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sur 3158 notes
Elles ont entre 12 et 37 ans, viennent de Tokyo, Hiroshima, Hokkaido, de la ville, de la montagne, de la campagne, certaines n'avaient jamais vu la mer... Ces jeunes japonaises se retrouvent unies dans l'attente d'une nouvelle vie, toutes sur un navire en partance pour l'Amérique, toutes attendues là-bas par un mari qu'elles n'ont pas choisi mais qui a payé leur dot à leurs familles. Pendant la traversée, inquiétudes et questions alternent avec certitudes d'un avenir meilleur " à présent nous étions sur le bateau, le passé était derrière nous et il n'y avait pas de retour possible " […] " Si tu reviens, nous avait écrit notre père, tu attireras la honte sur la famille tout entière... "



Lorsqu'elles arrivent, les jeunes maris fringants dont elles conservent la photo dans leur kimono sont des hommes fatigués par le labeur, aigris, violents parfois. Rares sont ceux qui ont fait fortune comme elles le pensaient. Elles ont échappé aux rizières pour travailler dans les champs sous le joug d'exploitants blancs. Leur rêve ne devient pas réalité "et nous comprenions que jamais nous n'aurions dû partir de chez nous ".

La vie s'écoule, laborieuse toujours, douloureuse souvent, " quelque fois dans son sommeil l'homme posait sur nous ses mains épaisses et noueuses et nous essayions de ne pas nous soustraire à son étreinte. Parfois il ouvrait les yeux dans la lueur de l'aube, voyait notre tristesse et nous promettait que les choses allaient changer. Et nous avions beau lui avoir lancé quelques heures plus tôt : "Je te déteste " alors qu'il nous grimpait dessus dans l'obscurité, nous le laissions nous réconforter car il était tout ce que nous avions. Il arrivait qu'il regarde à travers nous sans nous voir, et c'était là le pire. Est-ce que quelqu'un sait qui je suis ici ? "

Effectivement, quelqu'un d'autre qu'un membre de la communauté japonaise s'intéresse-t-il au sort de ces familles ? C'est très rare. Etrangers ils sont, étrangers ils restent même après de nombreuses années de vie et de labeur sur les terres d'Amérique. " Ils ne voulaient pas de nous comme voisins dans leurs vallées. Ils ne voulaient pas de nous comme amis. " Mais ces travailleurs infatigables prennent vite le contrôle de certaines filières de production de légumes, par exemple. Les jalousies se déchaînent alors très vite entraînant des exactions " Parfois, ils passaient devant nos cabanes et criblaient nos fenêtres de chevrotines, ou mettaient le feu à nos poulaillers. Parfois ils dynamitaient nos remises. Brûlaient nos cultures alors qu'elles commençaient à mûrir... "

Malgré les difficultés, des enfants naîtront, certains resteront ancrés dans la tradition japonaise des parents, d'autres seront de vrais petits américains et renonceront à la culture de leurs ancêtres mais tous, à l'heure de la seconde guerre mondiale deviendront des suspects, des ennemis à neutraliser, des espions en puissance. Et alors que pour quelques uns la vie était devenue plus clémente, tout va basculer de nouveau. " du jour au lendemain, nos voisins se mirent à nous regarder différemment." "Dans les journaux et à la radio, on commençait à parler de déportation de masse. "

C'est ainsi que les japonais disparaissent des villes et des campagnes où ils étaient installés et que si quelques uns s'inquiètent de leur sort, d'autres disent simplement " il faut bien continuer à vivre "...



Ce beau roman, prix Fémina Etranger 2012, s'inspire de la réalité de la vie des nombreux immigrants japonais arrivés aux Etats-Unis au début du XXe siècle. L'écriture sobre fait parler un "nous" qui ne met pas en scène un personnage unique mais bien toutes ces femmes qui s'expriment d'une seule voix pour conter leur vie en une suite de longues énumérations lancinantes. Parfois, l'une d'entre elle se distingue et vient se faire entendre en criant un "je" retentissant alors exprimé au présent, l'ensemble du texte étant par ailleurs entièrement à l'imparfait.

