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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Comme beaucoup, j'ai l'habitude de me montrer injuste envers les nouvelles. Pour celles qui m'ont intéressé, je regrette qu'elles n'aient pas été mieux développées ; quant aux autres, c'est sûr, elles auraient gagné à se voir écourtées... Mais avec ce recueil de Leo Perutz, un petit miracle se produit : quatorze nouvelles dont les intrigues oscillent entre les contes de Canterbury ou le Décaméron et les récits fantastiques d'époque romantique, et aucune qui ne paraisse trop brève ou trop longue. Parmi les multiples secrets qu'elles renferment, il en est un qui explique cela. D'une nouvelle à l'autre, nous retrouvons les mêmes personnages dont les destins s'entrelacent dans cette Prague de la Renaissance que l'auteur fait revivre devant nous, avec ses misères et ses fulgurances. Ils nous sont racontés par fragments d'un chapitre à l'autre, dans un ordre savant. C'est finalement un véritable roman composé de récits emboîtés les uns dans les autres qui se révèle, éclairé par le mystère de l'amour rêvé entre Rodolphe II et la belle Esther.
Leo Perutz est un écrivain qui a vécu la fin de l'Autriche-Hongrie, il puise son inspiration dans l'histoire de la Bohème et les légendes juives pour dépeindre les rapports compliqués des habitants du ghetto avec les gens de la ville et du château, artisans, marchands, nobliaux, courtisans, serviteurs zélés ou intrigants et, au-dessus de tous, Rodolphe II, roi de Bohème, souverain du Saint-Empire romain germanique, prince fantasque, tourmenté, amoureux des arts, toujours endetté et qui n'assume pas sa tâche, laissant le royaume aux mains de sa suite. On croise tour à tour Kepler dans un rôle d'astrologue qui le désespère, Wallenstein à l'aube de sa carrière militaire, des musiciens de rue, des voleurs malchanceux, des chiens qui parlent, un bouffon expert en fourberies, un peintre qui ne dessine ni les saints ni les personnes respectables, un grand rabbin qui emploie son art magique contre son gré, un alchimiste désolé de ne pouvoir transformer le plomb en or. Mais il est pourtant un véritable alchimiste dans le quartier juif et il se nomme Mordechai Meisl. Banquier, prêteur sur gages, c'est lui le personnage central du livre, capable par les affaires de créer l'or ou l'argent à partir de rien. C'est chez lui que le roi vient clandestinement renflouer ses finances, ce roi dont il ne sait pas qu'il est son rival amoureux et dont il finira par se venger.
Tout au long du livre, on découvre avec fascination les pratiques magiques de la communauté juive. Même si la religion judaïque proscrit la sorcellerie au même titre que sa soeur chrétienne, ce ne sont pas seulement des diableries à exorciser que l'on y rencontre, mais tout un cortège de fantômes, esprits, anges, démons, qui forment un monde surnaturel, le grand rabbin connaît les sortilèges et formules à prononcer afin de les appeler ou les renvoyer, la kabbale n'est jamais loin. Ces croyances mystiques sur fond d'amour et de mort forment la substance du livre. En raison d'un sort jeté par le grand rabbin sous le pont de pierre, Rodolphe et Esther s'aiment dans leurs songes alors qu'ils ne se sont aperçus qu'une seule fois. Cela suffit à provoquer la colère du dieu terrible d'Israël qui envoie la peste aux âmes de la cité juive pour les punir de cet adultère, car oui, "Nuit après nuit, l'empereur rêvait qu'il tenait dans ses bras sa bien-aimée, la belle juive, et nuit après nuit, Esther, la femme de Mordechai Meisl, rêvait qu'elle était dans les bras de l'empereur."
Verbe subtil, atmosphère fantasmatique, tendresse et humour d'Europe centrale… une fois refermé, ce livre sans prétention mais au charme envoutant nous laisse parcourir encore longtemps les places et ruelles tortueuses de Prague à travers le dédale des pensées baroques de ses habitants d'autrefois.
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Qu'y a-t-il de commun entre Rodolphe II, Empereur germanique, qui entretint à Prague une cour brillante intellectuellement, et Mordechai Meisl, au départ jeune chiffonnier pauvre du quartier juif? Si vous vous laissez tenter par le dernier livre de Leo Perutz publié de son vivant (1953), vous le découvrirez pas à pas. Au début, vous aurez l'impression d'un simple recueil de nouvelles. Puis les récits commenceront à tisser des liens entre eux et vous entrerez dans les secrets de la cour de Prague et de la communauté juive de la ville. Nous sommes à la fin du 16e et au début du 17e siècle. Nous sommes plongés dans les traditions juives, empreintes de merveilleux, et dans l'ésotérisme dont l'empereur Rodolphe était friand. Et d'un récit à l'autre, nous avons hâte de rester immergés dans ces ambiances, où les apparences sont généralement trompeuses. La période est troublée, les affrontements religieux et dynastiques font rage. Les ambitions s'aiguisent, ou s'effondrent, ou s'apaisent.
Une forme plutôt originale pour une belle expérience de lecture. Mais surtout, ne commencez pas par lire la 4e de couverture, cela pourrait vous gâcher le plaisir.
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En quatorze tableaux, Léo Perutz dresse ici un portrait de Prague à la charnière des XVIe et XVIIe siècles.

