qui perce, creuse et ronge ( 1 ).
Qu'il veuille peut-être avoir une longue obscurité des choses qui lui soient propres, des choses incompréhensibles, cachées, énigmatiques, parce qu'il sait ce qu'il aura en retour :
son matin à lui, sa propre rédemption, son Aurore ?

Extrait de la PREFACE du livre, par Nietzsche.


( 1 ) dans l'aphorisme 14, il y a, s'adressant aux puissances divines, l'une des plus sublimes phrases de Friedrich Nietzsche :

" Laissez-moi hurler et gémir et ramper comme une bête, pourvu que je trouve la foi en moi-même !"
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Nier la moralité, cela peut signifier d'abord : nier que les motifs moraux invoqués par les hommes les aient véritablement poussés à agir comme ils l'ont fait, - c'est-à-dire, affirmer que la moralité n'existe qu'en paroles et fait partie des duperies grossières ou subtiles de l'humanité (celles particulièrement où l'on est sa propre dupe), et cela peut-être surtout chez les gens les plus renommés, précisément, pour leur vertu. Ensuite, cela peut signifier nier que les jugements moraux reposent sur des vérités. (…)
Je nie donc la moralité comme je nie l'alchimie : c'est-à-dire que je nie ses postulats mais non qu'il y ait eu des alchimistes qui croyaient à ces postulats et agissaient en fonction d'eux (…) Je ne nie pas - dès lors que je ne suis pas insensé - qu'il faille éviter et combattre de nombreuses actions dîtes immorales, ni qu'il faille encourager et accomplir de nombreuses actions dîtes morales ; mais je pense qu'il faut faire l'un et l'autre pour d'autres raisons que jusqu'à présent. Nous devons changer notre façon de juger, afin de parvenir finalement et peut-être très tard, à mieux encore : changer notre façon de sentir.
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Les animaux et la morale.
— Les pratiques que l’on exige dans la société raffinée : éviter avec précaution tout ce qui est ridicule, bizarre, prétentieux, réfréner ses vertus tout aussi bien que ses désirs violents, se montrer d’humeur égale, se soumettre à des règles, s’amoindrir, — tout cela, en tant que morale sociale, se retrouve jusqu’à l’échelle la plus basse de l’espèce animale, — et ce n’est qu’à ce degré inférieur que nous voyons les idées de derrière la tête de toutes ces aimables réglementations : on veut échapper à ses persécuteurs et être favorisé dans la chasse au butin. C’est pourquoi les animaux apprennent à se dominer et à se déguiser au point que certains d’entre eux parviennent à assimiler leur couleur à la couleur de leur entourage (en vertu de ce que l’on appelle les « fonctions chromatiques »), à simuler la mort, à adopter les formes et les couleurs d’autres animaux, ou encore l’aspect du sable, des feuilles, des lichens ou des éponges (ce que les naturalistes anglais appellent mimicry). C’est ainsi que l’individu se cache sous l’universalité du terme générique « homme » ou parmi la « société », ou bien encore il s’adapte et s’assimile aux princes, aux castes, aux partis, aux opinions de son temps ou de son entourage. À toutes ses façons subtiles de nous faire passer pour heureux, reconnaissants, puissants, amoureux, on trouvera facilement l’équivalent animal. Le sens de la vérité lui aussi, ce sens qui, au fond, n’est pas autre chose que le sens de la sécurité, l’homme l’a en commun avec l’animal : on ne veut pas se laisser tromper, ne pas se laisser égarer par soi-même, on écoute avec méfiance les encouragements de ses propres passions, on se domine et l’on demeure méfiant à l’égard de soi-même ; tout cela, l’animal l’entend à l’égal de l’homme ; chez lui aussi la domination de soi tire son origine du sens de la réalité (de la sagesse). De même l’animal observe les effets qu’il exerce sur l’imagination des autres animaux, il apprend à faire ainsi un retour sur lui-même, à se considérer objectivement, lui aussi, à posséder, en une certaine mesure, la connaissance de soi. L’animal juge des mouvements de ses adversaires et de ses amis, il apprend par cœur leurs particularités : contre les individus d’une certaine espèce il renonce, une fois pour toutes, à la lutte, et de même il devine, à l’approche de certaines variétés d’animaux, les intentions de paix et de contrat. Les origines de la justice, comme celles de la sagesse, de la modération, de la bravoure, — en un mot de tout ce que nous désignons sous le nom de vertus socratiques — sont animales : ces vertus sont une conséquence de ces instincts qui enseigne à chercher la nourriture et à échapper aux ennemis. Si nous considérons donc que l’homme supérieur n’a fait que s’élever et s’affiner dans la qualité de sa nourriture et dans l’idée de ce qu’il considère comme opposé à sa nature, il ne sera pas interdit de qualifier d’animal le phénomène moral tout entier.
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Tu es pris d'une mauvaise attaque, la raison t'assaille ! Mais demain, tu seras de nouveau en plein dans la connaissance, et par là même, en plein dans la déraison, je veux dire dans la joie que te cause tout ce qui est humain. Allons au bord de la mer !


NDL : hé-hé !
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On peut assez bien se rendre compte combien peu le christianisme développe le sens de la probité et de la justice en analysant le caractère des œuvres de ses savants. Ceux-ci avancent leurs suppositions avec autant d’audace que si elles étaient des dogmes, et l’interprétation d’un passage de la Bible les met rarement dans un embarras loyal. On lit sans cesse : « J’ai raison, car il est écrit — », et alors c’est une telle impertinence arbitraire dans l’interprétation qu’elle fait s’arrêter un philologue entre la colère et le rire pour se demander toujours à nouveau : Est-il possible ! Cela est-il loyal ? Est-ce seulement convenable ? Les déloyautés que l’on commet à ce sujet sur les chaires protestantes, la façon grossière dont le prédicateur exploite le fait que personne ne peut lui répondre, déforme et accommode la Bible et inculque ainsi au peuple, de toutes les manières, l’art de mal lire, — tout cela ne sera méconnu que par celui qui ne va jamais ou qui va toujours à l’église.

Mais, en fin de compte, que peut-on attendre des effets d’une religion qui, pendant les siècles de sa fondation, a exécuté cette extraordinaire farce philologique autour de l’Ancien Testament ? Je veux dire la tentative d’enlever l’Ancien Testament aux juifs avec l’affirmation qu’il ne contenait que des doctrines chrétiennes et qu’il ne devait appartenir qu’aux chrétiens, le véritable peuple d’Israël, tandis que les juifs n’avaient fait que se l’arroger. Il y eut alors une rage d’interprétation et de substitution qui ne pouvait certainement pas s’allier à la bonne conscience ; quelles que fussent les protestations des juifs, partout, dans l’Ancien Testament, il devait être question du Christ, et rien que du Christ, partout notamment de sa croix, et tous les passages où il était question de bois, de verge, d’échelle, de rameau, d’arbre, de roseau, de bâton ne pouvaient être que des prophéties relatives aux bois de la croix : même l’érection de la licorne et du serpent d’airain, Moïse lui-même avec les bras étendus pour la prière, et les lances où rôtissait l’agneau pascal, — tout cela n’était que des allusions et, en quelque sorte, des préludes de la croix ! Ceux qui prétendaient ces choses, les ont-ils jamais crues ? L’Église n’a même pas reculé devant des interpolations dans le texte de la version des Septentes (par exemple au psaume 96, verset 10), pour donner après coup au passage frauduleusement introduit le sens d’une prophétie chrétienne. C’est que l’on se trouvait en état de lutte et que l’on songeait aux adversaires et non à la loyauté. (#84, pp. 93-95)
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