L'amour est incompatible avec la facilité
Des amants exemplaires aux amours contrariées, voilà ce qu'évoquent en général les noms d'Héloise et d'Abélard.
La réalité est plus complexe, plus riche aussi et cette richesse fera notre enchantement puisque, pour expliquer en quoi ils ont vécu "une histoire d'amour sans pareille", Régine Pernoud ressuscite le bouillonnant monde médiéval auquel appartiennent Abélard (1079-1142) et son Héloise (1101-1164).
Il n'y a sur terre que deux choses précieuses : la première, c'est l'amour ; la seconde, bien loin derrière, c'est l'intelligence.
Gaston Berger
Quelques-uns de ces dons ont été provoqués par des moniales entrées en monastère. Ainsi un nommé Galon et sa femme, Adélaïde, ont donné la moitié du moulin de Crèvecoeur et les vignes qu'ils possèdent au même lieu, avec un cens de quarante sous à percevoir à Provins ou à Lisines, lorsque Hermeline, soeur d'Adélaïde, a prononcé ses voeux au Paraclet; ce qui prouve que le couvent commençait à recruter dans la région dès la date de 1133 à laquelle remonte cette donation; une autre dîme, celle de Villegruis, a été concédée par le chevalier Raoul Jaillac et sa femme, Élizabeth, lors de la prise de voile d'une de leurs nièces.
En cette année 1121, on peut, semble-t-il, reconstituer les faits: Abélard se sait l'objet d'attaques qui lui viennent de plusieurs côtés, tant à cause du succès de son enseignement que des thèses soutenues dans son ouvrage. Ces thèses, du fait même qu'elles préconisent une solution originale au problèmes des universaux, éveillent la méfiance des autorités ecclésiastiques sensibilisées à un problème qui fait l'objet de querelles déjà anciennes, et qui soulève surtout la fureur des tenants de chacune des écoles en présence, celle des réalistes,disciples de Guillaume de Champeaux, et celle des nominalistes, en particulier du vieux Roscelin, lequel n'est sans doute pas loin de considérer comme une trahison de la part de son ancien élève cette manière de réfuter une pensée dont il l'a nourri.
Mais comme Abélard a senti vivement quelle détresse révélait la missive d'Héloïse, ce préambule n'annonce pas une fin de non-recevoir:«Toutefois, ajoute-t-il, si votre humilité en jugeait autrement et si, même dans les choses qui regardaient le ciel, vous éprouviez le besoin d'avoir notre direction et nos conseils écrits, mandez-nous sur quel sujet vos voulez que je vous éclaire; je répondrai alors selon que le Seigneur m'en donnera le moyen.»