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Citations sur Tête-dure (6)

Marcel et Tête-Dure s’amusent comme ils peuvent.
D’abord, ils jouent à se battre, à se foutre des gnons, à se coller des poings dans la gueule...
Puis ils ont joué aux Indiens et aux cow-boys, aux voleurs, aux gendarmes, aux pompiers...
Et à tout ça, Tête -Dure a toujours eu le dessous.
Il ne lutte pas, ne se rebiffe pas.
Il ne veut pas gagner.
Pour ne pas contrarier Marcel.
Aussi parce qu’il n’arrive pas à imaginer qu’il sorte vainqueur de quoi que ce soit.
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Tête-Dure sait que le pire va survenir. L’Indien est d’ores et déjà condamné. C’est sûr, comme eux et deux font quatre. Le destin est en marche. Inutile d’espérer échapper à son destin. (…) Tête-Dure attend l’inattendu. Il pense à contrecarrer le destin. Il pense à changer le cours de l’action, mais il sent confusément que ce n’est pas bien, qu’il faut laisser le ruisseau couler dans son sens naturel. Alors, il pose l’Indien sur le sol et, d’un doigt assuré, il le pousse vers l’ombre de la chaise. Y a pas de vautours dans les environs. Y en a jamais eu. Un pigeon, peut-être. Ou un canari. Ou un moineau. Un de ceux qui sautillent sur le trottoir, de pavé en pavé, entre les feuilles mortes. Un cloc sourd retentit. L’Indien n’a pas le temps de réagir qu’un autre coup de feu, pan ! claque, suivi d’un autre, et d’un autre encore. Puis le silence, plus épais que tout à l’heure, retombe comme une couverture de laine. Il pourrait remplir une bouche, ce silence, tant il est épais et solide. Tête-Dure soupire. Il aurait pu changer le cours des choses, mais il ne l’a pas fait. Il attrape le soldat (qui est dissimulé derrière un pied de la chaise), le lève à hauteur de ses yeux et l’examine avec une moue de mépris.

Pourquoi faut-il que le soldat gagne à chaque fois ? Pourquoi faut-il toujours que ce soit ce soldat si propre, si sûr de lui, si arrogant, qui sorte vainqueur. Tête-Dure le déteste. Alors, saisi d’une rage brutale, il jette au loin le soldat, qui rebondit sur le revêtement avec de petits clic-clic-clic qui se mêlent à un autre clic – celui du bouton de la radio, suivi presque aussitôt d’une voix tonitruante surprise au milieu d’une phrase.
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PAPA a enfilé sa veste en cuir, puis il a refermé bruyamment la porte sur le champ de bataille. Son pas a tiqueté dans l’escalier.

Maman n’a pas bougé ; elle est encore affalée sur le balatum (elle ne pleure plus) et elle crache un mot, comme un bout de tendon : – Salaud…, d’une voix qui va s’affaiblissant.

Tête-Dure est immobile comme un caillou. Il est aussi comme un insecte qui attend le soleil. Il est comme un jouet en bois. Il est comme une goutte de cire froide sur la nappe en tissu. Il ne bouge pas. Il ne peut pas bouger. La lumière du jour glisse doucement sur le sol, sans heurt, irréelle et nette. Il s’entend respirer et son coeur est une bouchée de silence.

Mais Maman le rappelle d’un reniflement à la réalité. Il ne rêve pas. Le regard de Maman est une aiguille de haine dirigée vers l’intérieur de sa tête, puis vers lui, mais cela il l’imagine. Il comprend qu’elle ne le voit pas. Il a gardé le camion serré sur sa poitrine ; ses mains transpirent sur le métal et le coin du pare-chocs lui fait mal.

Maman rabat sa jupe sur ses cuisses et, avec des gestes cassés, elle se remet debout.

On voit qu’elle ne veut plus pleurer, ni maudire, ni se lamenter.

Elle évite de regarder en direction de Tête-Dure, qui sent le nœud de sa gorge descendre lentement jusqu’à l’aine. Puis s’effiler, puis se dissoudre.

Puisant au robinet près de la fenêtre de la rue, Maman se passe de l’eau froide sur les paupières et sur le front, et un peu sur les joues. Il lui faut un temps fou pour faire ça. Elle a l’air vieille soudain, courbée sur l’évier en grosse faïence ; elle souffle en animal fatigué.
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Il sait que certaines choses sont à garder pour soi.
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Tête-Dure se frotte les yeux. Il s’ennuie un peu. Il regarde les pieds de Papa. Papa porte de fines chaussures noires, luisantes comme deux morceaux de glace. Papa est délicat des pieds ; il souffre de toutes sortes d’excroissances cornées et il passe un temps fou, le soir, à les soigner. Il dit qu’il a des oignons, des yeux-de-perdrix, ou d’autres choses avec des noms bizarres. À l’aide de petits ciseaux pointus, il taille dans tout ça et il gémit quand il va trop profond dans la chair, et pour amoindrir la douleur, il aspire une grosse goulée d’air, puis il jure, il maudit la Sainte Vierge et tous les saints. Il leur promet les feux de l’Enfer et une vie dissolue.

Il s’emporte, gueule qu’on ne vend que des chaussures d’une qualité de merde. Il hurle qu’il souffre le martyre, que tous les marchands de chaussures sont des escrocs capitalistes à la solde des Juifs. C’est pour cette raison qu’il fuit leurs boutiques lumineuses et feutrées pour parcourir sous un ciel gris les marchés à la recherche des chaussures qui apporteront enfin un peu de réconfort à ses pieds malmenés. Jamais il n’a trouvé cette paire de chaussures salvatrices, mais il ne perd pas l’espoir de mettre la main dessus. Et quand il ne parle pas des douleurs causées par les chaussures, il parle des Dégâts du Monde, des Forces Souterraines qui dominent le Monde, des Puissances Occultes qui travaillent à la destruction de ce qui constitue son Monde à lui. – Ces salauds d’Américains ! Ces saloperies de Capitalistes !

Ces Juifs ! Ils vont nous tuer ! Kennedy va déclarer la guerre et c’est encore « les Innocents » qui vont payer ! Tas de saloperies ! »

Papa a une voix qui résonne et qui fait mal aux oreilles quand la colère le prend, une voix rocailleuse, une voix qui exagère parfois les sifflantes, qui chuinte. Une voix que Tête-Dure reconnaîtrait sans hésiter même au milieu d’une foule qui jacasse, simplement parce que Papa farcit son français de mots italiens dont les accents toniques sont comme des ponctuations dans la monotonie du français.
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Un homme libre s’habille correctement quand il laisse son travail.
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