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Citations sur Je ne suis personne : Une anthologie (13)

LE VIOLON ENCHANTÉ
     
Sans venir par la route du nord,
Sans emprunter le chemin du sud,
D’un seul coup sa musique sauvage
Inonda ce jour-là le village.
     
Soudain il fut en pleine rue,
Les gens sortirent l’écouter,
Soudain il s’en fut, et en vain
Tous espérèrent le revoir.
     
Son étrange musique tenaillait
Chaque coeur du désir d’être libre.
Elle n’était pas mélodie, sans
Pour autant être nulle mélodie.
     
Autre part dans les lointains,
Autre part très loin d’eux-mêmes
Tout à coup forcés à vivre, ils perçurent
Cette mélopée en échos.
     
En échos à la nostalgie
Que tous portent au fond du coeur,
C’était le sentiment perdu
Qui ravivait des quêtes oubliées.
     
Lors l’épouse heureuse savait
Qu’elle s’était fort mal mariée,
L’amoureux tendre et gai venait
A languir d’aimer plus encore,
     
Filles et garçons se réjouissaient
De n’avoir connu que les rêves,
Les coeurs solitaires et tristes
Se sentaient moins seuls autre part.
     
Dans chaque âme s’éveilla la fleur
Qui ne laisse au toucher qu’une poussière immatérielle,
Premiers moments de l’épousé de l’âme,
Notre complétude achevée,
     
L’ombre qui survient pour bénir,
Depuis d’insensés abîmes embrassées,
L’intranquillité lumineuse
Préférable à la tranquillité.
     
Comme il était venu, il s’en alla.
Ils crurent qu’il n’était, lui, qu’à demi.
Lors doucement il s’évanouit
Dans le silence et la mémoire.
     
Le sommeil à nouveau déserta leurs rires,
Leur espoir extatique et la fin s’éteignit,
Et un tout bref instant plus tard
Ils ne surent plus qu’il était venu.
     
Mais quand la tristesse de vivre,
Puisque la vie n’est pas voulue,
Revient à l’heure des rêves, porteuse
D’une impression de vie transie de froid,
     
Tous se rappellent tout à coup –
Luisant comme une lune qui se lève
Là même où se consume leur vie-rêve –
La mélopée du vagabond au violon enchanté.
     
     
‘Poème en anglais’, traduit par Patrick Quillier et Olivier Amiel, avec la collaboration d’Anne Terlinden | p. 233-4.
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Il est des phrases subites, profondes parce qu’elles viennent des profondeurs, qui définissent un homme ou, plutôt, par lesquelles un homme se trouve défini sans définition aucune. Je n’oublierai jamais celle que Ricardo Reis prononça un jour, pour me définir. On parlait de mensonge, et il dit : « Je déteste le mensonge, parce que c’est une inexactitude. » Tout Ricardo Reis – passé, présent et futur – se trouve dans cette phrase-là.
Mon maître Caeiro, n’exprimant que ce qu’il était, peut être défini par n’importe laquelle des phrases qu’il a écrites ou prononcées, surtout à partir de la seconde moitié du Gardeur de troupeaux. Mais, parmi toutes les phrases qu’il a écrites et qu’on trouve imprimées, parmi toutes celles qu’il m’a dites, et que je rapporte ou non, celle qui le contient tout entier avec, peut-être, le maximum de simplicité, c’est celle qu’il m’a dite un jour à Lisbonne. Nous parlions, je ne sais plus à quel sujet, des relations que chacun de nous peut avoir avec lui-même. Et je demandai brusquement à mon maître Caeiro :  « Êtes-vous satisfait de vous-même ? » Et lui de me répondre : « Non : je suis satisfait. » Et c’était comme la voix de la terre, qui est tout et qui n’est personne.
     
