— Bien qu’on en soit ici plus près que la plupart des villages, ce volcan est comme beaucoup de personnes âgées. Il se plaint et parle fort, mais il ne fait pas grand-chose.
— Oh, mon Dieu ! s’exclama James, amusé. Est-ce là l’opinion que vous avez des personnes âgées ? Du bruit et de la fureur, mais pas la moindre substance ?
— Percival Quinn, dit-il tout bas. Je suppose que vous êtes Latterly, le dernier membre de notre petit groupe ?
— En effet, Mr. Quinn… Enchanté de vous rencontrer.
James le regarda avec intérêt. C’était donc l’homme qui avait écrit le roman sur cette femme qui avait vécu sa vie avec tant de passion. Il tomba plutôt d’accord avec Candace : Quinn n’avait pas l’air d’un homme dont l’imagination était capable de créer une telle œuvre. Ce qui tendait à démontrer qu’une des erreurs fréquentes de la vie consistait à juger le fond d’une personne en se fiant à son apparence, ou à quelque chose d’aussi éphémère que le sentiment qu’on en avait, avant de savoir si on l’appréciait ou pas.
La recette d'un récit parfait consiste à commencer par le commencement en passant par le milieu et en allant jusqu'à la fin...et ensuite, surtout, à s'arrêter!
Le soleil couchant offrait un festival de couleurs flamboyantes qui teintaient le ciel à l'ouest ................. Ce coucher de soleil particulier ne se produirait plus jamais.
Il n'y aurait plus jamais exactement cette bannière de feu à travers le ciel, une nuance délicate de turquoise au-dessus d'un nuage, semblable à un vert d'émaux anciens qu'aurait atténué le passage du temps.
Et si les dernières couleurs resplendissaient aux mêmes endroits, l'indigo de la nuit serait sans doute un peu différent.
Du pont du bateau, James Latterly contemplait le rivage paisible qui se rapprochait à toute vitesse. Le volcan se dressait, silhouette aussi simple et symétrique que sur un dessin d'enfant. Le ciel était d'un bleu hivernal. En ce mois de décembre, la neige ne tarderait pas à tomber chez lui en Angleterre, mais là , tout près de la Sicile , la brise chargée d'embruns était d'une extrême douceur.
Il avait été impatient de faire cette pause loin de Londres, du travail et de la routine d'une existence qui, ces derniers temps, lui avait paru plus dépourvue de sens que jamais. Le décès récent de sa femme l'avait laissé dans un profond sentiment de deuil, quoique pas comme il s'y serait attendu. Ne pas éprouver la souffrance cruelle de la perte lui faisait comprendre avec douleur qu'il s’était senti seul depuis très longtemps.
Passer trois semaines à Noël sur un île volcanique de la Méditerranéenne changerait-il quelque chose? Ce séjour le guérirait-il de ce sentiment de désespoir, de petits échecs sans fin ? En tout cas, il aurait tout le temps de réfléchir sans être interrompu par la trivialité de la vie quotidienne. Il avait beau avoir connu la reussite sur le plan professionnel, il n'en tirait que très peu de plaisir.
Bien qu’âgé seulement d'une quarantaine d'années, il se sentait vieux.
Ils étaient à présent tout près du rivage. Il voyait des hommes sur le quai décharger des bateaux de pêche. Entre les petites maisons alignées sur le front de mer, les rues montaient en pente raide vers l’intérieur des terres. Tout paraissait simple, rien ne semblait avoir changé depuis plus de deux mille ans.
Le volcan était plus imposant qu'il ne l'avait semblé vu du large. Il les dominait, quasiment dénué de végétation en dehors de quelques taches de verdure. D'ici, il offrait une apparence lisse.
Le moment était venu de débarquer.
Aucune plante cultivée dans un jardin ne lui avait jamais paru aussi passionnément vivante que ces herbes drues brun-vert, plongeant leurs racines et trouvant de quoi se nourrir dans ce qui apparaissait comme une étendue sans vie.
Quelle absurde bravoure
.......une des erreurs fréquentes de la vie consistait à juger le fond d'une personne en se fiant à son apparence, ou à quelque chose d'aussi éphémère que le sentiment qu'on en avait, avant de savoir si on l'appréciait ou pas.
Les vues que l'on a de là-haut sont uniques au monde.
Le ciel, la mer, le feu au centre de la terre, là juste sous vos pieds...
Tout cela donne un sentiment d'éternité qu'on ne saurait imaginer ailleurs. Pas étonnant que les Anciens aient cru à des Dieux auxquels nous faisons seulement semblant de croire... Ils ressentaient l'immensité de la création!
"Au déjeuner, James fit la connaissance des autres pensionnaires. Ils étaient là pour ce qu'on pourrait décrire comme une sorte de retraite, une échappée loin des devoirs de la vie ordinaire, une occasion de méditer, de marcher à travers les vallées luxuriantes, de grimper sur le volcan, de lire ou de se détendre."page 29
Un Noêl en Sicile, Anne PERRY (traduction Pascale HAAS)
On peut avoir toutes sortes de rêves passionnés, des blessures intérieures, sans que personne les connaisse... à moins qu'on les laisse voir.