Citations sur Timothy Blake : La mort en héritage (18)
J’ai merdé. Le grand expert des serial killers a merdé. Et dans les grandes largeurs encore, excusez du peu ! J’ai envie de me botter le cul jusqu'à ce qu’il me ressorte par la gorge. Comment peut-on être aussi con ?!
[Gildas Gabin]
Dans quelques heures, une pauvre fille ne fera plus qu'une avec l'embarcation qui lui a été dévolue, à son corps défendant. Elle sera la quatrième innocente à payer pour un crime qu'elle n'a pas commis.
Encore que je ne « visualise » plus grand-chose, depuis mon arrivée à La Rochelle. Je m’apparente à une sorte de Superman cloué au sol, un Dr Who sans sa cabine de police bleue. Ma kryptonite à moi, c’est cette cité millénaire, capitale historique de l’Aunis, une ville dans laquelle il fait bon vivre et qui m’a néanmoins volé ma jeune sœur, de la plus atroce des manières. La Rochelle, c’est mon enfer personnel. Je suis condamné à y souffrir mille morts jusqu’à ce que j’aie expié l’ensemble de mes péchés.
Nous arrivons à un endroit un peu plus dégagé, une sorte de minuscule clairière avec, en son centre, un arbre faisant très bien l’affaire. Je le lui désigne et elle acquiesce. — Ça sera parfait. N’oublie pas : je suis d’accord pour une certaine brutalité, mais si ça devient limite, je crie « orange » et si, vraiment, je n’en peux plus, alors je crierai « rouge ». Ça te convient ? Je ne peux m’empêcher de sourire. Cette fille a dû lire le bouquin de E. L. James une bonne vingtaine de fois. Elle va rapidement découvrir que Christian Grey et moi n’avons rien en commun, hormis le physique avantageux.
Un silence terrible a accompagné mon arrivée. Les gars chargés de l’enquête, inspecteurs, policiers de terrain, se sont figés l’espace de quelques secondes puis, l’un après l’autre, se sont levés. Il n’y avait pas de mot qu’ils puissent prononcer. Rien n’effacerait jamais cette perte, ils le savaient. Mais les voir tous, debout, le poing sur le cœur, m’a secoué au-delà de ce que j’avais pu imaginer. Tout en nuances, ils me disaient que ma souffrance était la leur et qu’ils seraient là, avec moi, à chaque instant de cette enquête.
Blonde comme les blés, elle marche devant moi. Fine, élégante, cette sirène de vingt-trois ans part travailler. De longues heures durant, elle maniera les chiffres pour un maigre salaire. Sa vie est monotone. Je l’observe depuis près de deux semaines et je peux affirmer que sa mort servira un dessein bien supérieur à celui qui l’attendait. Comme les fourmis que vous êtes, vous allez courir en tout sens, et je vous observerai dans vos vains efforts. Il n’y a rien que vous puissiez faire pour éviter que je ne transforme cette beauté en œuvre d’art. Elle mènera les fiers Vikings vers le royaume d’Odin, reposant avec eux pour l’éternité.
Pourquoi serais-je navré pour cette jolie petite créature, moi qui connais si bien son destin ? Ce serait comme plaindre une toile blanche d’avoir perdu sa virginité après qu’un peintre l’ait emplie de couleurs chatoyantes, d’émotions intenses, d’un sens profond qui perdurera à travers le temps. Ce serait ridicule.
La difficulté réside dans le fait de trouver la bonne candidate, d’enquêter sur sa vie, jusqu’à la connaître mieux qu’elle ne se connait elle-même : ses habitudes, son emploi, ses loisirs, ses amis, son lieu de vie, ses déplacements, ses moyens de locomotion, ses goûts, le nom de son chat, le cas échéant. Tous ces détails ont leur importance... peut-être pas le patronyme de son animal de compagnie, mais, après tout, si ça m’amuse...