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Une biographie de Sylvia Plath, la célèbre poétesse au destin tragique, qui mit fin à ses jours en 1963, le projet est attractif. Se plonger dans les pensées de la jeune femme pour tenter de comprendre son mal-être, de l'inscrire dans un contexte social particulier, ces années où émergeaient à peine les prémisses du féminisme a tout pour plaire. L'ambition des filles restait encore le mariage et la tenue d'un ménage, au détriment de toute velléité de carrière.

En l'absence de repères biographiques solides, puisque le récit est une fiction, l'autrice nous convie aux échanges de la jeune femme, rescapée d'une tentative de suicide, séparée de son mari et mère de deux enfants en bas âge. Elle confie ses émotions à ses amis al et Greta. Ses séances sur le divan sont aussi rapportées.

Tout cela est fort intéressant pour replacer le destin de la poétesse dans son époque. On assiste au début de la carrière d'un groupe de jeunes chanteurs alors inconnus, les Beatles, on frémit à l'évocation des thérapies très expérimentales dans le domaine de la psychiatrie (convulsivothérapie, choc hypoglycémique …)

Portée par le flux de l'écriture très douce et empathique, qui m'a entrainée en me faisant oublier de ce qui s'était vraiment passé, j'ai été extrêmement déçue en réalisant dans les dernières pages du livre que cette biographie était imaginaire et me proposait ce qu'aurait pu être la vie de la jeune femme si elle ne s'était pas suicidée en 1963 ! Tous les propos recueillis s'écroulent comme une château de cartes.
Je sors de cette lecture en ayant l'impression d'avoir été bernée, même si la préface prévient qu'il s'agit d'une "réalité alternative".

Je comprends le projet, et après tout, je pourrais me laisser séduire par le même procédé pour ré-inventer la vie d'une célébrité dont je regrette la disparition. Mais lorsque l'on aborde avec des connaissances très limitées un texte comme celui-ci, le but n'est pas atteint.

Il me reste donc à trouver une biographie plus conforme à la réalité pour tenter d'aborder le mystère de Sylvia Plath.

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« Je suis habitée par un cri.
Chaque nuit il sort, les ailes battantes,
À la recherche, avec ses crochets, de quelque chose à aimer.
Je suis terrifiée par cette chose noire qui dort en moi ... »

