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Citations sur Oeuvres, tome 1 (5)

J'ai ouvert mon sac avec mes doigts gourds, pour en sortir le papillon...Ah, c'était bien lui. Aucun doute, je l'avais pris dans la main de cette femme. Soyeux comme de la mousseline, les cils transparents, le pollen humide. ...Je l'ai approché de mon oreille... J'entends. J'entends le bruit. Le bruit discret de la respiration de mon bébé entre les replis. Ce bruit qui petit à petit, chaque jour, inexorablement, se précise. Jusqu'où la température de ton corps va-t-elle augmenter? Jusqu'où vas-tu ouvrir mon intérieur? Alors que ce n'est même pas mon véritable moi. ...La fille de la photographie se retourne. Ses cheveux ondulent. La colère monte comme des contractions. Je referme brusquement la main. En un instant le papillon se transforme en poussière. Il reste une douleur lancinante. Les fragments tombés de ma main s'éparpillent sur le calendrier.
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Sur la droite face à l'entrée s'étendait un petit potager au milieu duquel plusieurs vieillards étaient penchés. Ils portaient tous un survêtement de couleur sombre. A mes yeux, ils se ressemblaient alors qu'ils devraient être différents, d'apparence comme de sexe. La seule chose, c'est qu'ils étaient nettement séparés en deux groupes, l'un bavardant continuellement, l'autre demeurant silencieux. Leurs voix n'avaient ni inflexions, ni respiration, ni timbre, et je n'arrivais pas à discerner des mots. Mais en les voyant s'adresser des hochements de tête, j'avais le sentiment qu'ils communiquaient entre eux.
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Accroupie au milieu du massif, j'ai approché mon visage du sol. Les deux parts de fraisier y étaient blotties, dans l'odeur de terre, d'herbe et de pollen. Je les ai observées, le regard acéré comme à travers un microscope. C'était un gâteau tout simple, dont la couche de crème était aussi épaisse que la génoise. Les rayons du soleil arrivaient derrière moi, presque chauds, éclairant uniformément la crème. Les décorations faites à la poche à douille commençaient à fondre. A coté, les pétales des pensées se pavanaient, ricanantes, leurs couleurs aussi fraîches qu'à la sortie d'un tube de peinture. L'odeur sucrée, déplacée en cet endroit, me donnait mal au cœur.

Ce que j'ai remarqué en premier, c'est la ligne noire qui s'étirait à la surface de la crème. Comme elle était très nette, j'ai d'abord cru qu'elle était immobile. Mais après deux ou trois battements de paupières j'ai distingué un nombre incalculable de pattes enchevêtrées, fines et fragiles. Les fourmis arrivaient en file indienne et butaient une première fois sur le rebord de l'assiette, avant de progresser en titubant sur la porcelaine lisse et brillante. Lorsqu'elles arrivaient à la chantilly, elles s'enfonçaient dans cette douceur fondante. Celles qui se perdaient dans ce gras opaque et blanc se débattaient pour essayer d'en sortir. Et il en arrivait tellement à la suite que c'était dégoûtant à donner la nausée.

Je n'ai pas pu m'empêcher de m'imaginer ce que cela donnerait d'avoir la bouche pleine de cette crème. En réalité, je n'avais pas très envie d'y goûter, mais c'est ma langue qui a pris l'initiative de se servir. Gorgée de soleil, la crème avait la tiédeur de ma langue. Elle s'est répandue dessus, presque liquide. Peu après, j'ai reconnu un goût sucré végétal. En même temps, les fourmis se sont mises à bouger sur ma langue et mes gencives. Leurs pattes chatouillaient mes muqueuses. Elles remuaient comme si leurs oeufs éclataient l'un après l'autre à l'intérieur de ma bouche.
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J’ai bu ma dernière gorgée de thé… Il était brûlant. La coulée de bronze a transpercé mon corps en vibrant.
- Ce thé n’a pas du tout refroidi, ai-je remarqué brusquement.
Je ne sais pas s’il a entendu mais il a gardé le silence, le regard perdu.
Je m’étonnais que ce thé n’ait pas du tout refroidi alors que cela faisait déjà un certain temps que K nous l’avait servi
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J'avais les doigts tout collants à cause du jus. Les motifs de la pulpe se détachaient nettement à la lumière de la cuisine. La chair des pamplemousses s'est mise à briller encore plus quand le sucre dont je les avais saupoudrés a fondu. Les jolis quartiers de forme semi-circulaire s'entassaient les uns sur les autres dans le chaudron.
Les peaux épaisses, posées négligemment, avaient l'air bête. J'ai enlevé la partie blanche de la peau, avant de couper le reste en lanières que j'ai rajoutées dans le chaudron. Du jus de couleur jaune giclait soudain comme pour un être vivant, sur la lame du couteau, le dos de mes mains ou la planche à découper. La peau, elle aussi avait des motifs. Des dessins irréguliers, semblables à ceux d'une membrane humaine vue au microscope.
[...]
Elle a mangé plusieurs cuillerées de confiture à la suite. Son ventre proéminent lui donnait un air arrogant. Les fragiles blocs de pulpe glissaient vers sa gorge en menaçant de s'effondrer.
J'ai pensé, tout en regardant la confiture qui tremblait légèrement au fond du chaudron, comme effrayée :
"Est-ce que le P.H.W. détruit vraiment les chromosomes du fœtus ?"
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