Un roman sur fond d'Histoire qui résonne comme un choeur douloureux sans larmoiement ni pathos. Très fort, très beau et aussi très instructif. Un livre marquant.
Lien : http://parisiannemusarde.ove..
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Ce livre est très particulier par ce choix d'énumérer tout ce qui a pu arriver à ces femmes japonaises réduites à l'esclavage après avoir été expédiées en Californie, un mariage comme promesse d'avenir !
Le sort de ces jeunes filles est terrible, mais l'énumération de ce qu'elles ont subi rend la lecture à la fois pénible et frustrante. On perd tout lien humain avec ces femmes ; l'émotion est diluée par la succession d'événements, classés par thème, souvent insupportables, généralement malheureux, rarement heureux, mais sans logique autre que temporelle ni progression d'une quelconque intrigue.
C'est historiquement intéressant mais on n'apprend pas grand chose sur les tenants et les aboutissants de ces trafics humains, sur l'impact de ces populations sur la société californienne.
J'aurais peut-être aimé une vraie histoire romancée....
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Un moment d'histoire que je ne connaissais pas, je savais qu'il y avait beaucoup d'immigration à cette époque, mais pas dans/avec ses conditions.
Des Japonaises quittent le Japon pour épouser un mari, et vivre le rêve américain, il en sera tout autre..
Témoignage à la 1re personne du pluriel, mêlant poésie et fait historique.
Lecture intéressante !


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Je suis mitigée sur ce roman, je ne peux pas dire que je n'ai pas aimé, ni que j'ai adoré. Mais ce qui est sûr, c'est que je ne m'attendais pas à lire ce que j'ai lu. Plutôt, je ne m'attendais pas à ce que l'Histoire me soit décrite dans ce style-là.

En effet, tout le livre est raconté d'un point de vue global, par une succession de petites phrases qui englobent plusieurs histoires à la fois. Par exemple : « Certaines avaient épousé des fermiers. D'autres des banquiers. » « Certaines vivaient à la campagne. D'autres avaient la chance d'avoir un petit pavillon en banlieue de Chicago. » J'invente totalement, mais c'est pour vous donner une idée. Et quand vous lisez un livre qui n'est une succession de phrase de ce genre-là, quand vous le terminez, vous vous dîtes : « C'était bizarre, mais j'ai appris plein de choses ! » En fait, j'ai l'impression d'avoir lu un documentaire, mais sans images !

Mais en y réfléchissant, oui j'ai appris des choses, mais je n'ai pas eu envie de lire ce roman pour apprendre des choses, mais pour être happée par une histoire, déchirée entre la haine et la tristesse, et m'attacher à une héroïne. Et là, ça n'a pas été le cas. Alors oui, évidemment, j'ai été émue par le sort de toutes ces femmes japonaises « achetées », qui ont vu leur vie complètement bouleversée, leur innocence et leur naïveté détruites, et leur vie une nouvelle fois saccagée par la guerre et ses dommages collatéraux. Mais le fait de ne pas avoir pris part d'une histoire individuelle m'a perturbée.

Et en même temps, ça fait du bien de sortir de sa zone de confort parfois. Ce livre a un style particulier, bien à lui, et même s'il ne m'a pas tout à fait convenu, il reste brillant ! Et il a également le mérite de mettre en lumière un fait trop méconnu de la Seconde Guerre Mondiale…

