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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Les affres du stalinisme ne se sont pas volatilisées le 5 mars 1953, jour de la disparition du “Petit Père des Peuples”. Le soit-disant dégel khrouchtchévien fut de courte durée et il faudra attendre plus de trois décennies avant que la chute de l'URSS fasse voler en éclats la chape de plomb depuis si longtemps au-dessus les pays du bloc de l'Est.

Au sein de cet État mentalement dérangé la suspicion est omniprésente, le moindre dérapage par rapport à la norme en vigueur peut changer un destin. Outre leur aversion pour le stalinisme, le dénominateur commun à beaucoup de soviétiques est l'amour des livres devenus un substitut de la vie.
Cette envie d'apprendre, de se cultiver, de respirer à pleins poumons la littérature, avive l'amitié de trois adolescents dès les premiers jours de leur entrée en classe de sixième. Issus d'un milieu modeste, les inséparables Ilya, Sania et Micha forment, en ce début des années cinquante, le Trianon et s'appellent entre-eux les Lurs (Les Amateurs de Lettres Russes).
Quelle chance pour ce trio de copains d'avoir, à partir de la cinquième, un professeur follement épris de poésie ! Victor les entraîne régulièrement, amples explications à l'appui, dans des endroits de la capitale autrefois fréquentés par l'immense Pouchkine.
Un avenir enthousiasmant semble se dessiner pour chacun des trois compères respectivement attirés par la photographie, la musique et la poésie. Arriveront-ils à déjouer les vents mauvais du régime soviétique qui abhorre plus que tout les esprits non formatés ?

“Le chapiteau vert”, paru en 2011, est une incroyable immersion dans la dissidence soviétique et plus précisément au coeur de son samizdat aux ramifications multiples : une cause sacrée dans le progrès du monde à laquelle adhèrent avec fougue nos jeunes héros devenus adultes.
S'inspirant du parcours de vie de bon nombre de ses compatriotes, mêlant personnages historiques et de fiction, l'écrivaine moscovite Ludmila Oulitskaïa fait montre d'un savoir-faire remarquable quant à la construction de son roman. Une foultitude de personnages secondaires et même de troisième ordre se croisent d'un chapitre à l'autre, parfois l'histoire étonnante voire cocasse de l'un d'entre-eux est développée de façon détaillée.
Si l'érudition de l'auteure est d'emblée évidente, la rédaction de cette oeuvre a sans nul doute nécessité un long travail de recherche au niveau de plusieurs disciplines médicales ainsi qu'en musicologie. Pourtant l'écriture est toujours limpide : on reconnaît les grands écrivains dans leur faculté à vulgariser des sujets pointus !

Ludmila Oulitskaïa ne fait pas partie des intellectuels en odeur de sainteté au Kremlin. Comment pourrait-il en être autrement alors que le modèle national-autoritaire en place à Moscou n'est qu'un ersatz de démocratie ?
A mille verstes des clichés populistes, Ludmila Oulitskaïa réussit à transcrire de bout en bout la complexité de l'âme russe qui tour à tour verse de l'euphorie à la mélancolie. Son style foisonnant est dans la lignée des grands écrivains du 19ème siècle.
Sous “Le chapiteau vert” brille une intelligence subtile. En refermant ce long roman qui englobe la seconde moitié du siècle dernier, on applaudirait volontiers l'artiste !
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Dans les années cinquante en Union Soviétique, trois jeunes garçons se lient d'une amitié nourrie par la passion de la littérature, née et entretenue par le fait d'un professeur de russe charismatique à la pensée libre. Guidés par la réflexion et l'action dissidentes, leurs voies seront différentes et quelquefois éloignées, mais leur amitié résistera malgré le climat de peur, trahison, mensonge et autres turpitudes engendrées par le régime dans lequel ils vivent.