Pourquoi mourir ? Pourquoi pas la vie ?
Au petit matin du 11 février 1963, dans l'appartement d'un quartier résidentiel de Londres, l'une des plus grandes figures féminines de la poésie du XXème siècle, âgée de trente-et-un ans, se donne la mort. Elle s'appelait Sylvia Plath.
Et si...
Et si son petit garçon Nicholas âgé de treize mois avait pleuré à chaudes larmes ce matin-là de l'autre côté de l'appartement, à tel point qu'elle aurait peut-être hésité, renoncé à accomplir son geste fatal... Une fois ouvert le gaz du four de la cuisine, ne pas y enfouir sa tête, renoncer, dire non à la mort, dire oui à la vie, à cet enfant qui pleure, qui l'appelle à l'autre bout de l'appartement. Tout éteindre, courir dans le couloir, ouvrir la porte de la chambre, prendre son enfant dans les bras, l'étreindre, regarder le ciel d'hiver à travers la fenêtre de la chambre, le ciel blanc, presque invisible, un ciel qui absorberait son regard ébahi, effacerait sa douleur, le vide en elle et le reste...
De ce destin tragique, une écrivaine nommée Coline Pierré, dont je découvre ici l'écriture sensible et d'une tenue magnifique, nous propose d'inverser le cours des choses, écrire une autre vie à Sylvia Plath, la prolonger peut-être encore un peu, une vie où elle aurait pu s'émanciper un peu plus loin, un peu plus haut sur la vague des sixties...
Sa mort n'a rien de romantique, elle est sordide. Tout a sans doute était dit sur ce geste désespéré qui n'était pas le premier... Ce qui était romantique était sa vie littéraire, sa vie commencée, là où elle dansait sur les pages qu'elle écrivait jusqu'à ce que son mari Ted Hughes lui demande de redescendre sur terre pour s'occuper des enfants.... Ce qui n'était pas romantique était la vie dans laquelle son mari cherchait à l'assigner...
Pourquoi pas la vie est une uchronie comme je les aime.
Le procédé ne manque pas de sel, ni d'inspiration. Il ne s'agit pas de lui inventer une vie possible qu'il serait vain d'imaginer. À quoi bon d'ailleurs ? Mais plutôt en faire un prétexte pour dire en creux ce qui a vraiment manqué à son existence pour l'enchanter à jamais.
Écrire, c'est aussi réinventer le réel, alors pourquoi pas réécrire non pas l'histoire, mais le désir, la liberté, le bonheur, l'écriture, réinventer le destin façonné par les mots poétiques de Sylvia Plath. Elle voulait tout, elle pouvait tout... Au petit matin du 11 février 1963, il en fut autrement... Coline Pierré, durant près de 400 pages lui offre la possibilité de s'emparer de ce rêve, lui donne la possibilité de vouloir tout, de pouvoir tout...
J'ai pris beaucoup de plaisir à lire le récit imaginé d'une poétesse dont j'admire autant l'oeuvre que l'engagement de liberté...
Ouvrant la première page de couverture aux couleurs culture pop, je suis entré dans les pas de Sylvia Plath que j'ai suivi dans la joie, le doute, la douleur, les atermoiements, les rebuffades, le monde des hommes qu'elle ne supporte pas, sa révolte, ses résignations...
On peut lire plusieurs chemins, plusieurs méandres, où l'on voit Sylvia Plath imaginée par Coline Pierré, si ce matin du 11 février 1963 avait pris une autre tournure...
C'est dans une Angleterre terriblement conservatrice qu'elle décide de quitter le monde, tandis que non loin de là, les Beatles s'apprêtent à le conquérir. Elle était pourtant en avance sur son temps, sur ses sixties encore balbutiantes...
Côté face, elle enchantait la poésie, le monde des arts et des lettres, était une icône féministe talentueuse, libre, brillante, inspirée. Côté pile, elle était reléguée dans l'ombre par un mari prédateur et infidèle, assignée aux tâches maternelles vers lesquelles son mari la renvoyait parce que c'est lui qui voulait briller dans le monde des lettres, c'est lui qui voulait séduire, c'est lui qui voulait exister. Il ne supportait plus que son épouse lui fasse de l'ombre...
Et si...
Et si elle n'avait pas épousé Ted Hughes, poète prometteur, homme d'une force et d'une séduction puissantes.
Et si...
Et si son père n'était pas mort à l'hôpital, et si elle avait pu le voir une dernière fois, assister à son enterrement...
Sylvia Plath aussi réinvente les morts, son père Otto, le ramenant au bord de la mer, au bord de l'enfance, dans les rivages de ses poèmes.
Tout comme Coline Pierré réinvente le temps, un temps que Sylvia Plath considérait comme une vague colossale, une marée qui déferlait sur elle, lui donnant l'impression de se noyer.
Et si...
Et si le coeur intime de cette poétesse amoureuse et abîmée par la vie, nous demeurait à jamais secret, dans l'impossibilité de nous délivrer ses impatiences et ses blessures...
Et si nous lisions Sylvia Plath, la relisions, à voix haute, devant l'océan, pour que ses mots entrent en nous dans l'écho d'un paysage autant intérieur que livré aux bourrasques du temps.