14/20
Lien : https://matoutepetiteculture..
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très beau roman choral très original, puisqu'on n'a pas ici une femme héroïne mais un ensemble de Japonaises venues en Amérique pour s'y marier au début du 20e siècle. On a l'impression d'entendre des voix de femmes pour relater leur expériences: découverte de ce mari souvent très différent de sa photo et de ce qu'il a pu leur écrire, vis à ses côtés, naissances, enfants qui en grandissant prennent honte de leur origine et s'éloignent, puis rejet des Japonais vus comme des traitres au moment de la guerre... à la fois des expériences singulières, des pans du destin de toute femme, le sort des immigrés... très bien écrit, un vrai souffle épique par moments
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Des phrases courtes, proche du haïku. de la poésie à l'état pur.
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Au début du 20ième siècle, des dizaines de jeunes japonaises embarquent pour l'Amérique à la rencontre d'un mari dont elles n'ont vu qu'une photo. Mariage arrangé sans espoir de retour car revenir au village apporterait la honte sur toute la famille.
Arrivées aux États-Unis, au lieu d'une vie meilleure, c'est la désillusion, les durs travaux, l'ostracisme, le racisme, les peines et les douleurs qui les attendent.
Certains ont porté aux nues le style qu'a choisi l'auteure, Julie Otsuka, et vu en l'utilisation d'une écriture en polyphonie, un trait de génie. Ils ont parlé de chef d'oeuvre littéraire (ce qui m'a poussé à acheter le livre).
Désolée, je n'adhère pas. le "nous" utilisé à longueur de lignes, la liste sans presque de fin des détails images d'une situation, répétés de manière lancinante, ont pour moi déshumanisé la vie de ces femmes et m'ont empêché de vibrer et d'apprécier comme je l'aurais pu ce livre que je qualifierais de .... catalogue.
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Ce chef d'oeuvre raconte l'émouvant et tragique déracinement de ces Japonaises à l'aube du XXème siècle, qui embarquaient à destination des Etats-Unis pour rejoindre le mari dont elles ne connaissaient qu'une photo. L'espoir se confronte tout de suite à une réalité douloureuse. le roman traite d'une page de l'Histoire que je ne connaissais absolument pas. C'est de l'émotion pure. Sublime. Un livre inoubliable.
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D'habitude, je ne suis pas très prix littéraires. Mais lorsque cet ouvrage reçut, en 2012, le Femina étranger, je me dis sans même l'avoir lu (j'en connaissais cependant le résumé) qu'il l'avait mérité.
A présent que je l'ai lu, je pense toujours de même.
Certaines n'avaient jamais vu la mer évoque un épisode méconnu de la Seconde Guerre Mondiale. A savoir le sort de ces Japonaises, venues aux Etats-Unis épouser un homme qu'elles n'ont jamais vu.
Le livre suit le départ de ces femmes, leurs rêves, leurs attentes, puis le vol en éclat de ces derniers à mesure qu'elles découvrent la société américaine et le profond fossé qui existe entre les deux cultures, à mesure qu'elles réalisent que l'homme rêvé et annoncé est tout différent.
Le style du roman rassemble mille voix en une, comme si chacune de ces femmes s'exprimaient à travers la plume de l'auteur.
Le résultat ? Une oeuvre courte mais profondément émouvante, sur un sujet peu connu (et réel). Une oeuvre qui évite tous les écueils (l'ennui, le pathos, le style lourd) pour livrer une pépite de littérature, un condensé d'humanité. Une oeuvre à lire, ne serait-ce qu'une fois.
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Époustouflant !
Le destin de ces Japonaises "exportées" comme épouses pour des Japonais installés aux Etats-Unis est poignant. L'internement des personnes d'ascendance japonaise pendant la Seconde Guerre Mondiale suite à l'attaque de Pearl Harbor dans des "War Relocation Camps" est un fait que j'ignorais totalement. de ce point de vue, déjà, ce roman m'a beaucoup intéressée.
Quant à l'écriture de Julie Otsuka, c'est une pure merveille. On ne s'attache pas à l'histoire d'une seule de ces femmes, mais à toutes en fait. Pas de "je", pas de "elle", mais un "nous" collectif qui les englobe toutes et qui fait qu'on a l'impression d'une foule unie qui chante, qui scande son histoire. C'est magnifique, j'en suis toute éblouie ! Enfin un roman qui m'emballe totalement, ça faisait longtemps. (octobre 2012)
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