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Avec Pina, l'entrée se fait de plain-pied dans Tenaho, quartier pauvre de la banlieue de Papeete, bien loin des images idylliques de Tahiti. Pina, c'est l'une des petites dernières, de moins de dix ans, d'une famille nombreuse, qui doit déjà gérer beaucoup pour son jeune âge, qui doit aussi faire face à la violence, du père, alcoolique notoire, de la mère, qui regrette plus que tout son existence et son mariage avec un homme qui est devenu l'ombre de lui-même. Jusqu'au jour où le père a un grave accident... La vie, enfin, va-t-elle prend un autre tournant ?

La vie de Pina et de sa famille nous est racontée par un va-et-vient entre présent et passé, va-et-vient qui permet de cerner au mieux chaque membre, va-et-vient qui permet de mettre encore davantage en évidence les insoutenables conditions de vie de nombre de tahitiens, entre vols, prostitution, drogues, et les insoutenables disparités entre les gros bonnets, une infime partie de la population, finalement, et les autres, les laissés-pour-compte comme Pina et les siens, qui vivotent jusqu'au mieux, très rare, ou au pire, tragiquement plus commun.

Noirceur et désespoir sont centraux dans ce roman qui ne nous laisse que bien peu le temps de souffler, qui plus est en raison de la présence d'un bref texte, parfois entre deux chapitres, toujours le même texte, d'une veine assez paradoxalement - voire cyniquement - poétique, texte qui s'étoffe au fil des pages, texte qui nous décrit tragiquement l'indescriptible avant qu'il n'arrive et vient enfoncer le clou de la violence de toute l'histoire.

Un roman éprouvant, qui ne peut laisser indifférent, mais terriblement nécessaire par son engagement à montrer la réalité tahitienne. Je m'en souviendrai longtemps.
Lien : https://www.aubonheurdesmots..
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Un roman rare, essentiel, implacable, qui nous prend complètement à rebours, qui nous sonne, nous assomme, et nous remet ensuite la tête en place, qui déconstruit un mythe, un mirage, celui du paradis polynésien, territoire français des antipodes.
Car que sait-on vraiment, nous, lointains métropolitains, de ce que nous avons fait de ces îles en les colonisant ? En imposant notre culture et notre religion, nos essais atomiques, nos fantasmes pour les jeunes vahinés, notre voracité. Dans un quartier anodin de Papeete, Ma, ses filles et ses garçons, son mari, chacun à sa façon, avec ses errances et ses espérances, vont nous en raconter la véritable histoire, le désastre. le tableau est sans concessions.
Avec beaucoup de subtilité, Titaua Peu nous présente tous les fléaux, que je vous laisse découvrir, qui gangrènent la société et les natifs tahitiens. Certaines scènes sont crues, tandis qu'à d'autres moments il y a des non-dits que notre imagination se charge de combler. On vit avec les personnages la rage du désespoir et le sursaut de dignité.
Titaua Peu, avec son écriture puissante, urgente, tragique, est une très grande autrice.
Un immense merci à Babelio et aux éditions au vent des îles pour ce grand roman, à découvrir absolument.
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Un roman comme un arbre. Au fil des pages nous y découvrons les branches comme autant de personnages qui, au delà de leurs liens familiaux, décrivent la vie du peuple tahitien, dans Tenaho, un quartier défavorisé à l'est de Papeete. Celle de Pina s'y illustre comme aucune autre. Encore jeune et frêle, elle n'en est pas moins solide que celles qui lui ont donné naissance. Sous le vent elle oscille pour attirer notre regard et nous montrer son histoire.

Captivante, la plume de Titaua Peu, s'en éloigne un peu, elle nous entraîne, part effleurer les racines avant de revenir vers le tronc. Une écorce sous laquelle s'epaississent les affres du colonialisme, la domination, le racisme, la brutalité, l'injustice. Derrière le sable fin du paradis exotique que l'on aime se figurer, la réalité est écoeurante. Qui possède quoi ? Qui possède qui ? La rage s'infiltre, gronde, monte, peine à se contenir. Martyr ou bourreau ? Quel autre avenir ?