De la mort de Staline en 1953 à la chute du communisme, Ludmila Oulitskaïa nous emporte dans un récit foisonnant sur la dissidence, la littérature, la musique, mais aussi sur la vie des hommes dans son pays. Un roman russe mêlant réalité et fiction dont on sort submergé et fasciné.
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Gros coup de coeur, pour des raisons très personnelles. J'ai adoré arpenter les rues de Moscou avec Victor, le professeur de russe. J'ai adoré aussi bon nombre de scènes de la vie ordinaire soviétique, dans les logements en particulier.
La structure du roman est étonnante (et peut perturber le lecteur) : un prologue dans lequel nous faisons successivement la connaissance de 3 fillettes dans leurs familles, au lever, le jour de l'annonce de la mort de Staline (1953). Ensuite elles sont très longtemps totalement absentes du récit qui se concentre sur 3 jeunes garçons du même âge qui deviennent amis. Ces trois copains, Ilya, Micha et Sania, et surtout leur amitié, servent de fil rouge au roman qui par ailleurs n'est absolument pas linéaire. Les 30 chapitres sont presque indépendants les uns des autres. C'est foisonnant comme la vie : tard dans l'histoire, ou même bien après la mort d'un personnage on découvre un pan majeur de son passé qu'on n'avait pas soupçonné. le nombre des personnages est très élevé, car il y a aussi des membres de leur famille, leurs collègues, … C'est un véritable kaléidoscope, le ballet d'existences qui se croisent, s'éloignent, se retrouvent.
Cette forme littéraire permet à l'auteur de raconter sous une forme romancée l'histoire de la dissidence russe en Union soviétique, en particulier celle de la génération des «dissidents des années soixante» sans que ce soit sous la forme de témoignage, ni avec un regard d'historien. Cela montre toute la diversité de la dissidence, son absence d'unité et son foisonnement, alors qu'avec les témoignages on n'a à chaque fois qu'un cas particulier. Il faut dire que certains sont persécutés en raison de leurs convictions politiques (militants des droits de l'homme aussi bien que léninistes critiques), religieuses, ou nationales (Tatars, Juifs). Comme c'est un roman on a aussi des éléments de la vie de l'entourage, élément en général totalement absent des autres livres sur ce thème. Pour ce qui est des événements historiques, les notes sont bien faites et il y a une petite chronologie à la fin du roman. Certains personnages réels sont nommés comme Siniavski, Daniel ou Brodsky. D'autres ne sont que devinables, et heureusement qu'il y a les notes. La scène des bousculades aux funérailles de Staline, le dégel krouchtchévien puis, à nouveau, les répressions sont remarquablement dépeints. Par contre, même si le roman s'achève à la mort de Brodsky en 1996, il n'y a presque rien sur les années 80. Stagnation, stagnation ! C'est un roman très vivant, très riche, qui montre toutes les palettes de réactions face aux filets tendus par le KGB : délations, départ à l'étranger (à condition d'en avoir la possibilité), repentance officielle, suicide, goulag, … L'éventail des histoires familiales est aussi incroyablement large, tant pour les origines géographiques que pour les origines sociales d'avant 1917. En fait il y a là la matière de plusieurs sagas ! le personnage du professeur de russe est remarquable et fait penser au Cercle des poètes disparus.
C'est un roman qui met en avant le rôle de la littérature, de la poésie, de la musique, des amitiés indéfectibles et qui interroge sur ce qui influence les choix que l'on fait dans la vie (de ce point de vue le parcours d'Olga, petite fille soviétique modèle, est remarquable !). La structure du livre est complexe, mais par contre son style est simple et fluide, ce qui compense les difficultés de lecture. Vraiment un très grand livre !
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Ludmila Oulitskaïa nous raconte avec simplicité une série d'histoires, toutes liées les unes aux autres,qui composeront par petites touches une mosaïque éblouissante.

Le lien entre tous ces récits, c'est une amitié entre trois écoliers qui débute peu de temps avant l'annonce du décès de Staline. le trio, qui se surnomme le "trianon", est composé de Micha, un orphelin de confession juive, Ilya, un garçon original et pauvre, et Sania enfant chétif qui possède une grande sensibilité subjuguée par la musique. Leur amitié sera indéfectible.

Victor Iouliévitch, leur professeur de russe, va éveiller leurs âmes à la littérature et marquera à jamais leurs destins. Il leur apprend que "La littérature est ce que l'humanité possède de meilleur. Et la poésie est le coeur de la littérature, la concentration suprême de ce qu'il y a de meilleur au monde et dans l'homme. C'est la seule et unique nourriture de l'âme. Et il dépend de vous de grandir pour devenir des hommes, ou de rester au stade animal. "

L'âme se nourrit de poésie mais aussi de musique. L'auteur se sert du petit Sacha, qui ne peut devenir pianiste suite à un accident, pour se frayer un chemin dans "la forêt enchantée de la musique". C'est un mélomane averti dont l'intelligence se nourrit de la perception mentale de la musique à travers la lecture de partitions.

C'est aussi un roman sur Moscou. Victor Iouliévitch organise des visites dans la capitale sur les traces d'écrivains comme Pouchkine ou Tchekhov. Cette ville tentaculaire, ses quartiers, ses banlieues, est un des thèmes majeurs du livre. Avec toujours cette question centrale dans le quotidien des Moscovites : le logement. Il y a les 'kommunalka', les datchas, les deux pièces, obtenus après une longue attente, dont on hérite à la mort d'un parent, qu'on échange contre un autre bien ou dont on bénéficie au titre d'un privilège de son statut.

