Citations sur Poèmes (1858-1888) - Fragments poétiques - Dithyrambes po.. (86)
La hauteur est un élément où je me sens profondément, solidement et définitivement enraciné dans mon sol et mon fond propre.
La démarche révèle si l’on suit sa propre voie : et celui-là danse qui approche son but.
Vous dites que je suis quelqu’un qui se sacrifie ? Mais celui qui a jamais offert un sacrifice sait que ce qu’il offrait n’était pas victime.
Ils aiment, hélas, et ne sont pas aimés ; ils se déchiquettent eux-mêmes, car personne ne veut leur ouvrir les bras.
Le lion rieur – « il y a encore deux lunes, mon cœur se serait soulevé de voir cela. »
La brume palpite et ondoie,
Par-dessus l’aurore rose
-ô personne au monde ne sait
Que je suis aussi triste.
Résolution (Entschluß)
Je serai sage, car cela me plaît,
Et suivant mon propre commandement.
Je loue Dieu d’avoir créé le monde
Aussi bête que possible.
Et si moi, je vais mon chemin
Aussi tordu qu’il est possible,
C’est que le plus sage a commencé là
Et que là le fou – s’est arrêté.
Toutes les sources sont éternelles
Jaillissent éternellement.
Dieu même – a-t-il seulement commencé?
Dieu même – ne commence-t-il pas sans cesse?
***
Abandonné (Vereinsamt, 1884)
Tandis que les corbeaux vers la ville s’enfuient…
Oh ! Ce bruissement d’ailes… Ce croassement !
Bientôt, il neigera… Avoir une patrie !
Heureux celui qui peut s’en vanter maintenant…
Et toi, tu te tiens là, immobile, engourdi !
Et désespérément, tu regardes en arrière…
Mais pourquoi, pauvre fou, t’être échappé ainsi ?
Partir à l’aventure juste avant l’hiver !
L’aventure… Le monde, cette porte ouverte
Sur un désert sans fin, silencieux et froid
Celui qui a connu la plus cruelle perte,
Ne pourra se sentir en aucun lieu chez soi…
En serais-tu donc là, visage éteint, si pâle…
Vagabond condamné à errer, pauvre hère
Attiré par un ciel de plus en plus glacial,
Comme le sont aussi les fumées des chaumières ?
Envole-toi, oiseau ! Fais entendre ton chant,
Ton chant lugubre et triste d’oiseau de malheur…
Et toi, fou que tu es, cache ton cœur saignant
Dans la glace des rires… Garde ta douleur !
Tandis que les corbeaux vers la ville s’enfuient…
Oh ! Ce bruissement d’ailes… Ce croassement !
Bientôt, il neigera… Avoir une patrie !
Malheureux celui qui n’en a pas maintenant…
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Un fou au désespoir (Narr in Verzweiflung, 1887)
Hélas! ce que j’ai écrit sur la table et le mur
Avec mon coeur de fou et ma main de fou
Devrait orner pour moi la table et le mur…
Mais vous dites : « Les mains de fou gribouillent, –
Et il faut nettoyer la table et le mur
Jusqu’à ce que la dernière trace ait disparu! »
Permettez! Je vais vous donner un coup de main -,
J’ai appris à me servir de l’éponge et du balai,
Comme critique et comme homme de peine.
Mais lorsque le travail sera fini,
J’aimerais bien vous voir, grands sages que vous êtes,
Souiller de votre sagesse la table et le mur.
Poème (1885)
O homme ! Prends garde !
Que dit minuit profond ?
« J’ai dormi, j’ai dormi, —
« D’un profond sommeil je me suis éveillé : —
« Le monde est profond,
« et plus profond que ne pensait le jour
« Profonde est sa douleur, —
« La joie plus profonde que la peine.
« La douleur dit : passe et finis !
« Mais toute joie veut l’éternité,
» — veut la profonde éternité ! »
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