Puis vient la violence, un coup de hâche dans le bois vivace. Né de l'humiliation, couvé par le machisme latent, reçu par les victimes favorites de la virilité humiliée : les femmes et les homosexuels. Évacuer une domination par une autre n'a jamais fonctionné. Et la sève de l'arbre s'écoule, comme le sang des victimes, même les plus innocentes.

La plume virevolte, par delà les mers, le long des branches elle trouve parfois des bourgeons, ils donneront des fleurs un peu timides ou éclatantes. Peut-être porteront-elles leur fruits. Des fruits nourriciers qui viendront alimenter les espoirs d'indépendance et de liberté. Ou des fruits trop lourds à porter pour des branches qui n'ont pas eu le temps de grandir.

Ce roman sombre, âpre, social et politique, expose des problèmes actuels qui ne se posent d'ailleurs pas qu'en Polynésie. Une lecture forte en émotion que je ne suis pas prête d'oublier.

Chroniqué dans le cadre d'une masse critique, je remercie chaleureusement la maison d'édition Au vent des îles et Babelio.
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Titaua Peu nous emmène dès la première page dans une ambiance, sombre, loin de la Polynésie des cartes postales. Pina, petite fille de neuf ans, moins aimée et moins bien traitée que sa soeur Rosa, quinze ans, beauté à la peau et aux yeux clairs. Parce que pas jolie, plus noire de peau et aux cheveux crépus, elle est une Cosette à la sauce Papeete, sans pour autant être une souffre-douleur.
C'est le récit de la misère au soleil.

Pina, huitième d'une famille de neuf enfants, nous raconte sa vie auprès d'un père indigne, alcoolique et violent, et d'une mère qui ne l'aime pas, nous parle de sa tante Poe, qui aime ses vingt enfants et aussi tous les enfants du monde, et puis Pauro son frère adoré, son dieu, son soutien.

Pina est une géante dans un corps de petite fille. Elle est belle et grandiose, d'une incroyable générosité et une compréhension des choses qui fait montre d'une étonnante maturité tant son acuité sur le monde qui l'entoure est juste.

L'écriture de Titaua Peu est tout en subtilité. Que beaucoup de faits abjects soient juste suggérés nous permet d'assister à toutes ces flétrissures sans se sentir voyeur.

L'Histoire de la Polynésie depuis Matahi, l'ancêtre de Pina, le quotidien, la misère, le rite de la subincision, l'alcoolisme, la prostitution, l'inceste, les violences familiales et celles faites aux femmes, l'homosexualité, l'homophobie, le racisme et la pédophilie - ces poisons du colonialisme, le sexe pratiqué beaucoup trop jeune et comme on respire, la condition féminine, tout cela nous est raconté, sans fard mais avec pudeur. C'est une plongée passionnante dans l'envers du décor, ces choses que tout le monde sait mais dont on ne parle pas.

Et puis il y a tous ces destins entrelacés… et toute cette fureur qui gonfle et court vers l'inéluctable.
Une très belle écriture dont la fluidité vous emporte au gré du courant dans cet endroit qui n'est pas un paradis pour les tahitiens qui ne veulent pas et n'ont jamais voulu être français, parce que les français justement l'ont transformé en enfer pour les natifs.
Je ne suis pas près d'oublier Pina, sa famille et son peuple d'écorchés vifs.

Merci mille fois à @babelio_ Masse critique et @auventdesiles pour m'avoir permis de découvrir ce magnifique et douloureux roman avec ses personnages poignants, ainsi que cette autrice que je vais suivre désormais.
Lien : https://mechantdobby.over-bl..
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Il y a des romans qui, littéralement, mettent une claque dont on a du mal à se relever. Pina, nouveau manifeste de Titaua Peu, est de ceux-là. Sa plume exacerbée crisse à nouveau dans une encre des plus noires, incarnée par une protagoniste hors norme, tourmentée par la fatalité du destin, targuée des pires séquelles de la vie. Plongée en eaux troubles avec ce manifeste noir de rage au contenu pourtant universel, bien qu'à la rédemption pour le moins… incertaine.

