Une langue qui faiblit c’est un pays qui vacille.
A Munich, à Bucarest, à Rio, au cours Hattemer par courriers interposés, à l'Ecole Bossuet, à Clermont-Ferrand , à Nice, j'étais presque toujours premier ou deuxième - sauf en cosmologie -... sans me donner trop de mal. A Henri-IV, tout à coup, au milieu de petits génies venus d'un peu partout, avec de grandes espérances, je me retrouvais, stupeur et désespoir, parmi les derniers. Je souffrais beaucoup.Je serrais les dents.
(pp.133,134)
Si quelque chose a marqué mon enfance, c'est l'amour. Un amour calme, sans tempête, sans fureur. Mais un amour fort. L'amour durable des parents entre eux. L'amour exigeant des parents pour leurs enfants. L'amour, mêlé de respect, des enfants pour les parents.
Ce que j'aime, c'est admirer.
La vie est un élan vers la mort. Nous ne pouvons rien sur la mort. Mais nous pouvons, sinon tout, du moins beaucoup dans notre vie et sur notre vie. Vivre consiste à oublier la mort qui est notre seul destin et à profiter des quelques années, des quelques saisons qui nous ont été accordées dans un coin reculé de l'univers par la puissance inconnue.
Nous montons sur les planches en naissant. Nous sortons de scène en mourant. Entre la naissance et la mort, nous débitons notre texte. Ce texte nous est dicté par l’espace et le temps, par l’histoire, par la géographie, par notre situation. Nous avons le droit d’improviser, bien sûr. Nous pouvons le retoucher. Mais dans des limites très étroites.
J'ai souvent partagé des appartements ou même des chambres avec des compagnons de la manchette à qui me liaient des amitiés qui me restent très chères. Mais la seule idée de laisser qui que ce soit franchir mes Thermopyles ne m'a jamais traversé.
(p.62)
Où serons-nous après notre sortie de ce monde et du temps ? Nulle part. Tout le long de notre vie, nous courons du rien au rien. Peut-être est-il pourtant permis de suggérer qu’entre ces deux évènements, entre le rien du début et le rien de la fin, s’est déroulé une aventure stupéfiante qu’il est impossible de traiter à la hâte et par-dessus le jambe : la vie.
Des détails minuscules et dérisoires restent fixés dans ma mémoire. Il y avait dans la villa de l’ambassade d’Angleterre (à Rio de Janeiro) une piscine où tous les enfants du corps diplomatique venaient en foule se baigner. Plusieurs maladies ayant frappées les jeunes baigneurs, on décida de procéder à un examen de l’eau de la piscine. Un spécimen de cette eau fut prélevé dans une fiole et envoyé à un laboratoire. Le verdict tomba assez vite : « Urine normale, avec quelques microbes encore en cours d’examen. »
D’une banalité extrême et au cœur de notre vie de chaque jour, présent et tout puissant d’un bout à l’autre de notre univers où il règne sans partage, (le temps) constitue la matière première de toutes nos sciences, de la préhistoire et de l’histoire à la physique et à l’astronomie, de l’archéologie à la biologie et à l’économie politique – et nos ne savons pas ce que c’est.