Rafa est coupable. D'avoir multiplié les mensonges, négligé les siens, de s'être contenté de la souffrance alors qu'il avait la force de la combattre, de s'être perdu en route, d'avoir eu honte de son nom.
Valente parle. Des secondes, des minutes entières, il parle comme il n'a jamais parlé de sa vie. Il parle à son fils
Il a quitté son île et puis... Et puis quoi, il est ici et il continue de faire semblant, à ne pas être lui, à chercher sans cesse un nouvel alibi pour ne pas être celui qu'il ne peut être
Je lis nuit et jour, je lis pour m’enfuir, m’évanouir, perdre la raison
Je pensais être parti plus longtemps. Je croyais m'être perdu dans quelque chose d'immense, d'irréversible, bien plus qu'un labyrinthe, un abîme. J'étais terrifié à l'idée de cette inexorable perte, de cette nouvelle vie, vide de tout ce qui avait été, de cette page que j'avais tourné sans me soucier des conséquences, de cette fuite, de ces années. Mais non.
Tout est là.
Je lis nuit et jour, je lis pour m'enfuir, m'évanouir, perdre la raison.
Il m'arrive de déchirer des pages, parce qu'elles me donnent la rage, d'en brûler certaines, avant qu'elles ne me brûlent, d'en manger d'autres, pour qu'elles me nourrissent.
… si Salvi est un fils incapable d'honorer la mémoire de son père, c'est parce que ce père a été incapable d'honorer l'existence de son fils.
Elle m'a fait l'amour une dernière fois, se moquant de nos rides, de nos poils blancs et de nos peaux flasques.
Elle est restée nue un moment sous le soleil de mai, puis elle s'est rhabillée et s'est mise à marcher.
Je l'ai regardée partir…… et je me suis jeté dans la mer, dépouillé.
J'aurais dû mais je ne l'ai pas fait, comme tant d'autres choses encore. "J'aurais dû", ma nouvelle rengaine pour pallier les déchirures de l'existence.
J'aurais dû car le reste du temps, il était si loin, si_ aigre, si sauvage.
Ses mots comme des balles m'ont transpercé de toutes parts, il n'a rien lâché, m'a fusillé, puni, terrassé.
Il était nu et bancal, aussi chétif que d'habitude, et il m'a achevé, un vrai molosse.
J'étais un ours de paille piétiné.
Ses attaques étaient fondées, sa colère légitime, et ma souffrance d'autant plus grande.
Je n'avais que ce que je méritais.
Je suis Rafa Orozco et je suis égoïste.
J'ai soixante dix sept ans et je regarde mon fils mourir.
Il n'a jamais rien su de moi, et moi je ne sais rien de lui.