Véritable « femme engagée, femme enragée », Titaua Peu a été piquée par le besoin d'écrire dès l'adolescence. Elle découvre tant de combats relatés dans les livres. Combats qui, pour être ceux de son peuple, deviennent siens. Elle y trouve l'inspiration et la force de mener à bien ses propres batailles une fois de retour au fenua. Chose promise, chose due : Titaua Peu ne pourra que prendre la plume pour agir et dénoncer les maux dont souffrent en silence trop d'oubliés pour tenter de les diagnostiquer par les mots. Un exercice tout aussi hasardeux que douloureux et pourtant, libérateur.

Alors que Mutismes dressait un « état des lieux des non-dits, Pina prolonge le no man's land où se côtoient le désert humain et la mort, troublée uniquement par le cours d'une rivière ». Une écriture poignante où tout le monde en prend pour son grade, malgré le désir d'humanité qui transpire entre les lignes.

C'est à Pirae dans le quartier de Tenaho que le récit prend forme. Un quartier discret, presqu'oublié, réceptacle de quatre générations d'une tranche de la population quasiment absente des écrans de contrôle. Sauf lorsque la rivière s'emporte et emporte tout sur son passage. Comme ce fût le cas plus tôt cette année lors des crues sauvages qui ravagèrent ce quartier. Un ravage de plus…

Pina, c'est avant tout l'histoire d'une myriade de femmes, « de la pute à la sainte », précise l'auteur. Normal dans une société polynésienne a priori matriarcale, où les femmes ont toujours assumé une place prépondérante dans la société, certes, mais où l'homme reste le maître à bord. Dans Pina, il y a bien quelques hommes, réduits aux rôles ingrats (le macho violent, l'époux maltraitant, l'amant hors d'atteinte) et relayés au second plan. Néanmoins, Titaua Peu met des mots pour la première fois sur deux interdits majeurs : la masturbation infantile et l'homosexualité. Un tour de force volontairement déterminé.

Pina, une Cosette polynésienne ? « Non, définitivement non ! » lance Titaua Peu, visiblement amusée par la comparaison. « Car Pina, elle se révolte, elle n'accepte pas sa condition ! C'est autant le porte-voix qu'un souffre-douleur d'une génération passée sous silence. » Inspirée par les protagonistes féminins de Toni Morrison, bercée par les paroles envoutantes et les mélodies mélancoliques de Billie Holiday, c'est ainsi qu'est née Pina. À cela s'ajoute l'expérience vécue par l'auteur dans le quartier familial de Tenaho. le tout saupoudré d'un fait divers inédit sur fond d'extrême cruauté et de misère sociale : voici les ingrédients d'un récit résolument obscur, aussi violent et dérangeant que ne l'est la réalité, souvent occultée, toujours relativisée.
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Tenaho est un quartier pauvre, à l'est de Papeete. Pina a moins de dix ans. Elle essaye, tant bien que mal de vivre dans un environnement familial effrayant : un père (Auguste), violent et alcoolique, une mère (Ma), mal aimante, un frère (Pauro) tendre mais fragile, une petite soeur (Moïra) encore bébé, un grand frère (Auguste junior), paresseux et délinquant, une soeur aînée (Hannah) revenue d'un long séjour en France métropolitaine et très engagée politiquement. Tout se met à déraper autour d'elle dans une escalade de violence au moment-même où les événements politiques de la Polynésie précipitent le pays dans un étrange entre-deux, ni indépendance, ni autonomie….
La fratrie chaotique se découvre un demi-frère (Pauro) -élevé à Paris, policier, qui devient un peu une sorte d'ange gardien….et de révélateur de tous les dysfonctionnements du pays et de la famille.
Le roman présente des points forts : des personnages attachants, des descriptions de la société tahitienne réalistes et hautes en couleur, une rapidité d'écriture, parfois de très beaux moments et des fulgurances poétiques émergeant de la violence du contexte. Malheureusement, il présente aussi des points faibles : un foisonnement un peu brouillon, un manque de rigueur, un emploi très anarchique des temps verbaux (et même un drôle d'oubli des subjonctifs) qui donne parfois une impression de texte « mal écrit ». Certains passages de réflexions philosophiques ou politiques sont superficiels, naïfs et mettent mal à l'aise, enlevant de la puissance au roman qui pourrait en montrer « plus » sans être obligé de théoriser… Dommage….On passe tout près d'un grand livre et d'un grand auteur.

