Mère me dit qu’il y avait une différence entre ce qu’on était et ce que reflétait un miroir, car le miroir ne pouvait refléter que la partie extérieure, or le plus important de chacun est à l’intérieur. On ne peut pas savoir comment on est en se regardant dans un miroir.
Mère était plus maligne que moi, car elle savait créer ce qui n'existait pas auparavant, pour assurer notre survie. J'essayais de l'imiter, mais il me manquait cette pointe d'inventivité que donnent l'expérience et la faim.
Je sens les mots de mère, bien qu'elle ne soit pas avec moi.
Je n'en ai pas besoin. Je possède tout ce tout ce qu'elle m'a enseigné. (p. 207)
(...) Si j'avais quelque chose, je te le donnerais.
- Tu m'as donné ce que personne n'a jamais pu me donner, Ionah. Tu m'as donné une perspective. Tu m'as sauvé du désert et tu m'as donné tout le temps du monde pour penser à ce que j'ai fait et à ce que je veux faire. C'est plus que ce que possèdent la plupart des gens, tu peux me croire. Tu m'as aidé à réduire ma vie à l'essentiel. (p. 116)
Mère m'a expliqué en quoi consiste le point de rupture. Elle a pris une branche par les deux extrémités.
- Tout se brise si on applique une force suffisante pendant assez longtemps.
Elle l'a courbée lentement.
- Rien n'est incassable. Rien.
Elle a continué de courber la branche, doucement, sans s'arrêter, tout en parlant.
- Mais les apparences sont trompeuses, Ionah. Certaines choses semblent très fragiles, mais elles ont un point de rupture très élevé. Elles peuvent supporter de fortes pressions pendant très longtemps.
Je crois que le pire est de ne pas savoir quand tout finira, jusqu'où je serai obligé de puiser les forces qui me restent. Si je savais qu'après avoir traversé mille dunes j'arriverais à destination, j'ai l'impression que je serais capable d'y parvenir, de les compter l'une après l'autre. Mais je ne le sais pas, et que je me sente fort aujourd'hui ne signifie pas que ce sera pareil demain.
Elle m'expliqua la hiérarchie du monde animal, ce qu'elle appelait la "chaîne alimentaire". je trouvai cela logique, mais injuste. Les lézards ne nous avaient jamais rien fait.
-Si les lézards mangent des insectes, et nous des lézards...Qui nous mange ? (....)
- Nous nous dévorons les uns les autres. (p. 20)
Quand j'ai épuisé l'eau et la nourriture, je souris. Je souris parce que c'est la seule chose qui me reste. Je souris parce qu'à la fin il faut sourire. Parce que la fin est cet endroit où on tombe.(...)
Je marcherai jusqu'à mon dernier pas, sans en manquer un seul.
-Tu sais pourquoi les blessures laissent des cicatrices ? Pourquoi la peau ne redevient pas parfaite ?
-Non ?
-Pour ne pas oublier.
- Les adultes sont plus malins que les enfants ?
- Non, mais ils le croient.