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Critique de cprevost


C'est un livre très personnel et parfois douloureux, un regard jeté sur tout un chemin parcouru - et quel chemin ! C'est aussi un ouvrage extrêmement généreux . Il y est question du parcours du socio-historien, spécialiste de l'immigration et du mouvement ouvrier ; des sociologues et des philosophes qui ont interféré dans son itinéraire et qui, comme lui, ont le souci d'énoncer des vérités utiles. « Penser avec, penser contre : Itinéraire d'un historien» rassemble ses réflexions quant aux écrivains qui ont le plus compté dans sa recherche. En huit chapitres, Gérard Noiriel évoque sept auteurs essentiels. Il reprend principalement des interventions faites ailleurs à propos de Marc Bloch, Fernand Braudel, Max Weber, Michel Foucault. Et à ceux déjà cités, il ajoute Norbert Elias, Pierre Bourdieu, Richard Rorty et la romancière Virginia Woolf.


Il n'est évidemment pas possible de rendre en quelques lignes exhaustivement compte de cette somme, de penser, à notre tour, contre et avec elle. Il faudrait pour cela encore mieux connaître les penseurs dont il est question et avoir souffert en posture d'«Homo academicus», ce qui n'est évidemment pas le cas. Nous tenterons donc d'appliquer modestement dans cette petite critique le principe de charité, défendu par Richard Rorty et si cher à notre historien, exposant sous son meilleur jour quelques points pour nous saillants et nous dispensant d'expliquer, quand il y en a, et il en a en ce qui concerne Pierre Bourdieu, nos divergences.
Le fonctionnement, l'autonomie, le rôle des paires et de l'intellectuel collectif dans le champ de l'histoire sont invoqués dans cet ouvrage quand il s'agit de Marc Bloch et Fernand Braudel. le premier est, semble-t-il, pour l'auteur l'illustration remarquable d'un fonctionnement souhaité, tandis que le second, auquel il applique la méthode historique et les conclusions bourdieusiennes, en est en quelque sorte le contre-exemple. La figure de l'intellectuel foucaldien, dans le chapitre que Gérard Noiriel consacre au philosophe, est pour lui l'image même de l'intellectuel collectif qu'il appelle de ses voeux. L'intellectuel en effet pour Foucault doit faire un travail sur lui pour parvenir à une véritable générosité de pensée, il doit dénouer sans cesse pouvoir et vérité, modifier non seulement la pensée des autres mais aussi la sienne propre. L'éthique de l'intellectuel est pour Foucault un moyen de « se rendre capable en permanence de se dépendre de soi-même ».
Gérard Noiriel nous parle longuement de son travail de chercheur. Il consacre un chapitre à Pierre Bourdieu et un autre à Richard Rorty. Il rend un hommage ambigu au premier avec lequel il a, nous dit-il, appris à penser (tout de même). Il défend par contre sans réserve la philosophie pragmatique de l'action du second qui rend son travail, contesté par une épistémologie surplombante, légitime. Max Weber, conforte également la démarche de l'auteur : «La connaissance de l'épistémologie n'est pas plus indispensable à l'historien que la connaissance de l'anatomie à l'apprentissage de la marche ».
Enfin, l'approche historique, pour Gérard Noiriel, dépend toujours de la trajectoire personnelle et de l'itinéraire particulier du chercheur : « le passé s'écrit toujours au présent » nous dit-il. L'historien tire de ce constat deux conclusions. La première : la discipline historique exige des personnes très différentes pour couvrir le plus large champ. Gérard Noiriel montre ainsi, dans le chapitre qu'il consacre à Norbert Elias, que le sociologue allemand produit sur la question nationale à partir d'un rejet, celui de sa personne par le régime nazi. La deuxième conclusion : le chercheur doit faire un nécessaire travail sur lui-même. Gérard Noiriel va chercher à la fin de son livre, de façon originale, l'exemple de ce travail dans la littérature et plus particulièrement dans un roman de Virginia Woolf ; et il l'entreprend lui même cette auto analyse dans les dernières et très touchantes pages de son livre.


Pour terminer citons une dernière fois Richard Rorty qui opère une distinction précieuse entre les ouvrages qui nous aident à devenir plus autonomes et ceux qui nous aident à devenir moins cruels et plus généreux à l'égard des autres. « Penser avec, penser contre : Itinéraire d'un historien» fait incontestablement partie de la deuxième catégorie.
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