« This was the land's end : the last fingers, knuckled and rheumatic,
Cramped on nothing. Black
Admonitory cliffs, and the sea exploding
With no bottom, or anything on the other side of it,
Whitened by the faces of the drowned.
Now it is only gloomy, a dump of rocks –
Leftover soldiers from old, messy wars.
The sea cannons into their ear, but they don't budge.
Other rocks hide their grudges under the water. »

LU DANS LE CADRE DU PRIX CEZAM 2023
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L'Affaire Jane Eyre, l'Affaire du chien de Baskerville, j'ai un faible pour la littérature fiction. Celle qui explore les failles au sein même du mécanisme romanesque et envisage une alternative à ce que des auteurs renommés ont pu imaginer. Avec Pourquoi pas la vie, c'est encore autre chose. Il s'agit de renier la réalité historique.

Plutôt que de laisser Sylvia Plath se suicider au gaz en 1963, Coline Pierré joue les Deus ex machina et la sauve. Son roman explore les conséquences de cette heureuse intervention et invente la vie que cette poétesse américaine n'a pas pu avoir. Après un mariage raté avec un grand poète qui l'a trompée. Avec deux enfants de respectivement trois et un an. Dans l'hiver londonien glacé. Sans argent et sans beaucoup d'espoir. Les Beatles en fond musical.

Si le postulat est intéressant, il est risqué aussi : difficile de donner à Sylvia Plath une bibliographie imaginaire aussi pléthorique que géniale : ce serait discréditer celle qu'elle a produite de son vrai vivant. Difficile aussi de ne rien lui faire vivre de stimulant. C'est l'ennui assuré et le risque que le lecteur, cynique, referme le livre et regrette que notre héroïne ait été sauvée du néant pour si peu. Il faut donc que tout soit changé mais que rien ne bouleverse trop l'image que l'on a gardé du personnage.

C'est sur le terrain de l'intime que se joue essentiellement la recomposition virtuelle d'une existence méritant qu'on lui prête un prix. Se libérant peu à peu d'un carcan patriarcal en partie dû à un père aussi adoré qu'absent, en partie fruit des oppressantes et ménagères années 50 américaines, Sylvia va éprouver une féminité qui ne renie ni la maternité ni la prétention à penser et écrire en artiste.

La démarche s'inscrit dans la continuation des écrits De Beauvoir et des grandes féministes américaines. Ce qui a le mérite d'incarner, sur le mode romanesque, des considérations philosophiques tout à fait dans l'actualité éditoriale du moment (Camille Froideveau-Mettrie, Maggie Nelson, Judith Butler...).
J'ai trouvé toutefois que l'intention démonstratrice prenait un peu trop souvent le pas sur le romanesque et que l'auteur avait de la peine à s'affranchir de la vie réelle de Sylvia Plath telle qu'elle avait pu la reconstituer et la comprendre. Un personnage réel, aussi mort soit-il, comme source d'inspiration est effectivement plus encombrant qu'une fiction totale.
Ca tire donc un peu en longueur par endroits. Notre Sylvia passe un temps fou à discourir sur le fruit de ses introspections. L'oreille bienveillante et pleine de tendresse que lui prêtent tous les personnages l'environnant lasse un peu, outre qu'elle relève de la plus pure science fiction. C'est vrai, quoi : vous en avez traversé beaucoup, vous, des crises existentielles avec une jeune fille au pair admirative et compétente pour s'occuper de vos enfants, un meilleur ami complice, charmant et disponible, une psychanalyste pleine d'humour et de sagesse, une artiste qui vous propose un projet galvanisant, un ex plein de remords qui assume sa paternité et un éditeur subjugué qui vous signe un contrat mirobolant ? Finalement, le plus irréaliste dans ce roman n'est peut-être pas d'avoir permis à Sylvia de couper le gaz...
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La couverture est alléchante, très "flashy", très sixties.
En effet, il s'agit d'une fiction écrite sur la vie de Sylvia Plath, poète décédée en 1963, de son propre fait.
Sylvia était mariée à un poète et avait deux enfants très jeunes.
Coline Pierré écrit ce roman en imaginant la vie de cette jeune femme, si elle n'avait pas mis fin à ses jours.
Elle imagine son émancipation, son parcours de femme libre, se séparant de son mari infidèle et dominateur.
De nombreuses références musicales, littéraires, culturelles, étayent ce livre.
C'est écrit simplement, et l'histoire est parfaitement plausible et cohérente.
MAIS je n'ai pas adhéré à cette version des faits. Impossible pour moi de sortir de la réalité. A chaque page, elle me revenait en pleine face. Non, Sylvia n'a jamais vécu cela, et ne le vivra jamais, et cela m'a beaucoup gênée.
Dommage, mais je n'ai pas été convaincue.
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Quel plaisir de lecture ce premier roman pour adultes de Coline Pierré que j'ai lu dans le cadre du Prix des lecteurs de ma bibliothèque qui a sélectionné cinq livres d'auteurs peu connus à promouvoir. Cette année est un très bon cru mais je vais probablement mettre "Pourquoi pas la vie" en tête de mon vote.

