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Citations sur La ligne de nage (48)

La piscine est profondément enfoncée sous terre, dans un vaste espace caverneux à plusieurs mètres sous les rues de notre ville. Certains d'entre nous viennent ici parce qu'ils sont blessés et cherchent à guérir. Nous avons des problèmes de dos, d'affaissement du pied, d'anxiété, de rêves brisés, d'anhédonie, de mélancolie, bref, les maux habituels qu'on rencontre là-haut. D'autres travaillent pour l'université toute proche et préfèrent prendre leur pause-déjeuner là en bas, dans l'eau, loin du rude regard de nos pairs et de nos écrans. Certains encore se réfugient ici pour fuir, ne serait-ce qu'une heure, un mariage décevant. Beaucoup d'entre nous vivent dans le quartier, et aiment simplement nager.
(incipit)
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Ce que nous perdons en ciel et en horizon, nous le gagnons en tranquillité, car l'une des meilleures choses que nous procure la piscine, c'est le bref répit loin du fracas du monde de là-haut : taille-haies, coupe-bordures, klaxons, nez mouchés, gorges raclées, pages tournées, cette incessante musique qu'on entend partout, où qu'on aille - chez le dentiste, à la pharmacie, dans l'ascenseur qui vous emmène consulter cet audiologiste à propos de ce sifflement étrange dans vos oreilles.
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Elle se rappelle comment on dit : "j'ai perdu ma journée." Diem perdidi.
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Elle ne regarde plus par la fenêtre. Elle ne demande plus après ton père. Elle ne demande plus quand elle va rentrer chez elle. Parfois, des jours entiers passent sans qu'elle prononce un mot. D'autres jours, tout ce qu'elle dit, c'est « oui ».
- Tu te sens bien ?
- Oui.
- Les nouveaux médicaments sont efficaces ?
- Oui.
- Tu as mal ?
- Oui.
- Tu aimes cet endroit ?
- Oui.
- Tu te sens seule ?
- Oui.
- Tu rêves toujours de ta mère ?
- Oui.
- Mon chemisier me serre-t-il trop ?
- Oui.
- Si tu avais quelque chose à me dire, ce serait quoi ?
Silence.
De temps à autre, l'éclat de son vieux moi réapparaît. « Tu aimerais avoir des frères ? » te demande-t-elle un jour (tu réponds que tu adorerais ça). Ensuite pendant les cinq mois suivants, plus un mot.
La dernière phrase qu'elle prononce : « C'est bien que les oiseaux existent. »
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La nuit à Belavista tombe promptement à vingt heures, alors les veilleuses nocturnes s’allument toutes en même temps dans toutes les chambres (vous ne ferez plus jamais l’expérience du noir total) et la température ambiante commence à baisser. Les derniers médicaments sont administrés à vingt heures trente. À vingt-deux heures, extinction des feux. Visite de contrôle à vingt-trois heures. La ronde de nuit commence à une heure.
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En allant à la piscine, la plupart du temps, nous laissons nos problèmes là-haut, sur terre.
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Quand il était petit, ton père t’a raconté qu’il possédait un couple d’oiseaux (il ne se rappelle pas leur nom en anglais) dans une cage en bambou près du poêle. C’était il y a bien des années, dans le minuscule village des montagnes, au Japon. Les oiseaux chantaient du matin au soir, et une fois de temps en temps l’un des deux pondait un œuf moucheté parfait. Un jour, l’un des oiseaux mourut – il ne savait pas lequel, ils étaient totalement identiques. L’autre cessa de manger et devint tout maigre. La maison était plongée dans le silence. Ton père installa la cage près de la fenêtre, pour que l’oiseau entende ses congénères gazouiller au-dehors, malgré tout celui-ci refusait toujours de s’alimenter. Jour après jour, il demeurait posé sur son perchoir, la tête baissée, et maigrissait de plus en plus, sans doute en attendant la mort. Un matin, ton père s’éveilla en entendant l’oiseau chanter à nouveau. Sa mère avait installé un petit miroir à l’intérieur de la cage, et à présent l’oiseau se tenait droit sur son perchoir, et chantait pour son reflet. Il recommença à se nourrir et vécut neuf années de plus.
(p.139)
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La maladie n'est pas temporaire. Elle est évolutive, inguérissable et irrévesible. Et au bout du compte, comme la vie en somme, elle débouchera sur la mort.
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Dans la « vraie vie », là-haut, nous sommes petits joueurs, gros mangeurs, promeneurs de chiens, époux suiveurs, poètes mineurs, jumelles, véganes, travestis, tricoteuses compulsives (Allez, encore un rang), syllogomanes clandestins, « Maman », nous sommes un créateur de mode de second ordre, une bonne sœur, un sans-papiers, une Danoise, un flic, un comédien qui vient de jouer un flic à la télé (« agent Mahoney »), un gagnant à la loterie de la carte verte, une double nominée pour le titre de Prof de l’Année, un joueur de go de niveau national, trois types prénommés George (George le médecin spécialiste du pied, George le neveu du financier disgracié, George le boxeur amateur des Golden Gloves, catégorie welter), deux Rose (Rose, et l’Autre Rose), une Ida, une Alice, un dénommé personne (Ne faites pas attention à moi), un ancien du SDS, deux repris de justice, des valides, des drogués, des amers, des périmés, des batailleurs, des malchanceux (Je crois que je viens de me séroconvertir), nous sommes au crépuscule d’une terne carrière dans l’immobilier, au beau milieu d’une procédure de divorce qui n’en finit pas (Ça fait sept ans), à la fleur de l’âge, stérile, dans l’ornière, en mission, en rémission, à notre troisième semaine de chimio, dans un profond et incessant désespoir émotionnel (on ne s'y habitue jamais), pourtant là en-bas, à la piscine, l’ornière, en mission, en rémission, à notre troisième semaine de chimio, dans un profond et incessant désespoir émotionnel (On ne s’y habitue jamais), pourtant là en bas, à la piscine, nous n’appartenons plus qu’à l’une de ces trois catégories : les rapides, les moyens et les lents.
(p.15)
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Vous auriez dû vivre  (qu'est-ce que vous avez fait à la place ? Vous avez joué la sécurité, vous êtes restée dans votre ligne de nage ).
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