Face au passage en force de la réforme des retraites, la colère sociale ne faiblit pas. Sommes-nous confrontés à une crise socio-politique inédite dans l'histoire de la Ve République ?
Guillaume Erner reçoit Gérard Noiriel, historien spécialiste de l'immigration et de l'histoire de la classe ouvrière, et directeur d'études à l'EHESS.
#actualite #reformedesretraites #politique
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Alors que, aux Etats-Unis, Ellis Island, l'île par où sont passés des millions d'immigrés européens, est devenue un musée, en France des lieux comparables, comme le centre de sélection de Toul qui a recruté la plus grande parti des immigrants d'Europe centrale entre les deux guerres, ont été rasés.
Comme s''il avait fallu effacer magiquement une histoire qui s'accordait si mal avec la mythologie du terroir.
Contraints de subir le droit du plus nombreux, les classes qui se nomment elles-mêmes les classes élevées ne peuvent conserver leur hégémonie politique qu'en invoquant le droit du plus capable.
La personnalisation du débat politique oblige les élus du peuple à faire croire qu'ils détiendraient le pouvoir de changer la vie des citoyens, alors que la bureaucratisation de l'action de l'Etat ont fortement réduit la marge du pouvoir central.
Cette marge est d'autant plus faible aujourd'hui que le capitalisme mondial dicte sa loi aux Etats nationaux...
Bien que toutes les classes de la société française aient été impliquées dans ces révoltes, elles ne parvinrent jamais à s'allier durablement, car les groupes sociaux étaient séparés par des clivages trop profonds. Le pouvoir royal joua habilement sur ces antagonismes entre les nobles, le clergé, la bourgeoisie et les classes populaires. Toutefois, la raison majeure qui explique l'échec de ces rébellions réside dans la peur que la colère du peuple provoqua dans les rangs des privilégiés. À chaque fois, les élites en lutte contre le pouvoir d'État encouragèrent "ceux d'en bas" à se révolter car ils avaient besoin de cette violence de masse pour triompher des forces royales. Mais dès que cette violence se déchaîna, ils furent contraints, pour sauver leurs propres privilèges, de se soumettre à la loi du monarque en implorant sa protection, contribuant bien souvent à massacrer eux-mêmes ce peuple qu'ils avaient mobilisé.
Dès le début du XXè siècle,pour discréditer les grèves et les manisfestations, les grands journaux se contentent d'insister sur leur aspect violent.
L'agresseur type est un homme, jeune, ouvrier, habitant en banlieue.
En Grande-Bretagne, de 1823 jusqu'à la fin du siècle, aucune expulsion et aucun refus d'accueil n'est constaté;
La politique d'asile est portée non par la loi, mais par l'absence de loi.
Depuis les gouvernements des pays d'origine ( qui encouragent l'émigré dans l'idée que son exil ne sera que temporaire ) jusqu'aux pouvoirs publics français ( qui favorisent les diverses formes de clandestinité pour améliorer la " souplesse " du marché du travail ), c'est dans un véritable consensus que se constitue l'image du travailleur immigré comme un personnage " entre parenthèses ", dont la présence en France ne peut être que temporaire.
Au pays des droits de l'homme, dans l'entre-deux guerres, les immigrés sont privés des droits politiques fondamentaux....
...L'introduction d'un émigré a pour résultat de doter le pays d'un élément immédiatement productif et dont l'éducation n'a rien coûté à la collectivité...
De plus, l'immigration massive a permis d'exercer une pression à la baisse des salaires qu n'est pas sans rapport avec l'ampleur des bénéfices constatés.
La Constitution de 1793 reconnaissait que l'insurrection est " le plus sacré des droits et le plus indispensable des devoirs" quand le peuple est opprimé.
Elle accordait aux assemblées primaires le droit de faire la loi lors de référendums d'initiative populaire, en rupture avec la démocratie représentative.
Les moyens démocratiques visant à maintenir " hors les murs" les nouveaux indésirables se révèlent beaucoup plus efficaces que les politiques violentes et répressives d'autrefois.
Tous les jours au nom des idéaux de justice et de vérité proclamés par la Révolution Française, se fabriquent de nouvelles catégories d'exclus - ceux que l'on appelle les "déboutés" ou les " réfugiés sur orbite" - que les Etats occidentaux refusent de recevoir mais qui ne peuvent être renvoyés dans leur pays d'origine et errent ainsi de pays en pays.
Aujourd'hui, 90% des demandes d'asile sont rejetées.
Un tel bilan aurait rempli d'aise les ministres de l'Intérieur des années trente !