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Avec Les Transparents, Ondjaki nous emmène à Luanda, capitale de l'Angola. On y rencontre les habitants d'un immeuble populaire ensorceleur, au premier étage duquel l'eau immaîtrisable jaillit en continu des canalisations, offrant une source refuge bienfaitrices aux habités, un labyrinthe semé d'embûches aux non-invités. le plus représentatif de ces habitants est Ondato que le système finit par rendre transparent au sens propre, notamment à force de ne pas pouvoir se nourrir correctement mais surtout comme une matérialisation magiquement symbolique du sens figuré ; son fils, pour qui il se sacrifie, finira pourtant de magouilles en mauvais plans par mal tourner, tandis que sa fille s'amourache d'un marchant de coquillages qui enjolive la vie de tous de différentes manières ; celui-ci prend sous son aile l'Aveugle, qui voit beaucoup mieux avec son coeur que d'autres avec leurs yeux. Devenus habitués de l'immeuble, ils fréquentent Edu et son énooooorme paquet, Joa et son cinéma porno en terrasse, un gamin orphelin de la guerre adopté par les habitants, ou encore Paulo, un journaliste. Celui-ci est préoccupé par les dernières annonces présidentielles selon lesquelles Luanda allait être transformée en gruyère pour extraire le pétrole qu'on y aurait décelé… Paulo sait en effet à quel point dans ce pays l'argent gouverne le bon sens et ferait faire n'importe quoi aux dirigeants. Interviewant des scientifiques de renoms appelés sur le projet, il verra la catastrophe arriver avant tout le monde mais personne ne l'écoute, car ici seuls ceux qui ont l'argent ont le pouvoir, les autres sont… transparents.


Dans ce joli conte africain, dont la mise en forme en paragraphes presque sans point ni majuscule nous fait renouer avec la tradition de la transmission orale, l'auteur nous fait toucher du doigt les problèmes du pays, les défauts structurels d'un pouvoir gangréné par la corruption, le népotisme, les abus de pouvoirs et j'en passe. Un gouvernement de l'opportunité immédiate qui peine à assurer la sécurité et la survie de citoyens qu'il ne considère plus, du haut de sa tour d'ivoire élitiste. le traducteur parvient à conserver les nuances de l'écrivain lusophone qui, de son côté, restitue à merveille le sens de la débrouille, de la négociation et de l'entourloupe nécessaires à la survie dans un pays qui se remet mal des guerres, des privations, et de la modernisation rapide qui l'a assailli. Si les puissants sont insupportables de suffisance, Ondjaki nous rend attachante sa population d'invisibles qui essuie les coups de leur incompétence, laquelle semble tous les mener droit à leur perte… le côté conte, parfois à la limite du magique, apporte un vent de légèreté sur une réalité plombante. Une satire réussie, aussi truculente que désespérante mais dont l'ironie mordante permet de ne pas sombrer.
Cette touche de magie, et la légèreté émanant notamment de ce papillonnement incessant d'un des nombreux personnages à l'autre, lui ôte peut-être un peu de réalisme de terrain ou d'approfondissement que j'affectionne habituellement dans mes lectures, et crée une sorte de décalage entre le lecteur, à qui l'auteur offre l'opportunité de sourire ou s'émerveiller de la situation, et les personnages qui ont certainement moins envie de rire - même s'ils font preuve d'une grande résilience, celle de l'habitude de prendre la vie comme elle vient par manque de choix. Et finalement, c'est certainement ce que cherche à nous faire ressentir l'auteur en le racontant ainsi. Aussi tout en souriant, j'ai bel et bien reconnu la nonchalance, la capacité d'adaptation des populations, l'aveuglement des puissants et les liens unissant la communauté… Pour une première approche ce fut donc malgré tout une lecture rassasiante, pleine de jolis moments et dont la structure semble vouloir s'imprimer dans la mémoire. Merci Bookycooky pour cet agréable conseil de lecture !
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Luanda, ville phare d'Angola et véritable personnage principal de ce livre, s'étend dans ce récit comme une pieuvre qui nous étourdirait en tournant autours de nous pour mieux nous attraper et nous attirer vers le fond avec elle...
Luanda, c'est un coeur qui bat. Celui d'une ville emblématique de ce pays d'Afrique, aussi convoité que décrié, dont les habitants s'accommodent, sans colère ni apitoiement, de sa corruption, de sa violence et de son développement anarchique.
Ondjaki nous relate la vie des locataires d'un immeuble de Luanda d'où jaillit du 1er étage, une source d'eau bienfaitrice, lieu de rassemblement et source d'apaisement pour ses habitants et leurs hôtes. Est-ce qu'on peut vraiment parler de destins ? Non. Simplement des vies qui s'entrecroisent, dans cette nécessité vitale de survivre, à soi et aux autres.
On ne peut parler réellement, non plus d'histoire, mais plus d'une galerie de portraits et d'évènements qui nous permettent d'apercevoir la réalité de ce pays, à peine sorti de la guerre civile et déjà intégré dans cette course folle du capitalisme, mais qui serait l'affaire de tous : chacun essayant de prendre la meilleure part du gâteau ou tout du moins d'y goûter, avant qu'il ne lui passe sous le nez... dans l'intelligence de l'à propos et de la débrouille, entre égoïsme et solidarité.

