Sur le bavardage (suivi de) Des affections de l'âme et du corps, lesquelles sont les plus graves ?

Il est délicat et difficile pour la philosophie d'entreprendre de soigner le bavardage. Car son remède, la parole, est fait pour ceux qui écoutent, et les bavards n'écoutent personne, comme ils sont toujours en train de parler. Voici le premier mal contenu dans l'incapacité à se taire : l'incapacité à écouter. (page 19)

Si ce que l'on dit n'est ni profitable à celui qui le dit, ni nécessaire à celui qui l'entend et que c'est dénué de saveur et de charme, pourquoi le dire ?

Les navires pris par les vents sont retenus à l'aide de câbles et d'ancres qui réduisent sa vitesse ; mais pour la parole qui s'est pour ainsi dire échappée du port, il n'y a ni mouillage ni ancrage, et emportée avec grand bruit et retentissement, elle va se briser et plonger celui qui l'a prononcée dans un grand et terrible danger.

Ces gens-là (les bavards) par contre usent les oreilles par leurs redites, comme s'ils barbouillaient des palimpsestes.

un discours qui se jette sur un homme bavard produit un surcroît de mensonges en grand nombre, par lequel la confiance est gâtée.

Les tempêtes de l'âme sont elles plus graves, qui empêchent l'homme de revenir à soi et d'arrêter sa pensée en désordre : sans pilote et sans lest, il tombe tête baissée dans la confusion et l'égarement, sombre dans un terrible naufrage et met sa propre vie en pièces.