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Roman d'une noirceur terrible qui évoque avec puissance et rage une vérité troublante, une vérité cachée derrière la carte postale.

En effet, avec ce roman nous sommes très loin de la carte postale idyllique qui vous apporte éclat et paradis. Ici, nous sommes au coeur d'une réalité effacée par les lagons, le ciel turquoise et le cliché de la Vahiné. Nous touchons du doigt la misère et ses conséquences en suivant cette famille qui n'est pas épargnée par la vie, une famille qui survit, qui espère un peu, une famille qui vacille entre ombre et lumière.
Nous tremblons pour chaque personnage.
Nous sommes attendri par ce lien entre Pina et son frère Pauro, ce lien fraternel qui les lie, qui les maintient en vie.
Nous sommes surpris par cette mère qui n'en n'est pas vraiment une et qui, au fil de sa vie, au fil des pages, des événements, trouvera sa rédemption et un regain de maternité, de douceur, d'acceptation.
Nous sommes horrifiés par ce père, par son comportement, sa folie, son obsession.

Ce livre vous prends aux tripes pour ne plus vous lâcher. Mots après mots, c'est une fresque oppressante empreinte d'un sentiment de malaise qui vous envahi, vous englobe. Pina, petite fille forte, courageuse, avec des pensées tantôt enfantines, tantôt adultes. Petite fille qui vous brise le coeur tout en l'illuminant par cette volonté farouche de résistance.
Une histoire de famille tragique, des personnages très bien construit, aux psychologies complexes et passionnantes, un univers posé et vibrant de sincérité.

Ce que j'ai apprécié, c'est que l'auteur nous offre une vision complète de la vie de Pina par des paragraphes consacrés à chaque membre de cette famille brisée, nous apportant ainsi les pensées intimes de chacun. Des pensées parfois horribles, honteuses. Un texte mené de main de maître par l'auteur, qui a réussi à imbriquer chaque élément, chaque personnage de son roman, nous offrant ainsi un suspens et une surprise totale.

La plume de Titaua Peu est incisive, crue, percutante, d'une poésie noire, si belle et si terrible à la fois.
Une plume qui vous procure pléthores d'émotions et de frissons, qui vous arrache des larmes de douleur et d'espoir, qui vous transperce le coeur par des mots si justes.
Une plume qui parle d'amour, malgré la violence des gestes, des mots : l'amour fraternel, l'amour filiale parfois, l'amour familiale, l'amour parental, l'amour en couple, l'amour homosexuel.

En bref, PINA c'est tout ça, avec un début, une fin, une construction de texte intelligente qui vous fait douter sur l'issue du roman, savoir si votre coeur va souffrir par la mort ou s'ouvrir à la vie. le choix pour l'auteur n'a pas du être simple à faire : faire vivre, faire mourir...la lumière ou la nuit.
Un texte prenant, addictif, où vous tremblez à chaque page, chaque parole, chaque acte en attendant ce destin qui forcément arrivera, quel qu'il soit.
Un texte puissant, réaliste, qui peut déranger. Un texte poignant qui rendra inévitablement sensible les coeurs de pierre. Un texte qui fait la lumière sur le côté obscur du paradis.
Addictif. Poignant. Intense. Coup de coeur et coup à l'âme.
Lien : http://mateiva.blogspot.fr/2..
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Indispensable. Nécessaire. Une écriture coup de poing pour un récit coup de poing. L'autrice nous dévoile ici un autre visage de Tahiti, met de côté les fantasmes des métropolitains et rappelle, avec un ton acerbe, la violence, la pauvreté, l'immobilisme. On ressent bien les relents de colonialisme, l'influence que ça a encore aujourd'hui. le livre se fini d'une traite, sans souffle, où désillusions et espoirs se mêlent, réalité et un brin de dystopie.
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Une cinquantaine de fautes d'orthographe (des fautes, pas des coquilles !) viennent polluer le récit. Dommage.
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sombre et lumineux, profondément humain
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