Citations sur Folie, aller simple : Journée ordinaire d'une infirmière (4)
Tout au long de ces années passées dans les hôpitaux psychiatrique, je n'ai cessé d'apprendre...
J'ai appris la patience et l'humilité, la rigueur et l'observation, la compassion et l'écoute silencieuse.
J'ai appris à survivre dans ces espaces de fragilité absolue.
J'ai appris à retenir, à précipiter, fragmenter le temps.
J'ai appris à modifier la couleur des atmosphères.
J'ai appris à tourner les pleurs en rires, les silences en bouquets de paroles, les cris en murmures chatoyants.
J'ai appris à pacifier des Titans, à amadouer des reines acariâtres, à apprivoiser de bien tristes sires.
J'ai appris à prendre des coups, à recevoir des jurons de toute facture, à supporter la folie ordinaire, son cortège de désagréments.
J'ai appris sur le tas, les défaites, les pertes, les deuils, les ruptures, les renoncements.
Face au cataclysme quotidien, j'ai appris à sourire de mes petits dérangements.
Chaque journée d'une infirmière en psychiatrie est le contenu d'une pochette-surprise. Nul ne sait de quoi elle sera faite. On s'attend toujours à quelque chose: au pire comme au meilleur, à l'extraordinaire, au stupéfiant, au spectaculaire, à l'incroyable.
(...)
Car, ici, le temps se solidifie ou se désagrège sans prévision.
Ici, les heures s'épuisent en doutes et s'interrogent.
Ici, midi est un coup de tonnerre, une chanson d'amour, l'heure de la pendaison.
Ici, le repos est un trou noir, une béance qui coasse, le rire soyeux d'une femme indienne.
Ici, la nuit est une bacchanale, une brèche dans le néant, le baiser de la mort.
Ici, l'attente est une pierre dure dans la gorge, un piétinement incessant, un cheval sauvage lancé au galop dans la tête.
Ici, le silence est une menace, une mise en garde, le calme avant la tempête.