Citations sur Avant que j'oublie (165)
Prodigue et ample, ma mère, tardive dame patronnesse en jupe-culotte denim, s’était, il est vrai, investie dans des activités de paroisse, qui au fond ne lui ressemblaient guère, pour échapper à ses excès à lui d’alcool, de colère et de jalousie.
En parcourant les cinquante mètres qui séparaient le parking de la chambre funéraire, tous vêtus de noir, j'ai eu un bref instant l'impression qu'on allait braquer un casino.
Une dernière fois, je l’ai admiré pour son esprit original et si mal compris, pour l’élégante précision de ses idées, pour son entêtement insensé à ne s’être jamais autorisé que ça alors qu’il avait tant d’ampleur et pour m’avoir appris à être sensible à la poésie que dégagent les choses modestes.
Elle avait dû perdre beaucoup de gens dans sa vie pour savoir si bien dire au revoir.
Ce fut la messe la plus longue de toute l’histoire de la chrétienté. Rien ne s’enchaînait bien, les textes étaient trop longs, trop courts et les crécelles s’égosillaient tandis que la photo du défunt glissait lentement dans son cadre.
Des risques… On se tapait deux cents kilomètres trois fois par semaine pour venir le voir dans le trou du cul de l’Oise et lui, il voulait savoir si la drogue, c’était mauvais pour la santé !
On m’avait dit, en brandissant comme une menace un rouleau de sacs-poubelle, quand quelqu’un meurt, il faut agir, trier, ranger, répartir, écrémer, choisir ce que tu veux garder et te débarrassé du reste. Et plus vite que ça.
Sa vraie personnalité, enfin débarrassée des hardes puantes de l’alcool, était ressortie : un contemplatif fin mais gauche, gentil mais brutal, généreux mais autocentré, dévoré par l’anxiété et la timidité, incroyablement empêché. Un touriste de la vie. Contre toute attente, le monstre était humain, vulnérable, attachant.
Je m’étais retrouvée seule avec lui, mon macchabée, ma racaille unijambiste, mon roi misanthrope, mon vieux père carcasse, tandis qu’au-dehors tombait doucement la nuit.
Et puis pour m'en débarrasser, encore aurait-il fallu que ces choses m'encombrent, or il n'en était rien: je ne voyais pas quel soulagement psychique il pourrait bien y avoir, juste après l'avoir perdu lui, me séparer de tout ce qui avait constitué le décor de sa vie, de la mienne, de la nôtre et à ajouter du désordre à la désolation. (p. 96)