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Citations sur Une enquête de Mario Conde : Electre à la Havane (36)

On n'en a jamais fini avec Paris et le souvenir de chaque personne qui y a vécu est différent du souvenir de tous les autres...
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Quand il sortit de la salle de bain, dégoulinant d'eau et la serviette sur les épaules comme un boxeur vaincu, le Conde décida de terminer de sécher son corps contre la rafale statique du ventilateur. II s'écroula sur le lit chaud et prit un moment du plaisir à ce privilège minimum de la solitude, sentant comment l'air massait ses testicules pendants et fouillait son anus, avec une particulière véhémence. Il serra un peu les jambes. Alors, pour aider le courant d'air, et aussi par simple manie onaniste, il se mit à relever son pénis mouillé, laissant glisser ses doigts, de manière chirurgicale, jusqu'à la tête découverte, pour le relâcher ensuite, dans une chute libre qui petit à petit se transforma en érection qui transmit à ses doigts la dure tiédeur. Il hésita un instant s'il devait ou non se masturber : puis il décida qu'il n'y avait pas de raison de ne pas essayer. Aucune femme possible n'attendait précisément cette éjaculation jetable, et tandis qu'il se caressait, même la chaleur ambiante semblait céder du terrain.
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La chaleur est une plaie maligne qui envahit tout. Elle tombe tel un lourd manteau de soie rouge qui serre et enveloppe les corps, les arbres, les choses, pour leur injecter le poison obscur du désespoir, de la mort lente et certaine. La chaleur est un châtiment sans appel ni circonstances atténuantes, prêt à ravager l'univers visible ; son tourbillon fatal a dû tomber sur la ville hérétique, sur le quartier condamné. Elle est le calvaire des chiens errants, bouffés par la gale, malades d'abandon, à la recherche d'un lac dans le désert ; des vieux aussi qui traînent des cannes encore plus fatiguées que leurs jambes, arc-boutés contre la canicule, en lutte quotidienne pour la survie ; et des arbres, autrefois majestueux, à présent courbés sous la montée furieuse des degrés ; et de la poussière morte dans des caniveaux nostalgiques d'une pluie qui n'arrive pas ou d'un vent indulgent, capables d'inverser ce destin immobile et de métamorphoser cette poussière en boue ou en nuages abrasifs ou en orages ou en cataclysmes. La chaleur écrase tout, tyrannise le monde, ronge ce qui peut être sauvé et ne réveille que les colères, les rancunes, les envies, les haines les plus infernales, comme si son but était de hâter la fin des temps, de l'histoire, de l'humanité et de la mémoire...
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Ce fut un tour de magie parfaitement réalisé : la pluie cessa, le vent balaya les nuages vers d'autres précipices et un soleil incendiaire de sept heures du soir revint pour se charger de tirer le rideau du jour. Mais l'odeur de pluie semblait installée pour toute la nuit dans la peau de la ville, l'emportant sur les vapeurs de gaz, sur les effluves ammoniaquées d'urine, sur les odeurs équivoques des pizzerias bondées et même sur le parfum de cette femme qui marchait devant le Conde, peut-être vers la même destinée que lui. Du moins l'espérait-il.
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Il voulut croire que la pluie qui nettoyait les vitres nettoyait aussi son esprit et l'aidait à penser. Aussi se mit-il à penser avec en tête l'image fuyante et floue de son rêve. Il essayait de se concentrer suffisamment pour arracher le masque derrière lequel se cachait la vérité. Salope de vérité, encore et toujours cachée ou transfigurée : derrière des mots, des attitudes et certaines fois même derrière toute une vie feinte ou réécrite rien que pour cacher ou transfigurer la vérité. Mais maintenant il savait qu'elle était là et qu'il lui manquait une idée, un coup de projecteur capable d'allumer son esprit et d'en faire surgir cette putain de vérité. La vérité, se dit-il alors, à force de se triturer l'esprit, c'est que j'aimerais revoir Poly petit cul de moineau, mon Dieu quelle horreur !, se souvint-il, et même s'il eut envie de se masturber il refusa catégoriquement cette solution individualiste et autosuffisante, maintenant que ce petit cul était réel et baisable, pas ce soir, mais pour dimanche elle avait dit oui, parce que samedi je vais au ballet, tu sais ? et s'il s'arrêtait de pleuvoir, …
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- Tu veux mettre de la musique ? lui demanda-t-il.
