Personne ne peut sortir indemne de ce roman. Les horreurs du racisme y sont décortiquées avec une telle minutie que, plus d'une fois, cela m'a demandé un énorme courage pour aller au bout de ma lecture. J'ai suivi les avis de Krol, Aifelle, Cuné et je vous conseille de lire ou relire leurs billets, elles disent tout le bien que je pense de ce roman hors du commun
La construction participe au ralentissement de la lecture, nous suivons des destins très différents mais qui finalement vont se retrouver dans la scène finale : le médecin oncologue, une jeune femme noire Ayesha Washington, l'historien Adam Zignelik, l'homme de ménage de l'hôpital, Lamont Williams, ils sont ensemble sur un trottoir de New York et il aura fallu 800 pages à
Elliot Perlman pour tisser tous les liens qui réunissent tous les personnages de son roman durant un siècle et, parfois, sur deux générations . Adam, l'historien australien vit une crise dans son couple et n'arrive pas à se motiver pour un nouveau sujet de recherche indispensable à sa carrière universitaire. Il est le fils de Jack Zignelik qui a fondé avec son ami William Mc Cray le mouvement pour les droits civiques aux États Unis. Il travaille à la prestigieuse université de Columbia sous l'autorité de Charles Mc Cray fils de William. Asheha Washington est la petite fille d'un vétéran de la deuxième guerre mondiale qui a participé à l'ouverture des camps de concentration. Or, le rôle des soldats noirs pendant la guerre 39 – 45 a largement été ignoré par l'histoire officielle américaine.
Voilà donc un beau sujet de recherche pour Adam Zignelik en panne d'inspiration et au bord de la dépression, en tout cas c'est ce que pense William Mc Cray qui reproche à son fils Charles de ne pas assez soutenir Adam pour qu'il garde son poste à l'université de Columbia. Charles est marié à Michelle une assistante sociale noire, qui adore sa grand-mère. Et nous revoilà avec Lamont Williams car Michelle est sa cousine qui, en ce moment vit chez ladite grand-mère. Lamont a réussi à décrocher un emploi comme homme d'entretien à l'hôpital où travaille Asheya Washington et s'il réussit sa période d'essai, il pourra enfin tirer un trait sur la prison où il est resté six ans pour un cambriolage qui a mal tourné. Or, il n'a fait que conduire la voiture sans connaître les projets de ses amis ni surtout savoir que le plus jeune était armé. Au bout de six ans sa femme n'est plus là, elle a disparu avec leur petite fille. Il lui faut donc absolument satisfaire sa période d'essai à l'hôpital pour pouvoir avoir une chance de gagner sa vie et prouver aux services sociaux qu'il est stable. Sa grand-mère l'accueille car elle sait que Lamont est un brave garçon.
Toutes les difficultés de ce jeune noir, permettent à l'auteur de montrer à quel point il suffit de pas grand chose pour qu'un noir fasse de la prison aux Etats-Unis, avec un bon avocat Lamont aurait pu s'en tirer. Celui-ci rencontre à l'hôpital un rescapé d'Auschwitz, Monsieur Mandelbrot, il appartenait aux Sonderkommandos et connaît donc ce qui s'est passé dans les camps . Nous voilà donc au sommet de l'horreur au 20° siècle. Les conversations de ces deux hommes tissent entre eux des liens personnels si bien qu'avant de mourir cet homme lui donne ce qu'il a de plus précieux son hanoukkia, chandelier juif en argent. Lamont est accusé de vol, mais pour sa défense il raconte ce que cet homme lui a confié sur Auschwitz et l'historien Adam Zignelick assure que Lamont n'a pas pu découvrir cela tout seul, car une partie de ce récit était sur des enregistrements qu'il vient juste de découvrir.
Ces enregistrement faits en 1946, par de rares rescapés des camps avaient été complètement oubliés. Adam qui a vécu en Australie avec sa mère, est le fils d'un homme qui a lutté toute sa vie pour les droits des noirs aux Etats-Unis et cela permet à
Elliot Perlman de rappeler certaines souffrances des noirs dans les années 50 et 60, aujourd'hui encore les noirs Américains souffrent de graves discriminations. Et finalement ? Est ce que des troupes noires ont participé à la libération des camps de concentration ? et bien oui, et c'est le grand père de Asheya Washington, l'oncologue qui soignait Monsieur Mandelbrot qui pourra en témoigner. Ne croyez pas que j'ai tout raconté, il y a encore bien des histoires qui s'emboîtent dans ce récit, et elles ont toutes une fonction dans le récit. On est souvent très ému et comme je le disais en commençant c'est avec appréhension que l'on continue la lecture de ce roman inoubliable.
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