L'écriture d'Ondjaki est belle et surprenante : Il y a certaines envolées de pure poésie que j'ai adorées lire et relire. Dans le style, certes. Mais pas que. Certains de ses personnages ont l'air tout droit sortis d'un conte, et leurs parts de merveilleux, d'extra-ordinaire s'entremêlent à la réalité dure et sans concession de ce pays :
« nous ne sommes pas transparents parce que nous ne mangeons pas... nous sommes transparents parce que nous sommes pauvres. »
Quantités négligeables dans cette course aux profits individuels.

Son absence de point et ses retours à la ligne donnent le rythme à la lecture, comme si Ondjaki nous donnait le tempo et nous indiquait quand reprendre notre souffle : traces fugaces d'une oralité des récits restée reine dans ce pays.

J'ai eu beaucoup de mal à savoir noter ce livre, 3 ou 4 étoiles ? C'est là que je me dis que les demies auraient leur utilité... Ce qui m'a manqué ? J'aurai souhaité évoluer tout du long du récit dans cette poésie des mots et des images. J'aurai souhaité un peu plus de développement à certains moments du récit, même si je comprends que cela correspond à ce que l'auteur a voulu donner comme impression : celle d'un monde et d'un lieu où rien n'a vraiment d'importance, où chaque chose se vaut, l'amour comme la haine, la vie comme la mort... sans regret, tristesse, ni colère. Parfois certains essaient de s'extraire de ce flot continu d'eau ou de feu, mais c'est souvent peine perdue !
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"–dis-moi quelle est la couleur de ce feu…
l’Aveugle parlait la tête tournée vers la main du garçon qui le soutenait..."
première page,premier paragraphe du livre...oups,ai-je sauté une page??
eh non, Ondjaki dés les premières phrases, sans majuscules, ni points et une mise en
page déroutante, nous emporte dans le tourbillon de la vie des habitants d'un vieil immeuble
du centre de Luanda
un immeuble à sept étages, avec un énorme trou au rez-de-chaussée , un premier étage
envahi par une eau mystérieuse et fraîche, des habitants, hauts en couleurs, aux noms étranges, le MarchandDeCoquillages, MariaComForca, leCamaradeMuet, l'Aveugle, Odonato,le transparent....
un IMMEUBLE , métaphore d'un pays, l'Angola, tiraillé entre modernité et tradition ,en pleine
mutation, essayant de sortir des décombres de 14 ans de guerre d'indépendance contre le
Portugal et 25 années de guerre civile
personnages solidaires et débrouillards, aux histoires individuelles tragiques
politiciens,buzinesmen,policiers...violents et corrompus jusqu'à la moelle
quête du pétrole au profit d'une poignée de puissants et au détriment des pauvres.....
et la réponse du garçon à l'Aveugle ,"rouge tout doucement", magnifique
poésie et ironie pour qualifier ce très beau roman intéressant,différent,attachant


