En introduction :
Au petit matin du 11 février 1963, dans le quartier résidentiel de Primrose Hill, Londres, enter les murs d’un appartement situé au premier étage d’une maison, une jeune femme de trente ans, fraîchement séparée de son mari, le poète Ted Hugues, rongée par la solitude, la maladie et le désespoir, se suicide, intoxiquée au gaz, en mettant sa tête dans le four. A l’étage, ses deux jeunes enfants, âgés de un et trois ans, dorment. Ils seront sauvés quelques heures plus tard par une infirmière, dont le passage avait été planifié.
C’est ainsi qu’a eu lieu la fin tragique et prématurée d’une poétesse vibrante de sensibilité, d’humour, d’intelligence et de rage : Sylvia Plath.
Ça, c’est la réalité.
Je te vois quand tu te mens et quand tu te punis, tu sais. Toi aussi, tu convoques la fiction comme une excuse. Tu ensevelis ce qui te terrifie sous des blagues et des aphorismes élégants. Mais je sais que c'est de la fuite. Tu crois que feindre la confiance, c'est performatif ? Ou qu'il suffit de réfléchir très fort, avec de jolis mots et de grandes pensées ? De sauver les autres pour cacher qu'on ne sait pas comment se sauver soi ? Toi aussi, tu dois pardonner et te faire confiance.
- Tu sais qu'en turc, on ne dit pas "mes besoins sont aussi importants que les tiens", mais "senin canin can da benimki patlicen mi ?"
Ted s'immobilise, interloqué.
- Ça veut dire quoi ?
- "Ta vie est une vie, mais la mienne est-elle une aubergine ?"
Après tout, à quoi sert la littérature si ce n'est pas à commettre cet acte irrationnel : inventer des réalités alternatives à partir de la matière du monde, donner un voix à celles et ceux qui n'en ont pas, déposer des pansements de mots sur les injustices, habiller d'un corps les fantômes, projeter les souvenirs en Technicolor, déclamer notre amour à celles et ceux qui ne peuvent plus nous entendre.
Ce qui a changé sans doute, cet infime basculement, c'est que le vide de la mort ne semble plus davantage séduisant que celui de la vie. La balance s'équilibre. Alors autant continuer à vivre.
Elle n’a plus rien à penser. Elle peut juste être une enfant, se blottir sous les couvertures comme dans le ventre maternel, stopper ce cerveau qui pense à toute allure, qui hurle, qui pleure, d'angoisse puis d’exaltation, de joie puis de désespoir.
Ce qui est le plus difficile à accepter, c'est qu'après une tentative de suicide, vivre signifie avoir raté
Son génie, ce sera d'être vivante.