-Est-ce qu’il t’arrive parfois de rester éveillée à te demander si je ne suis pas une espèce de plaisanterie que te jouerait Dieu ?
-Non. Je reste éveillée à craindre que tu disparaisses et ne reviennes jamais. Je reste éveillée à ruminer les brides d’informations que j’ai glanées sur le futur. Mais j’ai une foi totale dans l’idée que nous sommes destinés à être ensemble.
Je m'avise que tous les menus cadeaux et les souvenirs qui peuplent ce musée de notre passé sont autant dfe lettres d'amour entre les mains d'un illétré
J'avale une gorgée de mon café et m'efforce de sentir le temps refluer, m'efforce d'effacer la différence entre maintenant et alors. Seule ma mémoire me retient ici. Temps, laisse-moi disparaître. "Et ce que la présence même sépare pourra être réuni. (p 519)
Claire : C’est difficile d’être abandonnée ainsi. J’attends Henry sans savoir où il est, en me demandant s’il va bien. C’est difficile d’être celle qui reste.
Je m’occupe. Le temps passe plus vite de cette façon.
Je me couche seule et me réveille seule aussi. Je me balade. Je travaille et ne m’arrête pas avant d’être fatiguée. Je regarde le vent jouer avec les détritus qui ont été ensevelis sous la neige tout l’hiver. Les choses paraissent simples jusqu’à ce qu’on commence à les analyser. Pourquoi l’amour est-il magnifié par l’absence ?
Autrefois, les hommes partaient en mer et les femmes les attendaient, debout sur la jetée, guettant à l’horizon l’apparition de leur minuscule bateau. À présent, j’attends Henry. Il se volatilise malgré lui, sans jamais prévenir. Je l’attends. L’attente, chaque fois, semble durer une année, une éternité. Chaque instant s’écoule lentement, transparent comme du verre. À travers chacun de ses instants, j’entrevois une infinité de moments identiques, prêts à se succéder. Pourquoi est-il parti là où je ne peux le suivre ?
Quand on partage la vie d'une artiste, chaque jour est une surprise.
Notre amour a été le fil dans le labyrinthe, le filet sous l'équilibriste, la seule chose réelle dans cette vie étrange à laquelle j'ai pu me raccrocher.
L’étape la plus fascinante en matière d’art – et, je suppose, de création en général -, c’est celle où la pensée nébuleuse, intangible, s’incarne en un ici solide, une chose, substance parmi les substances. Circé, Artémis, Athéna, toutes les enchanteresses de jadis : elles ont dû éprouver ce sentiment lorsqu’elles changeaient les hommes en créatures fabuleuses, s’appropriaient les secrets des magiciens, mettaient en déroute des armées – ah, la voilà, la pensée incarnée. Que l’on appelle ça un pourceau, une guerre, un laurier. Que l’on appelle ça de l’art. La magie que je pratique à présent est du domaine de l’infime, du différé. Jour après jour, je m’escrime, mais rien ne se matérialise. Je me sens telle Pénélope, brodant et défaisant.
Today is not much different from all the other days. I get up at dawn, put on slacks and a sweater, brush my hair, make toast, and tea, and sit looking at the lake, wondering if he will come today. It's not much different from the many other times he was gone, and I waited, except that this time I have instructions: this time I know henry will come, eventually. I sometimes wonder if this readiness, this expectation, prevents the miracle from happening. But I have no choice. He is coming, and I am here.
(The time traveller's wife)
J'esquisse un geste vers lui, mais il y a ce bruit, comme si on aspirait tous les sons de la terre, et il n'est déjà plus là.
Je pose les mains sur ses oreilles, renverse sa tête et l'embrasse, et j'essaie de loger mon cœur dans le sien, en sécurité, au cas où je le perdrais de nouveau.