"Le chapiteau vert" est aussi un roman sur la dissidence en Union Soviétique. Ce mouvement est hétéroclite : de nombreux groupes aux motivations et aux revendications les plus diverses coexistent, n'ayant en commun que leur hostilité au pouvoir. Les grands noms de la dissidence, ceux retenus par L Histoire, Sakharov, Soljenitsyne ou Pasternak, sont cités mais ils sont secondaires. Dans ce livre, ce sont les seconds rôles de ce monde souterrain qui sont mis en avant. Certains sont persécutés en raison de leurs convictions politiques (des militants des droits de l'homme mais aussi des léninistes critiquant les dérives de l'Etat), religieuses, ou nationales (les Tatars, les Juifs). D'autres ne sont là que par opportunisme, pour profiter du marché noir des samizdats. Ils sont nombreux à être victimes de la répression policière : interrogatoires, perquisitions, surveillance, condamnation au camp, aliénation, relégation, privation des distinctions passées et marginalisation.

Mais ce roman n'est pas qu'une simple monographie de la dissidence ou un chant d'amour d'un écrivain pour la littérature, la musique et Moscou. C'est un roman sur l'amour, l'amitié, en un mot, la vie. le chapiteau vert, c'est le songe d'Olga, un des personnages, qui quelques jours avant sa mort rêve d'un grand chapiteau monté dans un champ, aux abords duquel elle voit tous ses proches et d'autres personnes croisées dans sa vie, vivants ou morts ; passer l'entrée, c'est mourir. Ludmila Oulitskaïa parvient à recréer son propre chapiteau, à redonner vie à tout un monde - ses amis, ses parents, de simples voisins ou collègues -, à toute une époque, celle des années 1960 à 1980, à tout un contexte politique, celui de l'Union Soviétique, de Staline à Bréjnev. Son talent de conteuse permet de tout reconstituer avec une simplicité remarquable. L'oeuvre est tout à la fois limpide et complexe. Elle réussit ainsi le plus beau des hommages.
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Une traversée salutaire de l'Histoire et de la Culture Russe où la fiction en témoignage de son temps.
Ce livre nous dépeint comment un peuple est passé du servage à un siècle d'asservissement et comment une poignée d'hommes ont complètement perverti une grande idée d'égalité pour leurs petits Ego de dictateurs qui se poursuit encore de nos jours.
Un peuple sous carcan qui s'attache malgré tout depuis toujours aux grandes valeurs Culturelles et s'enivre
de Littérature,de musique d'arts malgré la répression d'un pouvoir abject qui ne ne prône qu'une inculture obéissante.
Un rêve de liberté et d'ouverture vers le monde souffle de ce livre qui finira bien par "payer" car toute une Culture est plus forte que quelques mains sanglantes..
Un livre glaçant mais l'Espoir n'est pas éteint
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La littérature russe dans tous ses états est célébrée dans ce roman magistral, la littérature comme seul moyen d'élargir la conscience, de casser les murs de la prison mentale dans laquelle tout un peuple a été enfermé durant des décennies sous le régime de la terreur, qui a suivi la mort de Staline. La création soumise à la censure d'état. La grande question de la liberté et de l'épanouissement de l'individu dans une société en révolution. Comment libérer les forces créatrices, vivre et exalter la grandeur d'âme de toute une nation sous le joug des puissances du mal.
Ce magnifique roman m'a enchantée du début à la fin. Ludmila Oulitskaia a écrit un chef d'oeuvre. le lecteur plonge dans les tréfonds de l'âme humaine d'une foule d'intellectuels, de dissidents, d'écrivains russes de tous poils qui ont été les témoins engagés de l'histoire russe sur une période très féconde qui s'étend de la mort de Staline (1953) à la mort de Joseph Brodsky (1996) exilé aux États Unis. Passionnant! Absolument!
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Une immersion dans la société de l'ex Union Soviétique par le biais de personnages attachants. Ilya, Sania et Micha font connaissance à l'école où ils sont les souffre-douleur d'autres camarades, plus grands ou plus forts. Ilya est laid et pauvre, Sania un musicien fragile, quant à Micha, il est juif... Les trois amis deviennent dissidents par amour pour la littérature. le soutien de leur professeur de lettres est essentiel en cette Union soviétique qui vient de vivre la mort de Staline. Un roman qui explore les complicités de l'URSS après Staline et les conséquences des régimes totalitaires, par l'une des plus grandes voix de la Russie contemporaine.
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Une lecture exigeante, truffée de références historiques. L'histoire de ces trois comparses force les lecteurs à se plonger dans le XXe siècle de la désormais ex-URSS, tout en sillonnant leur parcours personnel. de nombreux thèmes sont abordés, décrits avec des détails permettant au lecteur de s'immerger aisément dans leur univers. A lire absolument.
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