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L'eau, le feu. La première s'écoule, rafraîchissante et salvatrice, tout au long du récit, jaillissant inexplicablement d'une source invisible située au premier étage d'un immeuble délabré de Luanda, Angola. Le second ouvre et clôt ce même récit, de sorte qu'on pressent dès le début que celui-ci se terminera dans un feu d'artifice d'apocalypse.
Entre les deux (le début et la fin, l'eau et le feu), il y a le quotidien des habitants et des familiers de cet immeuble de sept étages du centre-ville, dans un quartier où l'électricité et l'eau sont aléatoires, ne serait-ce cette fuite intarissable du premier étage. Au détour d'un escalier aux marches branlantes (l'ascenseur est en panne, bien sûr), on y croise des hommes, des femmes, en couple ou célibataires, jeunes ou anciens, qui font bouillir leur marmite tant bien que mal, honnêtement à la sueur de leur front ou à coup de magouilles plus ou moins illégales. Des vendeuses de poisson grillé, un Facteur, un journaliste, un scientifique, un MarchandDeCoquillages, un Aveugle et un orphelin, une jeune fille et une GrandMère, un « entrepreneur culturel » qui lance sur le toit de l'immeuble un cinéma en plein air, ce qui ne manquera pas d'attiser la convoitise de deux « contrôleurs » très corruptibles, et même la curiosité d'une journaliste de la BBC. Tout ce petit monde, pour qui la solidarité n'est pas un vain mot, vivote dans ce quartier pauvre de Luanda, ville en pleine mutation, capitale d'un pays dévasté par 25 ans de guerre civile, et qui, après des années de marxisme à l'africaine, fonce tête baissée dans les tentacules de la pieuvre Capitalisme.
La découverte de pétrole dans le sous-sol de Luanda ouvre les appétits des dirigeants locaux, soudainement atteints de folie des grandeurs et de « dollarite » aiguë. La ville n'est désormais plus qu'un fouillis de chantiers encombrés d'excavatrices, de galeries et de tranchées creusées au mépris du sommeil des habitants et de la stabilité des immeubles des quartiers déshérités. Mais Luanda prépare sa vengeance...
Les habitants de l'immeuble de la Maianga observent ce cirque du libéralisme à tout crin et de la corruption à tous les étages avec un sentiment de fatalité et d'impuissance, plus rarement de révolte – le journaliste – ou de nostalgie – Odonato. Ce dernier, regrettant les temps pas si anciens où on manquait de tout sauf du bonheur d'être en famille au bord de l'océan ou entre amis autour d'un repas de fête, devient – littéralement – de plus en plus transparent et léger au fil du récit, finissant par s'envoler, à l'image d'un passé définitivement révolu, qui laisserait la place à un présent dans lequel les jeunes n'auraient d'autre avenir que des balles plus ou moins perdues dans leurs dos.

Ma chronique est la première de ce livre sur Babelio, et j'espère de tout coeur qu'elle donnera envie à d'autres de découvrir cette oeuvre et cet auteur.
Ce livre, teinté de réalisme magique, est une perle de cocasserie et d'émotions, de poésie et d'ironie, une source intarissable de tendresse envers ses personnages pauvres – les transparents (« nous ne sommes pas transparents parce que nous ne mangeons pas... nous sommes transparents parce que nous sommes pauvres. ») et un puits (de pétrole) de critique acerbe des politiciens et des autorités, corrompus à tous les échelons de la hiérarchie. Dans une langue imaginative (chapeau bas à la traductrice) et drôle, se jouant de la ponctuation, l'auteur dépeint l'Angola actuel, pays en transition, où les souvenirs de la guerre sont encore à fleur de mémoire.

Un tout grand merci à Masse Critique de Babelio et aux éditions Métailié pour cette épatante découverte !
Lien : http://www.voyagesaufildespa..
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GrandMèreDixNeuf et le Secret du Soviétique m'ayant fait forte impression en janvier dernier, j'ai eu envie de découvrir le roman qui lui précédait. Bien m'en a pris, puisque j'ai préféré celui-ci.