Le titre montre que l'autrice a choisi de renverser le destin de Sylvia Plath, jeune poétesse américaine virtuose qui s'est suicidée à Londres en février 1963. Son geste est attribué aux trahisons répétées de son époux, le poète anglais Ted Hughes, ainsi qu'à l'oppression conjugale qui pèse sur les femmes de cette époque.

Le destin complexe de cette icône féministe, hantée par la douleur et la noirceur, va être modifié grâce à la fiction. Sauvée in extremis par les pleurs de sa petite fille de trois ans, elle va progressivement retrouver le goût de l'écriture et prendre ainsi sa revanche sur la vie.
Cette remontée des enfers elle le doit d'abord à sa force créative mais aussi aux proches qui l'accompagnent, la docteure Bergen sa psychiatre, Al Alvarez son âme soeur, ses enfants Frieda et Nick, Simone la baby-sitter française et Greta sa nouvelle amie qui va lui proposer d'adapter "La cloche de verre" son premier roman sur le suicide et la dépression, en comédie musicale. Dit comme ça, cela semble farfelu et pourtant, ça fonctionne parfaitement, j'ai marché à cent pour cent.

Cela donne un roman tendre, drôle, parfois dur et violent mais finalement optimiste.
J'ai donc passé un bon moment de lecture d'autant plus que Coline Pierré donne envie de lire de la poésie ou d'autres livres avec ses nombreuses références littéraires.


Challenge Entre-deux 2023
Challenge Plumes féminines 2023
Challenge Multi-défis 2023
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Sylvia Plath est une célébrissime poétesse américaine, première femme poète de l'histoire à recevoir (à titre posthume) le prix Pulitzer en poésie en 1982. Souffrant d'une grande fragilité psychique, Sylvia Path après avoir tenté de se suicider à l'âge de vingt ans a mis fin à ses jours en mars 1963 à Londres à trente-deux ans. "D'aussi loin qu'elle se souvienne, elle a toujours oscillé comme un pendule entre joie et désespoir, confiance inébranlable et pessimisme écrasant".

Dépressive et suicidaire elle avait été maintenue à flot par son mari, Ted Hughes, un célèbre poète jusqu'à ce qu'elle ait découvert qu'il entretenait une relation avec la femme d'un autre poète londonien. En mars 1963, Sylvia et Ted venaient de se séparer après sept années d'une vie commune fusionnelle tant sur le plan de l'amour que du travail. Submergée par la colère et la rancoeur, Sylvia ne parvenait plus à combattre ses démons et s'est suicidée au gaz la tête dans le four, après avoir calfeutré la porte de la chambre où dormaient ses deux jeunes enfants.

Et si les pleurs de sa petite fille de trois ans avaient interrompu la jeune femme dans son projet morbide et lui avaient ainsi sauvé la vie ? C'est l'hypothèse que développe Coline Pierré dans ce roman et c'est donc la vie de Sylvia Plath après mars 1963 qu'elle imagine. "Modifier un seul instant, un détail infime... avec une larme d'enfant, on fait entrer un doute, une hésitation; on courbe l'espace-temps, on crée un nouveau réel, et qui sait, peut-être bascule-t-on dans un univers parallèle."

