Citations sur Gorgias (76)
Le discours est un tyran très puissant; la parole peut faire cesser la peur, dissiper le chagrin, exciter la joie, accroître la pitié.
SOCRATE
C’est bien aimable à toi, Calliclès. Mais consentira-t-il à causer avec nous ? Je voudrais savoir de lui quelle est la vertu de son art et en quoi consiste ce qu’il professe et enseigne. Pour le reste, il pourra, comme tu dis, nous donner une séance en une autre occasion.
CALLICLÈS
Il n’y a rien de tel, Socrate, que de l’interroger lui-même. C’était justement un des points de son exposition ; car il invitait tout à l’heure ceux qui étaient céans à lui poser toutes les questions qu’il leur plaisait et il s’engageait à répondre à toutes.
Socrate : Tu as toi même Gorgias, des discussions une abondante expérience, je crois, et tu as dû y observer quelque chose de ce genre : c'est que, aux interlocuteurs, il n'est pas facile d'être capables, après avoir déterminé les uns avec les autres la question sur laquelle ils ont entrepris de s'entretenir, de clôturer ensuite la séance, dans des conditions telles qu'ils aient, à l'égard d'eux-mêmes, donné aussi bien que reçu un enseignement; tout au contraire, quand ils sont en contestation et que l'un d'eux affirme que l'autre pense de travers ou nie qu'il s'exprime clairement, ils s'en fâchent et s'imaginent que c'est l'envie qui fait parler leur interlocuteur : gens désireux d'avoir le dessus, mais non pas d'enquêter sur la question qui a été proposée, pour la discussion; il y en a même qui finissent par se quitter de la façon la plus laide, proférant et entendant proférer, sur le compte les uns des autres, des outrages d'une telle espèce que les assistants eux-mêmes souffrent, pour leur propre compte, d'avoir cru bon de se faire les auditeurs de pareilles gens !
(De la construction collective de la pensée philosophique, trad. Émile Chambry, in Protagoras et autres..., GF 1967, p. 259)
Tu veux donc que, suivant le mot d'Epicharme, je suffise à moi seul à dire ce que deux hommes disaient auparavant ? […] Je pense, moi, que nous devons tous rivaliser d'ardeur pour découvrir ce qu'il y a de vrai et ce qu'il y a de faux dans la question que nous traitons ; car nous avons tous à gagner à faire la lumière sur ce point.
(À propos de la rhétorique, in Protagoras et autres dialogues, GF 1967, p. 180)
- Cependant ceux qui croient sont persuadés aussi bien que ceux qui savent.
- C'est vrai.
- Alors veux-tu que nous admettions deux sortes de persuasion, l'une qui produit la croyance sans la science, et l'autre qui produit la science ?
- Parfaitement. […]
- La rhétorique est donc, à ce qu'il paraît, l'ouvrière de la persuasion qui fait croire, non de celle qui fait savoir relativement au juste et à l'injuste ?
- Oui.
- A ce compte, l'orateur n'est pas propre à instruire les tribunaux et les autres assemblées sur le juste et l'injuste, il ne peut leur donner que la croyance.
Et moi, je pense, Polos, que l'homme qui commet une injustice et qui porte l'injustice dans son cœur est malheureux en tous les cas, et qu'il est plus malheureux encore s'il n'est pas puni et châtié de son injustice, mais qu'il l'est moins, s'il la paye et s'il est puni par les dieux et par les hommes.
(in Protagoras et autres dialogues, p. 206)
Mieux vaudrait me trouver en désaccord ou en opposition avec tout le monde, que de l'être avec moi-même étant un et me contredire.
La rhétorique elle-même n’est pas mieux traitée que les orateurs ; elle est ravalée au niveau de la cuisine, et ne sert, dit-il, qu’à flatter les passions populaires. Il faut bien reconnaître que beaucoup d’orateurs en abusent pour gagner par la flatterie la faveur du peuple ; mais, comme le dit Gorgias, la rhétorique n’est pas responsable des abus qu’on en peut faire. Les abus se glissent dans tous les arts : ce n’est pas une raison de répudier les arts eux-mêmes.
Une autre preuve que l’agréable et le bon ne sont pas la même chose, c’est que le méchant jouit ou souffre des mêmes objets autant que le bon. Ainsi le lâche, à l’approche ou à la retraite de l’ennemi, ressent autant, peut-être même plus, d’anxiété ou de joie que le brave. Si l’agréable et le bon étaient identiques, le méchant serait aussi bon, parfois même meilleur que l’homme sage et tempérant.
Socrate._ Par conséquent, c'est le plus grand mal qu'il connaîtra avec une âme souillée et corrompue à force d'imiter son maître et d'avoir du pouvoir.