Nous faisons la rencontre des habitants d'un immeuble en état de délabrement avancé de Luanda, qui a la particularité d'avoir une fuite d'eau s'écoulant sans cesse au premier étage.

L'histoire de chacun, étage par étage, nous est contée au fil de l'eau qui s'écoule du premier, histoires souvent douces-amères, empreintes dans tous les cas d'une poésie tragi-comique, alors que la guerre vient de se terminer en Angola, qu'elle a justement laissé des traces sur sa population, et que le gouvernement veut profiter de cette nouvelle paix pour "reconstruire" le pays en allant forer dans les sources pétrolifères de la capitale sans se préoccuper des risques encourus et des processus de sécurité à prendre en compte pour ce faire. Nous est ainsi également contée la corruption qui, en ces temps meilleurs qui devraient permettre au pays de respirer enfin, gangrène la vie politique, et aura, finalement, des conséquences directes sur notre immeuble et ses habitants.

Habitants, personnages de la vie politique, tout ce petit monde se croise, se parle, donnant parfois lieu à des conversations tout bonnement absurdes, donnant en tout cas lieu à la description de personnages hauts en couleur, d'un réalisme le plus banal ou d'un onirisme enchanteur, parfois hallucinatoire, selon les scènes et les évènements.

Ces croisements incessants, parfois sans queue ni tête, sont de plus parfaitement retranscrits par la plume d'Ondjaki, qui fait l'économie de la ponctuation forte et des majuscules pour mettre davantage au centre la virgule, dynamisant et rythmant, de manière tout aussi poétique, la vie de l'immeuble, dans d'amples périodes qui se scandent à certains instants comme des vers - ce que met également en évidence la construction même des paragraphes -.

Un roman que j'ai en somme adoré, d'une plume rafraîchissante, qui sert parfaitement le propos, beaucoup plus grave qu'il n'y paraît de prime abord, dans un paradoxe maîtrisé.
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Mon avis :
La littérature africaine n'est certainement pas la plus représentée dans les vitrines de nos libraires, et c'est bien dommage ! À l'heure où le rouleau compresseur de la mondialisation nivelle tout ce qui se vend, même l'art est prié de passer par le moule de la rentabilité et l'auteur par celui du consensus. Dans ce monde aseptisé de la littérature industrielle, le roman d'Ondjaki est une salvatrice bouffée d'air frais.
Et quand je dis « bouffée d'air… », je devrais plutôt parler d'un puissant souffle qui attrape le lecteur et l'entraîne dans un tourbillon coloré, plein d'odeurs et de sons, de réalisme et de poésie. Rarement dans un livre, j'ai eu aussi fortement cette impression d'être parmi ces gens qui se côtoient, s'invectivent ou se caressent de mots, se filoutent ou s'entraident. de petites combines en grosses magouilles, du porteur d'eau au ministre, la vingtaine de personnages qui traversent ses pages le font avec un allant communicatif, une grâce jusque dans le désespoir, une dignité même dans les actes les plus vils. Il faut dire qu'ils habitent une ville au bord du gouffre, ce qui leur apporte un genre de surplus de vie, non pas dans la durée, mais dans la densité. Comme si un futur incertain les obligeait à vivre plus fortement le présent. Il faut dire aussi qu'ils habitent (ou ne font qu'y passer) un immeuble peu banal au centre de Luanda, et ce vieux bâtiment a également son âme.
À travers cette galerie d'êtres plus ou moins malmenés par l'existence, Ondjaki porte un regard ironique et décalé sur la société angolaise, relevant mille détails du quotidien, tantôt drôles, tantôt émouvants, mais souvent empreint de poésie et ne manquant jamais de tendresse pour ses compatriotes. On n'est également pas loin des contes ancestraux, avec un peu de magie qui apporte un côté métaphorique au récit. Mais ne nous y trompons pas : sous son humour et sa poésie, Les transparents est un texte éminemment politique. le personnage d'Odanato qui devient de plus en plus transparent est aussi celui que l'on regarde le plus… Les politiques mettent en lumière ce qu'ils veulent cacher ou interdisent l'éclipse solaire… La représentation est partout, chacun joue son rôle à tous les niveaux de cette société en pleine mutation, et ce que l'on voit n'est pas forcément l'exacte vérité. La nouvelle Angola essaie de se calquer sur l'ancienne mais ne peut la chasser… Les symboles de la continuité sont là (l'écoulement d'eau dans le vieil immeuble, le réfrigérateur qui ne s'éteint jamais malgré les coupures de courant), ceux du renouveau débarquent en force, comme les frères DestaVez et DaOutra. On retrouve cette même logique de continuité dans la forme narrative : en début et fin, les alinéas sont exempts de points et de majuscules, donnant au lecteur le sentiment contradictoire d'un récit à la fois éclaté et d'une grande homogénéité.
Ce roman foisonnant est aéré par de nombreux et savoureux dialogues, ce qui ajoute à l'impression d'immersion et au plaisir de lecture. Alors, si comme moi, vous n'êtes pas parti en vacances, prenez votre ticket pour l'Afrique avec ce roman d'Ondjaki, vous ne serez pas déçu du voyage !
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Remportant le prix José Saramago 2013 pour cet ouvrage, Les Transparents (Os transparentes) est le troisième ouvrage publié en langue française de l'angolais Ondjaki, de son vrai nom Ndalu de Almeida. Paru aux éditions Métailié, ce roman, sorti en 2012 en Angola, est une véritable révélation et fait entrer de plain-pied l'auteur âgé de 38 ans et titulaire d'une licence en sociologie sur la scène littéraire internationale.

