Citations sur Avant que j'oublie (165)
Des fois on n'est pas attentif, et après, trop tard, les gens sont morts.
J'ai tendu le cou pour y voir mieux et, au moment où mon regard s’est finalement posé sur lui, l’homme s’est retourné et j’ai eu l’impression qu’il me souriait. Je voyais vraiment pas grand-chose à cause de la pluie mais j’ai souri aussi. Il a refait le même geste de la main auquel j’ai répondu une nouvelle fois. Et puis le feu est passé au vert et quelqu’un a klaxonné alors il a redémarré. Ce n’est que quand il a de nouveau tourné vers la droite, que j’ai aperçu la manche marron, le chapeau sur le tableau de bord et le petit chien noir et blanc assis sur le siège passager qui regardait dehors à travers la vitre embuée.
Mes toutes dernières larmes sont sorties ce jour-là. J’avais enfin accepté. Si on m’avait dit que Céline Dion m’aiderait un jour dans ma vie à passer ce style de cap, je ne l’aurais pas cru. La catharsis par la pop – check.
J’aurais aussi aimé que quelqu’un, enfin, utilise le mot qui correspondait à la situation, un verbe en deux syllabes, pourtant facile à prononcer et à conjuguer, voyez plutôt : je meurs, tu meurs, il meurt, nous mourons, vous mourez, les gens meurent. Vous savez, mademoiselle, ça ne nous effraie pas, croyez-moi, on en a vu d’autres. Remballez vos hésitations parce que là, on n’a vraiment pas le temps de tergiverser. Mais j’ai dit merci, merci beaucoup pour votre franchise, ça me donne une idée.
Un juste, un sensible, un contemplatif, un silencieux dans la bulle duquel être admis valait toutes les protections, un ogre timide à qui il était arrivé, autrefois, d'être un adolescent amoureux, de détester l'école et de jouer les Huck Finn devant des feux de camp , le soir, au bord de rivières.
Comment j'avais pu perdre autant de temps dans ma vie à attendre que la route se dégage alors qu'en réalité, elle était là, ouverte, accessible puisque je courais dessus de toute la vitesse dont j'étais capable.
Mon frère avait, par exemple, tenu à mettre le blouson en cuir de ses vingt ans qui, par une sorte de miracle, lui allait encore parfaitement. Il avait beaucoup minci, ces derniers mois, à cause d'une passion nouvelle et brutale pour la marche qui s'était déclarée quelques temps plus tôt sans qu'on sache bien pourquoi, chacun se tient en vie selon ses moyens.
Personne n'avait effacé ce message depuis qu'elle était partie et on avait dû trouver qu'ils étaient cinglés, chez les Pauly, de laisser un fantôme prendre les messages. Mais nous, ça nous faisait plaisir de pouvoir continuer à l'entendre de temps à autre. ........ Et puis, sans nous le dire, nous nous plaisions à imaginer que ce message d'elle, sur cet appareil, constituait un point de rencontre possible entre morts et vivants. Un mince îlot via lequel, par quelque effet magique de collision entre dimensions, nous aurions pu lui parler et elle aurait pu nous entendre. Tuut. Complications ici-bas, attendons instructions. Terminé. Tuut. Ne vous inquiétez pas, la mort n'est qu'un passage. Je vous aime, je vous attends, vous y arriverez. Terminé. Tuut. Découragement, fatigue, chagrin. Est-il passé ? Que faut-il faire ? Merci de faire signe. Terminé. Tuut. Il est bien arrivé. Il va bien. Pour vous aussi tout ira bien. Se faire confiance, rester gentil. Terminé. Tuut.
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Mon Dieu, que son humour allait me manquer. (p. 65)
Cette chanson [Eloise de Barry Ryan ] après tout, c'était à peu près à l'image de ce qu'on avait toujours vécu avec nos parents: de l'amour, des cris, des drames, du désespoir avec, en fond, des trompettes et des violons. Le lendemain et les jours suivants, on a emprunté cette même route, de bon matin et au couchant pour aller s'occuper des papiers. A chaque fois, des cieux magnifiques, des nuages de toutes les couleurs et des couchers de soleil comme j'en avais rarement vu. Visiblement, il [Le papa venant de mourir ] était bien arrivé. (p. 11)