     
Notes à la mémoire de mon maître Caeiro, par Álvaro de Campos – extrait, p. 274.
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"Ce n'est pas le vice ni l'expérience qui déflore l'âme : c'est uniquement la pensée. [...]. Le seul fait de penser déflore tout jusqu'au tréfonds le plus intime de l'être.
Cette perpétuelle analyse de tout,
Cette recherche d'une nudité suprême
Ratiocinée avec cohérence
Voilà ce qui détruit la véritable innocence."
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N'essayez pas de construire dans l'espace que vous supposez

N'essayez pas de construire dans l'espace que vous supposez
Est l'avenir, Lydia, et ne vous promettez pas
Demain. Arrêtez d'espérer et soyez qui vous êtes
aujourd'hui. Toi seul es ta vie.
Ne planifiez pas votre destin, car vous n'êtes pas futur.
Entre la coupe que tu vides et la même coupe
Remplie, qui sait si ta fortune
N'interposera pas l'abîme ?
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"Vivre, c'est un autre. Et sentir n'est pas possible si l'on sent aujourd'hui comme l'on a senti hier : sentir aujourd'hui la même chose qu'hier - c'est se souvenir aujourd'hui de ce qu'on a ressenti hier, c'est être aujourd'hui le vivant cadavre de ce que fut hier la vie, désormais perdue."
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J'ai en moi comme une brume

J'ai en moi comme une brume
Qui tient et qui n'est rien
La nostalgie de rien du tout,
Le désir de quelque chose de vague.

J'en suis enveloppé
Comme d'un brouillard, et je vois
L'ultime étoile briller
Au-dessus du moignon de mon cendrier.

J'ai fumé ma vie. Comme
tout ce que j'ai vu ou lu est incertain ! Tout
Le monde est un grand livre ouvert
Qui me sourit dans une langue inconnue.
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D'innombrables vies nous habitent

D'innombrables vies nous habitent.
Je ne sais pas, quand je pense ou ressens,
Qui c'est qui pense ou ressent.
Je suis simplement le lieu
Où les choses sont pensées ou ressenties.

J'ai plus d'une âme.
Il y a plus de moi que moi-même.
J'existe pourtant
Indifférent à tous.
Je les fais taire : je parle.

Les pulsions traversantes de ce que
je ressens ou ne ressens pas
Lutte en qui je suis, mais je
les Ignore. Ils ne dictent rien
Au je sais : j'écris.
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Je ne sais pas si les étoiles gouvernent le monde

Je ne sais pas si les étoiles gouvernent le monde
Ou si le tarot ou les cartes à jouer
Peuvent révéler quoi que ce soit.
Je ne sais pas si le lancer de dés
Peut mener à une conclusion.
Mais je ne sais pas non plus
si quelque chose est atteint
en vivant comme la plupart des gens.

Oui, je ne sais pas
si je dois croire en ce soleil levant quotidien
dont personne ne peut me garantir l'authenticité,
ou s'il vaudrait mieux (parce que mieux ou plus commode)
croire en un autre soleil,
celui qui brille même la nuit ,
Quelque incandescence profonde des choses,
Dépassant mon entendement.

Pour l'instant...
(Allons-y doucement)
Pour l'instant
J'ai une prise absolument sûre sur la rampe de l'escalier,
je la fixe avec ma main -
Cette rampe qui ne m'appartient pas
Et sur laquelle je m'appuie en montant...
Oui... je monte...
je monte à ceci :
je ne sais pas si les étoiles gouvernent le monde.
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Tant que le Destin me le permettra, je continuerai de fumer.
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Je suis fatigué

Je suis fatigué, c'est clair,
car, à un certain stade, les gens doivent être fatigués.
De quoi je suis fatigué, je ne sais pas :
Cela ne me servirait à rien de le savoir
Puisque la fatigue reste la même.
La blessure fait mal comme elle fait mal
Et non en fonction de la cause qui l'a produite.
Oui, je suis fatigué,
Et un tant soit peu souriant
De la fatigue n'étant que cela -
Dans le corps une envie de dormir,
Dans l'âme une envie de ne pas penser
Et, pour couronner le tout, une transparence lumineuse
De la compréhension rétrospective…
Et le un luxe de ne pas avoir d'espoir maintenant ?
Je suis intelligent : c'est tout.
J'ai beaucoup vu et compris beaucoup de ce que j'ai
ont vu.
Et il y a un certain plaisir même dans la fatigue
que cela nous procure,
Qu'en fin de compte la tête sert encore à
quelque chose.
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