Roman fleuve, polyphonique, Les Transparents raconte l'histoire d'un vieil immeuble du centre-ville de Luanda, la capitale angolaise, et de ses habitants, de ses visiteurs qui errent dans les couloirs, dans les rues de la ville, au rythme de la mélodie de ce filet d'eau s'échappant des canalisations défoncées, vraie petite rivière idéale pour « rafraîchir [les] corps » qui « se baignèrent comme s'ils étaient les derniers citoyens du monde » [page 156]. Cet immeuble est un microcosme où la société luandaise se croise, se parle, fait part de ses revendications, tout en étant un lieu où les promeneurs viennent flâner, portés par le murmure de ces eaux perdues.

La suite sur mon blog :
http://unepauselitteraire.com/2015/09/21/les-transparents-de-ondjaki/
Lien : http://unepauselitteraire.co..
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Un immeuble et ses habitants dans Luanda,capitale de d'Angola. Un drôle d'immeuble dans lequel il y a de l'eau en continu au premier étage. Fuite ou source ? On ne sait pas. Mais cette fraîcheur est bien appréciable. Une galerie de portraits : facteur, vendeur de coquillages, orphelin laveur de voiture, vendeuse de boissons dans la rue, créateur d'un cinéma sur la terrasse de l'immeuble. Et ceux qui ne font que passer : journaliste de la BBC, journaliste local, ministre, scientifique américain. Oui, parce que le gouvernement, en pleine transition post socialiste, a fait appel à un spécialiste de la recherche pétrolière car des forages dans la capitale sont imminents. En parallèle, un entrepreneur cherche à s'approprier la distribution de l'eau. Et oui, on est au XXI e siècle, le pays se développe, ce qui ne va pas sans capitalisme... un texte dense (350p),d'une poésie extraordinaire, à la langue inattendue (Ondjaki est angolais, vit au Brésil, écrit dans sa langue maternelle, le portugais de l'Angola).
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Voilà un livre bien singulier ! Les transparents m'a étonnée sur plus d'un plan, car c'est un roman qui ne peut laisser indifférent.