En lui prêtant vie au-delà de la date de sa mort, Coline Pierré a choisi une approche originale pour nous raconter Sylvia Plath. Elle décrit avec précision et empathie le mal-être que Sylvia ressent depuis des années, sa lutte permanente pour ne pas sombrer, sa difficulté à échapper à l'ombre écrasante de son mari alors qu'elle éprouvait le désir de se confronter à lui intellectuellement, physiquement et émotionnellement. Elle montre comment l'écriture a aidé la jeune femme à exprimer ce qu'elle avait en elle et à tenter de répondre à la question qui l'a toujours obsédée " Comment vivre ? ". Des tourments que Sylvia a évoqués dans son roman "La cloche de verre".
Dans cette fiction Coline Pierré imagine la façon dont Sylvia va tenter de se reconstruire après sa tentative de suicide ratée. Elle imagine sa vie sans Ted, son alter égo, son mentor, son interlocuteur intellectuel, son allié dans la création. Elle nous livre ses interrogations sur son désir d'enfants, n'était-ce pas simplement un moyen de se raccrocher à un semblant de normalité, un mirage de posséder une famille, un rêve d'une vie parfaite ? Elle nous montre comment Sylvia s'interroge également sur l'écriture, qui n'a peut-être été pour elle qu'un refuge, et sur la prédominance supposée des hommes.
Elle décrit sa plongée à corps perdu dans le travail avec Greta, une metteure en scène qui lui propose d'adapter son roman en comédie musicale, ses recherches d'un éditeur pour son recueil de poèmes de colère et de désespoir, ses tentatives de reprendre l'écriture de son nouveau roman commencé un an plus tôt et largement inspiré de son histoire comme "La cloche de verre" tout en devant affronter la curiosité morbide des journalistes qui ont eu connaissance de sa tentative de suicide.
Elle retranscrit avec finesse les doutes de Sylvia, son manque de confiance en elle, sa fragilité qui m'ont beaucoup touchée mais aussi le réconfort qu'elle trouve auprès de ses amis Al, Greta et Simone qui lui ouvriront un chemin vers l'émancipation.
Très bien écrit et construit, ce roman brosse le portrait d'une femme empêchée dans le monde des hommes qui va s'émanciper et se libérer de la domination masculine dans le surplus de vie que l'auteure lui invente. Ce roman marque une belle entrée en littérature adulte pour cette auteure de littérature jeunesse.


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N°1701 – Décembre 2022

Pourquoi pas la vieColine Pierré - L'iconoclaste.

Sylvia Plath(1932-1963), poétesse et romancière américaine dépressive et mère de deux enfants se suicide en cet hiver anglais de 1963. Jusque là sa vie, une sorte de château de cartes dans un courant d'air, s'est déroulée dans le chaos et la dépression puis, après son mariage, dans l'ombre d'un mari célèbre, volage et également poète, Ted Hughes, qui lui a toujours volé la vedette et qui a fait prévaloir sa carrière littéraire sur celle de son épouse. Il y a des précédents célèbres où la vie commune et fusionnelle de deux artistes a conduit à des échecs retentissants et, se sentant trahie par l'adultère de son mari, elle choisit la mort par suicide.
A partir de ce fait Coline Pierré choisit de s'approprier cette histoire, de donner à cette femme un destin différent en interrompant sa marche vers la mort grâce à la fiction du roman et de lui donner l'occasion d'une revanche. Après tout et nonobstant l'aphorisme de Bossuet sur cette démarche où il voit un dérèglement de l'esprit, la littérature permet ce parcours dans l'irréel et on peut aisément être tenté de refaire le monde tant celui-ci est déprimant, absurde, injuste... Après la courte de vie de Sylvia (31 ans), évoquée dans un de ses romans a été torturée par la dépression et les soins qu'à l'époque on y réservait.

