Citations sur Le Docteur Jivago (201)
Oh, comme on aimerait parfois laisser le faux sublime, les ténèbres épaisses du bavardage humain, pour se réfugier dans l'apparent silence de la nature, dans le bagne muet d'un long travail obstiné, dans l'ineffable du sommeil profond, de la vraie musique et du calme langage des cœurs, qui faire taire l'âme comblée.
“Ils s’aimaient parce que tout autour d’eux le voulait : la terre sous leurs pieds, le ciel au-dessus de leurs têtes, les nuages, les arbres. Leur amour plaisait à leurs proches peut-être plus qu’à eux-mêmes; aux inconnus dans la rue, aux lointains qui s’écartaient devant eux dans leurs promenades, aux pièces dans lesquelles ils vivaient et se rencontraient. C’était cela l’essentiel, c’était cela qui les rapprochait et les unissait. Jamais, même dans leur bonheur le plus généreux, le plus fou, jamais ils n’avaient oublié leur plus haut, leur plus émouvant sentiment : le sentiment bienheureux qu’ils aidaient eux aussi à façonner la beauté du monde, qu’ils avaient un rapport profond avec toute la beauté, avec l’univers entier (p. 638-639).”
[...] c'est la Russie, cette mère glorieuse, incomparable, dont la renommée s'étend au-delà des mers, cette martyre, têtue, extravagante, exaltée, adorée, aux éclats toujours imprévisibles, à jamais sublimes et tragiques !
Les révolutions durent des semaines, des années, puis, pendant des dizaines et des centaines d’années, on adore comme quelque chose de sacré cet esprit de médiocrité qui les a suscitées.
Les fenêtres, éclairées de l'intérieur et givrées, ressemblaient à des écrins précieux de topaze feuilletée. Derrière elles brûlait docilement la vie du Moscou des fêtes, les sapins de Noël flamboyaient, les invités s'assemblaient, les masques faisaient les fous, jouaient à cache-cache et au furet.
En réponse à la dévastation que la mort avait laissée dans ce groupe qui le suivait à pas lents, un mouvement impérieux comme celui de l'eau qui s'enfonce en creusant ses tourbillons le portait à rêver et à penser, à s'écharner sur des formes, à créer, de la beauté. Plus clairement que jamais, il voyait maintenant que l'art, toujours et sans trêve, a deux préoccupations. Il médite inlassablement sur la mort, et par là, inlassablement, il crée la vie. Le grand art, l'art véritable, celui qui s'appelle l'Apocalypse et celui qui la complète.
Vers de Iouri Jivago MARS
Le ravin mugit et se déchaîne
Ivre de soleil, et le printemps
Se démène , abat de la besogne
Comme une vachère aux bras puissants.
La neige est chétive et se consume
Dans les bras de ses veines bleutées.
Mais dans les étables la vie fume
Et la fourche éclate de santé
Quelles nuits ! Quels jours et quelles nuits !
Sur les toits les glaçons qui s'étiolent,
Le dégel goutte à goutte à midi,
Jours et nuits le babil des rigoles,
Les pigeons picorant dans la neige,
l'écurie, les hangars grands ouverts,
Et celui qui nourrit et protège.
Le fumier, son odeur au grand air !
Vers de iouri Jivago
La nuit d'hiver
Le vent, le vent parcourt la terre,
Le vent de neige,
Sur la table un cierge est posé.
Brûle le cierge.
. . . . . . . . .
Le gel sur la vitre a sculpté
Cercles et flèches,
Sur la table un cierge est posé
Brûle le cierge.
. . . . . . . . ..
Tout se perd dans le brouillard gris
Des nuits de neige,
Sur la table un cierge est posé,
Brûle cierge.
Le ravin mugit et se déchaîne
Ivre de soleil, et le printemps
Se démène , abat de la besogne
Comme une vachère aux bras puissants .
La neige est chétive et consume
Dans les brins de ses veines bleutés .
mais dans les étables la vie fume
Et la fourche éclate de santé.
Quelles nuits ! Quels jours et quelles nuits !
Sur les toits les glaçons qui s'étiolent,
Le dégel goutte à goute à midi,
Jour et nuit le babil des rigoles,
Les pigeons picorant dans la neige ,
L'écurie, les hangars grands ouverts,
Et celui qui nourrit et protège ,
Le fumier, son odeur de grans air !
Elle était secouée toute entière de sanglots qu'elle réprimait. Tant qu'elle le put, elle lutta , mais soudain, ses forces se brisèrent. Les larmes s'échappaient , couvraient ses joues, sa robe, ses mains et le cercueil contre lequel elle se serrait.
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Quel amour ils avaient connus, libre, rare, incomparable. Ils avaient pensé comme d'autres chantent.