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Citations sur Pièces (26)

La parole étouffée sous les roses

C'est trop déjà qu'une rose, comme plusieurs assiettes devant le même convive superposées.
C'est trop d'appeler une fille Rose, car c'est la vouloir toujours nue ou en robe de bal, quand, parfumée par plusieurs danses, radieuse, émue, humide elle rougit, perlante, les joues en feu sous les lustres de cristal ; colorée comme une biscotte à jamais dorée par le four.

...
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Pas d'autre mot qui sonne comme cruche.Grâce à ce U qui s'ouvre en son milieu, cruche est plus creux que creux et l'est à sa façon. C'est un creux entouré d'une terre fragile: rugueuse et fêlable à merci.
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PLAT DE POISSONS FRITS

Goût, vue, ouïe, odorat… c'est instantané :
Lorsque le poisson de mer cuit à l'huile s'entrouvre, un jour de soleil sur la nappe, et que les grandes épées qu'il comporte sont prêtes à jonchées le sol, que la peau se détache comme la pellicule impressionnable parfois de la plaque exagérément révélée (mais tout ici est beaucoup plus savoureux), ou (comment pourrions-nous dire encore?)… Non, c'est trop bon! Ca fait comme une boulette élastique, un caramel de peau de poisson bien grillée au fond de la poêle…

Goût, vue, ouïe, odaurade : cet instant safrané…
C'est alors, au moment qu'on s'apprête à déguster les filets encore vierges, oui! Sète alors que la haute fenêtre s'ouvre, que la voilure claque et que le pont du petit navire penche vertigineusement sur les flots, tandis qu'un petit phare de vin doré - qui se tient bien vertical sur la nappe - luit à notre portée.
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Tantôt tapie d'aguet aux chambranles des portes des sous-marins séjours, à peu près immobile comme un lustre, - par bonds vifs, saccadés, successifs, rétrogrades suivis de lents retours, elle échappe à la ruée en ligne droite des gueules dévoratrices, ainsi qu'à toute contemplation un peu longue, à toute possession idéale un peu satisfaisante.
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"L'appareil du téléphone"

Lorsqu’un petit rocher, lourd et noir, portant son homard en anicroche, s’établit dans une maison, celle-ci doit subir l’invasion d’un rire aux accès argentins, impérieux et mornes. Sans doute est-ce celui de la mignonne sirène dont les deux seins sont en même temps apparus dans un coin sombre du corridor, et qui produit son appel par la vibration entre les deux d’une petite cerise de nickel, y pendante.

Aussitôt, le homard frémit sur son socle. Il faut qu’on le décroche : il a quelque chose à dire, ou veut être rassuré par votre voix.
D’autres fois, la provocation vient de vous-même. Quand vous y tente le contraste sensuellement agréable entre la légèreté du combiné et la lourdeur du socle. Quel charme alors d’entendre, aussitôt la crustace détachée, le bourdonnement gai qui vous annonce prêtes au quelconque caprice de votre oreille les innombrables nervures électriques de toutes les villes du monde !

Il faut agir le cadran mobile, puis attendre, après avoir pris acte de la sonnerie impérieuse qui perfore votre patient, le fameux déclic qui vous délivre sa plainte, transformée aussitôt en cordiales ou cérémonieuses politesses… Mais ici finit le prodige et commence une banale comédie.
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LA CRUCHE.
Pas d'autre mot qui sonne comme cruche. Grâce à cet U qui s'ouvre en son milieu, cruche est plus creux que creux et l'est à sa façon. C'est un creux entouré d'une terre fragile : rugueuse et fêlable à merci.

p. 94
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LE SOLEIL TOUPIE A FOUETTER (II)


[…]
Approchez-vous d'une étoile et vous voilà au Soleil.
Ne vous en approchez donc que si vous avez l'âme (et
le corps) assez humide, que si vous disposez d'une
certaine provision de larmes, si vous pouvez supporter
une certaine déshydratation (momentanée) : cela vous
sera revalu. En pluie apaisante.

Dépression et tempêtes : tout un théâtre de sentiments.
Enfin vient l'ondée apaisante : c'est le répit,
ce sont les vacances du bourreau.

La vie commune avec une étoile… Nous nous réveillons
chaque matin avec la même étoile dans notre lit.
L'été, elle va et vient dans la maison avant notre réveil.
Telle est notre aventure, assez fastidieuse.

p.152-153

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14 JUILLET


Tout un peuple accourut écrire cette journée
sur l’album de l’histoire, sur le ciel de Paris.
D’abord c’est une pique, puis un drapeau tendu
par le vent de l’assaut (d’aucuns y voient une baïonnette),
puis — parmi d’autres piques, deux fléaux,
un râteau — sur les rayures verticales du pantalon
des sans-culottes un bonnet en signe de joie jeté en
l’air.
Tout un peuple au matin le soleil dans le dos. Et
quelque chose en l’air à cela qui préside, quelque chose
de neuf, d’un peu vain, de candide : c’est l’odeur du
bois blanc du faubourg Saint-Antoine, — et ce J a
d’ailleurs la forme du rabot.
Le tout penche en avant dans l’écriture anglaise,
mais à le prononcer ça commence comme Justice
et finit comme ça y est, et ce ne sont pas au bout de
leurs piques les têtes renfrognées de Launay et de
Flesselles qui, à cette futaie de hautes lettres, à ce
frémissant bois de peupliers à jamais remplaçant
dans la mémoire des hommes les tours massives d’une
prison, ôteront leur aspect joyeux.

p.45
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LA POMPE LYRIQUE


Lorsque les voitures de l’assainissement public sont
arrivées nuitamment dans une rue, quoi de plus poétique !
Comme c’est bouleversant ! À souhait ! On ne
sait plus comment se tenir. Impossible de dissimuler
son émotion.
Et si l’on se trouve avec quelque ami, ou fiancée,
l’on voudrait rentrer sous terre.
C’est une honte comparable seulement à celle de
l’enfant dont on découvre les poésies.
Mais par soi-même comme c’est beau ! Ces lourds
chevaux, ces lourdes voitures qui font trembler le
quartier comme une sorte d’artillerie, ces gros tuyaux,
et ce bruit profond, et cette odeur qui inspirait Berlioz,
ce travail intense et quelques peu précipité — et ces
aspirations confuses — et ce que l’on imagine à l’intérieur
des pompes et des cuves, ô défaillance !

p.58
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ÉCLAIRCIE EN HIVER


Le bleu renaît du gris, comme la pulpe éjectée d’un
raisin noir.
Toute l’atmosphère est comme un œil trop humide,
où raisons et envie de pleuvoir ont momentanément
disparu.
Mais l’averse a laissé partout des souvenirs qui servent
au beau temps de miroirs.

Il y a quelque chose d’attendrissant dans cette liaison
entre deux états d’humeur différente. Quelque chose
de désarmant dans cet épanchement terminé.

Chaque flaque est alors comme une aile de papillon
placée sous vitre.
Mais il suffira d’une roue de passage pour en faire
jaillir la boue.

p.48
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