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EAN : 9782847886658
278 pages
Ens Editions (28/05/2015)

Note moyenne : /5 (sur 0 notes)
Résumé :
Un livre peut-il faire mal ? Plongé dans un texte littéraire, le lecteur fait parfois l'expérience de sensations tactiles, douloureuses, musculaires, viscérales. C'est la « lecture empathique ». Mais comment expliquer ce passage du sens au sensori-moteur ? Neuropsychologie, phénoménologie, études culturelles, théories de la fiction et de la littérature sont ici convoquées pour répondre à cette question intrigante, au fil d'un parcours révélant les ?uvres de quatre... >Voir plus
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Se pose d'abord la question de l'objet du rapport empathique, qui apparaît dans la disparité entre les théories de la sympathie et celles de l'Einfühlung : l'empathie est-elle uniquement un rapport à l'autre ou concerne-t-elle aussi les formes de l'environnement physique ? Le lecteur empathique résonne-t-il uniquement avec les corps sensibles des personnages, du narrateur, voire de l'auteur imaginé, ou le fait-il aussi avec des formes plus abstraites telles que le rythme du récit ou plus concrètes telles que la typographie ? Une autre question se dégageant de notre survol historique est celle du site de l'empathie : ressent-on les sensations perçues dans le corps de l'autre, dans le nôtre, ou quelque part entre les deux ? Le lecteur empathique donne-t-il naissance à un corps de sensations étrangères, personnelles ou hybrides ? À cette question topologique s'ajoute celle de la nature affective ou sensorielle, psychologique ou physiologique du rapport empathique qui penche d'un côté ou de l'autre chez chacun des auteurs cités, avec une nette tendance vers le second pôle chez les penseurs de l'Einfühlung. Il faut également penser l'empathie en termes de connaissances : est-elle le fruit d'un savoir, comme chez Rousseau, ou plutôt d'un réflexe, comme chez Smith ? Un lecteur ressentira-t-il plus fortement des formes sensori-motrices qui lui sont familières ou, au contraire, l'étonnement que cause une nouvelle configuration suscitera-t-il une plus vive réponse ? Finalement, l'empathie peut-elle être suscitée par la "présence idéale " d'une entité fictionnelle, comme c'est le cas pour la sympathie de Home ? Ces grandes questions délimitent le domaine conceptuel de l'empathie […]. L'empathie, la sympathie et l'identification sont souvent assimilées les unes aux autres parce que, en dépit de la diversité de leurs définitions, ces formes d'implication du lecteur reposent invariablement sur une " compréhension sensible " (sensed understanding) de la perception expérientielle d'autrui. […]
Pour Le Grand Robert, la sympathie établit une similitude de sentiments, un parallélisme moral entre sujets, alors que l'empathie tendrait plutôt vers une fusion permettant de ressentir ce que ressent l'autre. Mais si les dictionnaires tirent la sympathie vers la similitude et le parallélisme et l'empathie vers l'identité et la fusion, il ne faut pas concevoir cette dernière comme une fusion totale. […] C'est un rapport plus général et plus neutre, une faculté de résonance qui ne possède nulle dimension morale intrinsèque ; dans sa neutralité, elle peut mener à des réactions opposées d'attirance ou de répulsion. […] On peut dire à un ami : « Je me sens désolé que tu te sentes déprimé, mais je ne suis pas déprimé moi-même. » […]
En fait, le trait sémantique le plus pertinent et le plus simple pour différencier l'empathie de la sympathie est sans doute celui de la compassion ou de la bienveillance ; trait nécessaire à la sympathie mais non à l'empathie. […] Prenons par exemple la lecture du roman de Samuel Richardson Clarissa (1748), par la critique américaine Lisa Zunshine. Celle-ci remarque que l'adoption cognitive du point de vue d'un personnage n'implique pas de rapport sympathique de compassion avec celui-ci : « Au contraire de ce que nous pensons souvent, voir le monde à travers les yeux d'autrui ne se traduit pas nécessairement (ce n'est certainement pas le cas avec Lovelace !) par un sentiment de compassion pour cette personne. » […]
Comment comprendre l'empathie par rapport à la notion d'identification ? Doit-on assimiler l'une à l'autre, comme le fait le dictionnaire de l'Académie française selon lequel l'empathie est une « capacité de s'identifier à autrui » ? La question est délicate, car le concept d'identification, généralement compris comme un processus psychologique, semble en décalage face aux phénomènes de lecture empathique qui sont plus physiques, comme lorsque le lecteur ressent le jeu concret, musculaire, des deux corps en lutte que décrit un texte. […]
La différence fondamentale entre empathie sensori-motrice et identification psychologique devient encore plus limpide si on considère l'exemple des genres corporels cinématographiques. Les scènes douloureuses que nous propose le cinéma, pensons à la fameuse scène de l'œil coupé du Chien Andalou de Luis Buñuel (1928), n'ont pas à construire des personnalités dans lesquelles le spectateur pourra se projeter pour lui faire ressentir des sensations somesthésiques. Devant un tel spectacle, le spectateur se crispe, mais se rend-il semblable à l'œil coupé ? Si l'on veut ici parler d'identification, il faut limiter celle-ci au corps expressif et ressentant ; et dans ce cas, devons-nous encore parler d'identification ? […] Il semble plausible que, à la manière de ces genres corporels, le pouvoir des textes littéraires de nous toucher physiquement ne concerne pas tant la projection du soi sur une personnalité fictionnelle que leur capacité à activer la sensibilité somatique du lecteur, que ce soit à travers de riches images tactiles, viscérales ou musculaires (sensations fictionnelles), ou encore à travers des stratégies formelles, prosodiques ou stylistiques (sensations esthétiques). De même, la bienveillante sympathie, à travers laquelle le sujet ressent une émotion pour l'autre plutôt qu'avec l'autre, semble superflue dans le cas de la résonance somesthésique qui fonde la lecture empathique.

Chapitre III : L'empathie.
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