Une Prague disparue, qui n'a jamais vraiment été mais forme comme la quintessence d'une ville bien réelle. Une Prague de bouffons, de courtisans, d'étudiants, d'alchimistes et de kabbalistes, gouvernée par un empereur solitaire, qu'on dit à demi-fou mais qui n'est peut-être que trop clairvoyant. Prague et son grand palais désolé, encombré de profiteurs en tout genre et de trésors du monde entier. Prague et sa cité juive, dont les ruelles tortueuses recèlent bien des mystères. Prague et ses auberges tapageuses, ses cimetières sous la lune, ses grandes forêts obscures. Ses vivants et ses morts.
Et son pont de pierre sous lequel un secret s'épanouit, qui décidera du sort de bien des hommes.

Quatorze tableaux, ou plutôt quatorze nouvelles qui se répondent les unes aux autres et forment à elles toutes un grand tableau, une grande histoire dont on ne découvre le fin mot que dans les dernières pages. Quatorze nouvelles qui se lisent comme un roman, mais toutes possèdent une chute à part entière, assez percutante ou du moins bien tournée.
La construction est admirable et l'ambiance captivante, avec cette dose d'ironie noire et de fantastique en demi-teinte qui fait la marque de l'auteur, et que j'aime tant désormais.
Lien : http://ys-melmoth.livejourna..
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Pour les gens pressés, on va faire court : ce recueil de nouvelles a tout pour plaire aux amoureux de Prague, aux admirateurs de Borges, et aux amateurs de fiction historique.

Dans un style ni trop sec ni trop littéraire (quoique ce soit toujours difficile à dire avec une traduction), Perutz fait revivre la Prague de l'époque impériale au temps de l'empereur Rodolphe II (XVIè siècle). L'ensemble des nouvelles tournent autour des conséquences des amours de cet empereur avec l'épouse d'un riche juif.

Borges appréciait beaucoup Perutz et effectivement certaines nouvelles (la conversation des chiens, Henri qui venait des enfers) ont quelque chose de Borgesien avant l'heure, en ce qu'elles renversent la perspective ou sont délicieusement ironiques : la folie de l'Empereur n'est peut-être pas ce que l'on croit, les plus roués peuvent se faire prendre à leur propre jeu...

Enfin, si l'on recherche un peu plus que le simple dépaysement, on peut aussi y trouver son compte. Perutz, contemporain de Kafka ou Rainer Maria Rilke, sait aussi décrire ce monde qui glisse doucement vers la folie, pendant que l'Empereur est à tout autre chose que de régner. Et c'est avec beaucoup de nostalgie que le narrateur, descendant de Mordechai Meisl évoquera ce monde aujourd'hui disparu.

Pas tout-à-fait le recueil de nouvelles de rêves... mais pas loin de l'être non plus.
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