Nous ne sommes donc pas dans une biographie mais dans une authentique uchronie. Sylvia est donc sauvée in extremis et , grâce à ses amis (ies) différents d'elles, à ses jeunes enfants, elle divorce, reprend goût à la vie, à l'écriture, à l'indépendance face aux hommes dans une sorte de renaissance où elle abandonne le rôle traditionnel dévolu aux femmes à cette époque, bref, fait prévaloir la vie sur la mort. C'est elle qui décide d'aller mieux dans le tourbillon des Sixties, les débuts des Beatles et la culture Pop, de se détacher complètement de sa vie d'avant, de devenir écrivain(e) malgré toute les contingences et les doutes personnels que cela implique. Elle a été certes une poétesse précoce, son talent est reconnu, son suicide manqué lui a conféré une sorte d'aura, elle devient l'archétype du génie féminin engagé mais tout cela n'est pas suffisant pour lui faire oublier sa vie d'avant et les souvenirs l'assaillent.

La démarche de Coline Pierré se déroule à l'envers du traditionnel roman qui raconte au passé une histoire qui a déjà eu lieu. Elle est en cela originale et le style agréable de l'auteure réussit à nous faire oublier ce qui s'est vraiment passé pour Sylvia et on en vient à imaginer qu'elle aurait pu avoir la vie qu'elle lui prête avec ses évolutions et ses sentiments. Pourquoi pas après tout ! Eh bien moi, n'en déplaise à Bossuet, j'ai choisi de l'accompagner dans cette nouvelle vie, de l'imaginer publiant avec succès ses oeuvres inédites, avec une vie créatrice trépidante, des amis, des amants, en cheminant doucement vers la mort, entourée des siens. Je l'imagine surtout vivant et affirmant son engagement féministe et créatif face aux hommes.
Je remarque que, sans connaître le milieu littéraire anglo-américain de l'époque, la poésie semble y avoir eu plus de crédit qu'en France où elle n'est acceptée (parfois) que dans la chanson. La véritable Sylvia Path a connu une certaine notoriété littéraire mais a surtout obtenu le prestigieux prix Pulitzer dans la catégorie poésie, en 1982, soit 19 ans après sa mort et ce grâce en partie à son ex-mari qui, sans doute culpabilisé par le suicide de son ex-épouse, favorisa l'édition partielle de ses oeuvres.

J'ai lu ce roman dans le cadre de ma participation à un jury. Je ne connaissais pas l'oeuvre de Sylvia Plath mais, après avoir refermé ce livre j'ai eu envie d'en savoir davantage sur cette auteure dont je reparlerai sans doute dans cette chronique.
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Et si Sylvia Plath, héroïne tragique des luttes féministes, avait échoué à se donner la mort en mettant la tête dans son four ? Et si elle s'était relevée de cet épisode dépressif, si elle avait donné corps à son envie d'écrire une comédie musicale, si elle avait reconstruit sa vie ? C'est ce que nous propose d'imaginer Coline Pierré avec ce livre résolument optimiste, libérateur et positif, bien qu'il commence sur une tentative de suicide. Entourée de femmes aux idées bien arrêtées, portée par l'amour de ses enfants et son élan artistique, soutenue par l'amitié d'Al, Sylvia Plath se relève, avance, détruit un à un les obstacles qui l'empêchaient de s'épanouir en tant que femme, poétesse et mère – et nous offre au passage une saré leçon de vie.

Sylvia Plath, c'est l'illustration même des carcans qui ont pesé, et pèsent parfois encore, sur les femmes en quête d'indépendance, de liberté et d'affirmation de soi. Mariée à un homme omniprésent, mère de famille par convention, Sylvia vit dans l'ombre de ceux auxquels elle a sacrifié sa vie – et sa fin tragique n'est que la suite logique de cette existence empêchée, contrainte, réduite à l'insuffisance de soi. Quelle bouffée d'air alors quand un autre dénouement nous est proposé ! Coline Pierré ne cherche pas à minimiser l'état dépressif de Sylvia, ni à le sublimer en lui attribuant les miracles de la création artistiques. Elle est juste, honnête et transparente, tout en nous montrant que la dépression de son personnage n'est pas une fatalité, et que Sylvia peut, en se donnant du temps, remonter la pente.

