Je préfère quand tu inventes, comme tes dessins, là, si beaux, si tendres. C’est toi, mon petit qui a raison. Il faut inventer les couleurs, là où elles n’existent pas.
Je me demande pourquoi on dit gros mot pour "connard" ou "poufiasse". Ces mots n'ont rien de gros. Ils sortent de la bouche comme une envie de faire pipi. Une urgence.
J'essaye de suivre sa respiration. Son souffle dans mon cou sent fort la bière et la cigarette, et tant pis si ça sent pas le lilas, c'est mon papa et je l'aime comme il est. D'ailleurs je suis habitué à l'odeur de la bière et, quand il me manque trop, j'ouvre une canette juste pour sentir papa.
Les feuilles des arbres sont violettes, la mer est blanche, et ma maison est arc-en-ciel, avec le soleil rouge qui entre par ma fenêtre comme un doux réveil qui me réchauffe.
Gégé dit que, sous le tapis du bureau du directeur, il y a une cave où sont enfermés les enfants méchants, nourris à la soupe et aux croûtons de pain. Sacré Gégé. Lui aussi, à sa manière, il sait mettre de la couleur dans sa vie.
Je prends un sac plastique et j'y mets toutes les canettes mortes et le contenu de son cendrier qui déborde de partout. Après je me glisse entre ses bras de papa et je m'endors un peu. Pas trop longtemps, sinon papa arrive en retard à l'usine et moi à l'école, et ça barde pour nous deux.
« J’adore dessiner. Je mets de la couleur partout. » (p. 13)
« Je me demande pourquoi on dit gros mots pour ‘connard’ ou ‘pouffiasse’. Ces mots n’ont rien de gros. Ils sortent de la bouche comme une envie de faire pipi. Une urgence. » (p. 20)