Tu parles d'un père et de son fils, de deuxième chance...
...mais ce n'est pas si simple.
Il est nécessaire que tu saches ce qui m'a valu cette condamnation, dans les moindre détails.
C'est à cette seule condition, Léo, que tu pourras te prononcer. Et peut-être alors me l'accorder, cette deuxième chance.
Benjamin ne l'a pas désiré. Benjamin n'a pris aucune part active dans sa vie, jusqu'ici, et Léo s'en est très bien tiré sans lui. Quel rôle lui donner, alors ? Et dans quel but ?
Il lui faut y réfléchir, seul.
Alors, à contrecoeur, il a écarté Yannis d'un : "Voilà, je t'ai dit le principal. Maintenant, c'est tellement le bordel dans ma tête, faut que tu comprennes, j'ai besoin d'un moment sans voir personne." Une phrase sans appel. Si son ami s'est senti blessé, il n'en a rien montré.
C'est sûrement un peu cliché, mais je crois vraiment qu'il ne faut pas renoncer, tu vois. A ses rêves. A s'émerveiller. A s'émouvoir. Parce que la tiédeur, franchement, il n'y a rien de plus moche.
Est-ce toujours ainsi ? se demande Léo. Est-ce qu'on passe d'une indécision à une autre, d'une impatience à une autre impatience ?
Il prenait la pose face au miroir mural de la salle de bains, un œil rivé à la photographie. Il reproduisait à l'identique le sourire, l'inclinaison de la tête, l'angle formé par les épaules et le cou. Il se persuadait, alors, qu'il existait une ressemblance évidente entre cet étranger et lui. Indéniablement, oui. De plus en plus. Dans les fossettes qui se creusent aux joues, dans l'arrondi des pommettes, la forme en amande des yeux, dans les cheveux noirs et épais, le teint mat.
J'ai eu si peur. Je peux te le dire, à présent : je ne sais pas si j’aurais supporté de te perdre. Je ne sais pas ou j'aurais trouvé la force.