C'est finalement un formidable roman de résilience, que nous offre ici Coline Pierré. Elle nous montre la puissance des femmes, leur capacité à se réparer elles-mêmes et les autres, à rebondir même après sept ans de mariage et deux enfants, à créer dans une grande diversité de genres, à être pleinement elles-mêmes, avec toute la complexité qu'elles portent en elles. C'est un livre qui fait aimer la vie, qui donne envie d'avancer, de se battre pour ce qu'on est et ce qu'on aime – le genre de lecture qu'il faut toujours garder près de soi. Merci Coline Pierré pour ce texte qui, moi aussi, m'a aidée à envisager un autre avenir.
Lien : https://theunamedbookshelf.c..
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UN RÉCIT SI VIVANT ! 🥳

1963, dans un quartier résidentiel de Londres. Une jeune femme de trente ans, rongée par la solitude et le désespoir se suicide, intoxiquée au gaz, en mettant sa tête dans le four. À l'étage, ses enfants âgés de un et trois ans dorment. Ils seront sauvés par une infirmière dont le passage avait été planifié.
C'est ainsi qu'à eu lieu la fin tragique de Sylvia Plath, une poétesse vibrante de sensibilité.

Dans ce roman lumineux, Coline Pierré décide de rejouer le réel, de donner une seconde chance à celle qui n'en a pas eu, de rhabiller les fantômes et réparer les injustices.
Et si les pleurs de sa fille avaient sauvé Sylvia? L'avaient empêchée de commettre l'irréparable?
Et si la vie avait gagné la bataille?

"Ce qui a changé sans doute, cet infime basculement, c'est que le vide de la mort ne semble plus davantage séduisant que celui de la vie."

Quelle originale façon de raconter Sylvia ! J'ai très vite été embarquée par la plume de l'autrice. Avec sensibilité et profondeur, elle retranscrit à merveille les états d'âme de l'héroïne, sa fragilité et sa progressive reconstruction.

Oublier les petites voix, pétries de doute, qui paralysent. S'entourer de mille et une vies pour ne pas craindre le noir. Fuir le silence qui rime bien trop souvent avec solitude... Réapprendre la joie. Savourer le goût du bonheur.

Un roman qui fait du bien, une vraie bouffée d'optimisme qui m'a réchauffé le coeur.
"Vas-y confiante, aie l'air sûre de toi. Si tu doutes, imagine-toi en homme et demande-toi quels choix il ferait."

Bref, j'ai passé un excellent moment et je recommande vivement ! 🥰

Vous connaissiez Sylvia Plath? (Moi non et ça ne m'a pas empêchée de savourer ce roman ! 😇)
Alors tenté.e.s?
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Là où d'aucuns jouent avec la réalité historique à des fins souvent pessimistes (que ce serait-il passé si l'Allemagne nazie avait gagné la guerre, par exemple) , Coline Pierré prend l'exact contrepoint et imagine que la poétesse américaine Sylvia Plath (qui s'est suicidée au gaz) a échappé à la mort.
La jeune femme va donc devoir composer avec un mari , Ted Hughes poète reconnu, mais père et mari plus que défaillant, son rôle de mère et sa volonté de création. le tout dans le swinging London, où les Beatles colonisent les ondes.
Avec beaucoup de nuances, sans jamais stigmatiser ni idéaliser, l'autrice évoque les problématiques qui restent contemporaines pour les femmes créatrices et propose ici le récit d'une émancipation progressive par le biais de  femmes atypiques qui aideront Sylvia à se dégager de ses conditionnements et de sa dépression. Un roman qui réchauffe le coeur et aiguise la réflexion.

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