Le roman commence par une conversation entre deux personnes. Là, tu te dis qu'il y a quelque chose qui cloche, mais tu ne sais pas trop. Mais voilà, la curiosité du roman est déjà là. Tu veux faire connaissance avec les personnages, alors tu poursuis ta lecture. Jusqu'à ce que tu réalises que tu as lu 5 pages mais tu n'as toujours pas rencontré le moindre point. Il y a bien eu quelques points de suspension, des points d'interrogation, mais pas de point. Et tu n'as pas rencontré de majuscule non plus, outre pour les noms des personnages.
N'allez surtout pas croire que le roman est une seule et loooongue phrase, ce n'est pas le cas ! Car les sauts de lignes existent, les paragraphes également. C'est juste que l'auteur a décidé de ne pas utiliser de points ou de majuscules. Et si au début, cela m'a semblé étrange, et bien rapidement ça a donné un sens tout autre à ma lecture, et j'ai abordé le roman sous un autre angle.

L'histoire, c'est une sorte de huis-clos dans un immeuble de Luanda. Dedans, y vivent des personnes aussi étranges les unes que les autres, donnant à ce lieu une âme particulière, de ces endroits où règne la solidarité, les petites histoires, les vies qui s'entrecroisent. Mais parler de huis-clos n'est finalement pas le terme le plus approprié, car la vie de cette immeuble est intimement liée à celle de Luanda, et plus exactement à la transformation que subit la ville après des années de Guerre Civile. L'angola ne subit plus le joug de la dictature, et de ce fait devient intéressante pour les industriels, persuadés que tu pétrole se terre sous la surface de la capitale. Et quand on découvre qu'une source d'eau particulière s'écoule du premier étage de l'immeuble, c'est toute la vie de ses habitants qui va être bouleversée. Cette source a la réputation d'offrir un bien-être propice au repos et à la conversation. Alors, les gens parlent de leurs souvenirs, de la guerre, de l'avenir, de leurs craintes, leurs espoirs. Chaque personnage a sa particularité, sa propre vie qu'il porte avec ses forces et ses faiblesses. Et puis c'est aussi le monde extérieur qui vient dans cet immeuble, pour des raisons plus ou moins éthiques, par hasard ou non. Mais peu importe, tous en repartiront avec un souvenir ancré dans leur mémoire. Que ce soit la découverte d'une pauvreté cruelle, l'opportunité que peut offrir cette source d'eau, les histoires que l'on se raconte entre habitants de l'immeuble, il y aura toujours quelque chose à dire de cet endroit.
Un endroit qui craint arriver sa mutation, avec cette nouvelle ère d'après-guerre, qui sonne certes la fin d'une époque tristement trouble, mais paradoxalement le début de nouveaux ennuis pour ces petites gens tentant de survivre au jour le jour, avec les moyens du bord. le profit, la corruption et tout ce joyeux monde font irruption, et ce n'est pas toujours beau à voir…
Pour nous raconter tout cela, Ondjaki est un remarquable narrateur. L'absence de point et de majuscule se fait vite oublier, ou plus exactement elle se fait ressentir mais de manière positive. Parce que finalement, ce que nous raconte l'auteur, ce sont des bribes de vies qui s'entremêlent, des gens qui continuent d'exister au-delà de ces moments où l'auteur parle d'eux, où les lecteurs les observent. Cette particularité syntaxique est pour moi comme un symbole d'une vie qui continue coûte que coûte, au-delà des apparences.
Ce roman, c'est l'histoire d'un pays qui hésite entre ses traditions qui font son identité, et la modernité qui se fait de plus en plus présente. C'est l'histoire de gens, souvent pauvres, à qui la vie ne fait pas de cadeau, mais qui se battent jusqu'au bout pour lui tenir tête. Et c'est surtout une multitude de rencontres avec des personnages souvent bien étranges, mais en même temps si communs…
Lien : http://wp.me/p5W0Ex-Dx
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Une telle mélancolie, une telle poésie. Bien sûr l'absurdité de la société, ici angolaise, mais au-delà humaine, le mépris des élites corrompues et ridicules envers le peuple du quotidien. Bien sûr de l'humour. Mais il se dégage une telle mélancolie... celle d'une époque non encore advenue, d'une humanité en harmonie avec elle-même et la terre qui l'entoure. Que tout en vient à disparaître sous les flammes...
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