Il sent le dos de son père tout près du sien, perçoit le rythme de son souffle, ils se moque bien de sa ligne qui plonge dans la mer noire, il n'a que faire des thons sous la surface.
Ce qui le tient, Valente, c'est cet homme à côté de lui, ce père qu'il déteste faut de pouvoir l'aimer.
Ce père qui le fascine et l'obsède.
Ce père qu'il ne comprend pas ...
Car Salvi croit aux pouvoirs des morts, il pense que ce sont des invisibles et non des absents, que même après leur départ ils continuent de jouer un rôle.
recroquevillé derrière le rideau, je l'observais mettre et remettre le diamant sur le sillon. Il l'écoutait en boucle et se déhanchait, les yeux clos.
J'étais à la fois effrayé et fasciné, je découvrais là un homme que je ne connaissais pas.
C'est un attachement, mais avec des liens qui coupent.
Mon père ne m'a jamais donné de coups, pourtant, plus d'une fois, il m'a mis à terre.
J'entendais juste ta voix qui souriait et j'étais complètement perdu parce que j'avais jamais entendu une voix qui souriait.
Les yeux d'un père, ce qu'ils disent, infligent, cachent, ça construit un homme. Ce sont ses fondations, ses points d'ancrage. À partir de là, c'est tout qui s'échafaude, peu importe si les piliers sont bancals et vermoulus, il faut bien que l'enfant devienne homme. il grandit, en équilibre sur ses soubassements fissurés, et se réveille un jour au bord du gouffre, conscient que, de toute façon, il était voué à s'effondrer.
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Car Salvi croit au pouvoir des morts, il pense que ce sont des invisibles et non des absents, que même après leur départ ils continuent de jouer un rôle.
Valente court et se retrouve près de son fils, inconscient et blessé. Salvi s’est envolé mais il n’avait pas d’ailes. Valente est désemparé devant cet oiseau recroquevillé. Pas une trace de sang, pas une égratignure, pas un gémissement. Salvi est calme et immobile. Sans réaction. Ailleurs. Valente a peur. Il ne prend pas le temps de réfléchir, le recueille dans ses bras, la tête posée sur son épaule et il se relève. Il faut marcher, pas trop vite pour ne pas le brusquer, mais assez pour le sauver. Ses yeux clignent face aux bourrasques de sable et ses lèvres tremblent parce qu’elles voudraient que son fils lui parle.
Un père, ça ne se séduit pas, ça ne se courtise pas, ça n'a rien à voir avec le sexe, l'amour paternel ça se reçoit, gratuitement. Ou ça n'existe pas.