J'ai découvert
Celui qui a vu la forêt grandir, de
Lina Nordquist, grâce à la masse critique littératures du mois de janvier. C'est un premier roman et si le résumé me laissait imaginer une histoire relativement sombre, j'avoue que je ne m'attendais pas du tout à un récit aussi terrible.
Pour échapper à l'asile, Unni a fui la Norvège avec son petit garçon, Roar. Armod, le père de son enfant à naître, ne lui a jamais rien promis, mais décide de les accompagner dans ce périple. Après un long voyage marqué par la peur d'être rattrapés, la famille recomposée décide de s'installer dans la province reculée du Hälsingland, en Suède. Loin des cités, dans une petite clairière au creux de la forêt, loin des regards et des hommes, c'est ici qu'ils seront en paix et construiront leur vie.
"Ne t'habitue jamais à l'horreur, m'avait dit Armod.
Aujourd'hui, je pense qu'il ne faut pas non plus s'habituer à la beauté, elle doit rester aussi merveilleuse à chaque instant."
Cette citation résume bien l'esprit du roman à mon sens. En suivant l'installation d'Unni et Armod, nous découvrons avec eux une nature aussi splendide qu'elle peut être impitoyable. La vie dans les pays du Nord au début du 20e siècle était vraiment rude. Je m'en étais déjà rendue compte en lisant Katrina l'an passé, mais ce n'était rien en comparaison. Ici j'ai pris de plein fouet une violence à laquelle je ne m'attendais pas.
Violence d'une nature soumise à un climat extrême, violence des hommes, violence de l'argent et du pouvoir, violence du destin qui se joue de nos protagonistes.
Rien n'est jamais acquis dans la vie, et la moindre miette de bonheur doit aussitôt être vécue, engrangée comme la nourriture qui permettra de passer l'hiver, gardée précieusement pour que le souvenir permette de surmonter les difficultés à venir, les coups de la vie.
Le roman est construit sur une double temporalité. En parallèle du récit d'Unni qui raconte à Roar l'histoire de sa famille, il y a celui de Kara en 1973. Roar vient de mourir et Kara, sa belle-fille, se retrouve face à sa veuve Bricken pour organiser ses obsèques. C'est une ambiance lourde de non-dits, de secrets de famille, que l'on croit deviner mais qui, au fur et à mesure du récit et des souvenirs de Kara, se révèlent bien au-delà de ce qu'on avait pu imaginer.
Malgré la violence du récit, j'ai beaucoup aimé ma lecture. En revanche je vous en déconseille la lecture si vous êtes un peu déprimés, car j'ai rarement lu un récit d'une telle noirceur. Les éclats de bonheur sont aussi rares et fugaces que les rayons de soleil qui parviennent à se frayer un chemin entre les branches des arbres. C'est un récit d'une dureté que je n'avais lue auparavant que dans des récits prenant place pendant la guerre.
On pourrait presque se dire que c'est trop, que ce n'est pas crédible, toutes ces difficultés qui s'abattent tour à tour sur Unni. Mais le plus terrible dans ce roman, c'est que justement, j'ai trouvé que c'était crédible. On a l'impression que le destin a décidé de jouer avec cette famille comme avec un pantin.
Ce récit au passé d'Unni était tellement puissant que j'avoue avoir eu initialement plus de mal à m'intéresser au récit de Kara. Je le trouvais fade en comparaison, et je n'avais qu'une hâte, c'était retourner à l'époque d'Unni et Armod, suivre leur installation, attendre que la chance tourne pour eux.
Mais j'ai sous-estimé l'autrice. Si je n'étais pas impliquée émotionnellement par le récit de Kara comme par celui d'Unni, je le découvrais avec une fascination de plus en plus morbide, de celle qui nous pousse à regarder les lieux d'un accident sans pouvoir en détourner les yeux. Je ne m'attendais pas du tout à ce récit; j'ai parfois eu l'impression que Kara était le dernier outil du destin pour se jouer de cette famille, pour parachever son oeuvre
Je ne m'attendais vraiment pas à un récit aussi fort de la part d'une primo-autrice. Cette lecture m'a marquée. Elle m'a bouleversée, m'a émue, m'a révoltée. Elle m'a brisé le coeur, me l'a porté au bord des lèvres. Elle m'a fascinée tout autant que dégoutée.
C'est un roman que je vous conseille vivement, qui ne peut pas laisser indifférent.