On a beau le vouloir, on ne peut pas renier ses parents. Ils font partie de ce que l'on est.
Mais, très souvent, plus on s'élève dans la société, moins on est convenable.
La jeune fille descendit dans une robe en soie abricot qui bruissait joliment lorsqu'elle marchait et dont la nuance délicate se reflétait sur sa peau en donnant l'impression qu'elle irradiait de bonheur.
Mais peut-être était-ce réellement le cas.
Le monde dont elle rêvait était beaucoup plus vaste, plus dangereux et probablement plus solitaire. Finirait-elle, comme Celia, au bord de la vie? Était-ce sa propre obstination à chercher un amour semblable à celui que partageaient ses parents qui l'avait amenée à cette situation?
A force d'entendre les récits et les commentaires de son père sur son travail ,sans doute en savait -elle trop sur les fragilités de la nature humaine,de sorte qu'elle voyait bien que les hommes les plus puissants et les femmes les plus élégantes n'étaient pas moins exposées aux faiblesses qu'un valet ou une femme de chambre.
Jemina aurait voulu être n'importe où ailleurs. Outre que la simple mention du nom de Maria Cardew semblait avoir soulevé un problème épineux, la pauvre Celia s'était vu publiquement et très vertement rappeler que son rôle d’hôtesse dans la maison Albrigt allait toucher à sa fin.
La femme noire derrière le comptoir leur décocha un sourire d'un blanc resplendissant...
"A vingt ans, on a le visage que la nature vous a donné ; à cinquante, on a celui qu'on mérite." Le temps forgeait le caractère de telle manière que l'on finissait par deviner celui-ci au premier coup d'oeil. Les habitudes se voyaient, pour le meilleur et pour le pire.
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Pendant tout l'après-midi, Jemina repensa à ses paroles, enfermée toute seule dans sa cellule pourvue d'une unique fenêtre placée très au-dessus du niveau des yeux. Elle entendait les détenues pousser des cris et éclater de rire, mais c'était un son dur et rauque, totalement dénué de joie.
L'étrangère ici était Jemina, fille d'un policier respecté et petite-fille d'un garde-chasse. Sa mère, quoique bien née, était issue d'un milieu bourgeois dépourvu de richesse et de noblesse.
Cependant, rien de tout cela n'était censé avoir de l'importance dans ce nouveau monde où tous les hommes étaient égaux, et où la seule chose qui comptait était l'avenir, pas le passé.