Comme disait toujours Andy l'Idiot, ça commençait par un V et se terminait par Va te faire foutre.
- Il y a quoi, là-bas ? demande Larry
- Oh, le merdier, répond le premier qui éclate de rire.
- Pour de vrai, insiste Larry […]
- C’est moche partout, y a juste des coins qui sont pires que d’autres.
- […]
- Bon, il y a quoi ?
- « Du vilain » dit le second. Il regarde Larry, comme si celui-ci connaissait la réponse, comme s’il faisait l’idiot exprès. « Tu sais, explique-t-il, la guerre ? »
«Elles ne sont pas à toi? dit Vicki d'une voix implorante.
-Non, ce sont les photos d'un ami.
-Alors, pourquoi c'est toi qui les a?
-Il n'est pas revenu.
-Dans ce cas, pourquoi tu les gardes? Pourquoi tu ne les jettes pas? »
Elle attendait sa réponse. Larry n'en avait aucune à lui fournir, mais il ne se débarrasserait pas des photos. Elles étaient les siennes tout comme Magoo, et Andy le Futé, et Carl Metcalf étaient les siens.
«Maintenant elles sont à moi. Elles ont de l'importance pour moi.
-Je n'en veux pas sous mon toit.»
À genoux près de la malle vide, Clines feignit de ne pas écouter.
«Rien ne t'oblige à les regarder, répliqua Larry.
-Mais je ne veux pas que toi, tu les regardes. Ça fait treize ans, Larry - Treize ans! Il faut que tu arrêtes de te vautrer là-dedans.
Ils franchissent les barbelés, dévalent le flanc rouge de la colline et s’enfoncent dans la jungle. La pénombre y règne, le plafond végétal enferme la brume. La lourdeur de l’air étouffe le bruit de leurs pas. Leurs rangers s’imprègnent de rosée ; les lianes rampantes leur attrapent les chevilles. Ils se fraient un passage entre les tiges de bambous sonores, écartent de l’épaule les feuilles vernies. La colonne s’étire loin en avant, le Martien ouvre la marche, invisible. Ils sillonnent la pente en tous sens, au point que Larry serait incapable de dire de quel côté se trouve le poste. Ses rangers toutes neuves lui brûlent les pieds et son fusil se fait lourd. […] Garde tes distances. Ne parle pas. Ne siffle pas. Cela semble absurde. Ils sont quatorze à avancer pesamment dans la jungle, avec leur équipement cliquetant. […]
Il se tient prêt à bondir dès le coup de feu, pour rejoindre son blessé, arrêter l’hémorragie, bander la plaie. Ne réfléchis pas, agis. D’ailleurs, il n’aurait pas le choix, songe-t-il.