- Tu veux, toi ?
- Façon de parler. Faut bien dire quelque chose, non ?
Le Conde s'approcha de la longue rangée de cassettes placées sur l'étagère supérieure de la bibliothèque. Il parcourut du regard les titres et les interprètes, et pour une fois ne s'étonna même pas des goûts musicaux éclectiques du Flaco.
- Qu'est-ce que tu aimerais écouter ?
- Les Beatles ? Chicago ? Formula V ? Los Pasos ? Credence ?
- Va pour Credence.
Encore les souvenirs : ils aimaient la voix compacte de Tom Foggerty et les guitares primitives de Credence Clearwater Revival.
- Cela reste la meilleure version de Proud Mary.
- Ça ne se discute même pas.
- Il chante comme un nègre, ou plutôt non : il chante comme un dieu, putain!
- Oui, putain ! dit l'autre.
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- Alexis parlait du suicide ?
Le Marquès se releva et montra la bibliothèque du doigt.
- Regardez : Mishima, Zweig, Hemingway, mon pauvre ami Calvert Casey, Pavese... il éprouvait une certaine fascination, tout à fait morbide, pour le suicide et les suicidaires. Il passait son temps à dire que tout dans sa vie avait été une erreur : son sexe, son intelligence, sa famille, son époque, et il disait que si l'on était conscient de ses erreurs, le suicide pouvait être une solution : peut-être de cette manière obtiendrait-il une seconde chance.
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Apprends à t'aider toi-même et arrête de te plaindre.
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Grâce à lui, plusieurs éléments devenaient clairs pour le Conde : le transformisme était quelque chose de plus essentiel et de plus biologique que la simple pédérastie ou l'exhibitionnisme consistant à sortir dans la rue habillé en femme, comme il l'avait toujours cru, à l'abri de son machisme élémentaire et viscéral. Il n'avait jamais été tout à fait convaincu par l'attitude de base du travesti qui change son physique pour mieux draguer. Draguer qui ? Les hommes-hommes, les vrais, hétérosexuels, avec des poils sur la poitrine et puant des aisselles, n'allaient jamais avoir une liaison consciente avec un travesti : ils coucheraient avec une femelle, et pas avec cette version limitée de la femme, dont l'orifice le plus appétissant était définitivement clos par la capricieuse loterie de la nature. Un homosexuel actif, caché derrière une apparence impénétrable d'homme « homme » vulgairement : un enculeur ; littérairement : un bougre - n'avait pas besoin de cette exagération pour sentir se réveiller en lui ses instincts sodomites et pénétrer per angostam viam.
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- Allons-y, a-t-il dit. Il nous a pris par le bras (moi à gauche, et l'Autre Garçon à droite), et nous avons pénétré dans l'éclair bleu.. La lumière jaillissait du plancher et dessinait des volutes de fumée trop sucrée même pour des cigarettes blondes, qui mêlait ses effluves hypnotiques aux vapeurs de transpirations acidulées et à l'entêtant parfum d'essences arabes, de celles que l'on vendait en gros dans les faux marchés persans de Paris. Nos oreilles, entre-temps, recevaient le rythme sauvage qu'imposait la voix de Miriam Makeeba (l'invasion du tiers monde), amplifiée depuis une cabine encastrée dans le mur. J'ai eu une étrange sensation de peur en me retrouvant dans le tourbillon de cette agression de tous les sens, mais le Recio et l'Autre Garçon semblaient être entrés dans un lieu connu, dans lequel ils se déplaçaient avec naturel. J'ai commencé alors à voir de fausses valkyries remplissant leur ancestrale fonction de verser de la bière. Elles semblaient flotter dans le bleu, comme des chrysalides phosphorescentes à peine nées, parées d'organdis amidonnés et de jupes droites plissées qu'elles exhibaient comme le triomphe d'une mode rétro. Chaque valkyrie portait d'une main un plateau avec des verres et de l'autre des fleurs jaunes (étaient-elles jaunes ?). Je regardais ces mains trop grandes même pour une valkyrie, même originale et scandinave, lorsque l'une d'elles m'a frôlé du bord coupant de sa jupe et j'ai eu la sensation d'avoir été touché par un insecte préhistorique.
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