Ce Chant du 25 Messidor occupe une place à part et donne une note particulière dans l'œuvre de Méhul. C'est une composition épique, pleine de grandeur et de magnificence, dans laquelle l'auteur, ne se contentant point d'augmenter les moyens matériels d'expression qu'un compositeur a d'ordinaire à sa disposition, les a mis en œuvre d'une façon absolument nouvelle et inconnue avant lui. Le chant est non-seulement à trois orchestres, mais à trois chœurs distincts, avec des solos confiés à deux basses et à deux ténors. Des trois orchestres, dispersés et placés à de grandes distances les uns des autres dans cette immense nef des Invalides, les deux premiers étaient complets, avec adjonction parfois d'un tuba, d'un buccin et d'un tam-tam. Souvent ils sonnaient à la fois, souvent aussi ils se répondaient l'un à l'autre, celui-ci achevant la phrase que celui-là avait commencée, et cette espèce de dialogue, entre deux masses sonores réunissant chacune un ensemble de cent exécutants, devait produire une impression singulièrement puissante en un si vaste vaisseau, où les ondes harmoniques se répercutaient avec un éclat et une majesté incomparables. Quant au troisième, composé d'une façon toute particulière, il ne comprenait certainement pas vingt exécutants, ainsi que le disait le Moniteur, car, — la partition est là pour nous le prouver, — il était formé simplement de deux harpes et d'un cor solo, et comme il n'accompagnait qu'un chœur de voix féminines, l'effet produit par cette réunion vocale et instrumentale d'un caractère exceptionnel devait faire un contraste saisissant avec la sonorité mâle et grandiose du double orchestre et du double chœur complets qu'on avait entendus précédemment
Une fois installé à Laval-Dieu, Méhul se mit à travailler avec ardeur. «Rien, dit Fétis, ne pouvait être plus favorable aux études du jeune musicien que la solitude où il vivait. Placée entre de hautes montagnes, de l'aspect le plus pittoresque, éloignée des grandes routes et privée de communications avec le monde, l'abbaye de Laval-Dieu offrait à ses habitants l'asile le plus sûr contre d'importunes distractions. Un site délicieux, sur lequel la vue se reposait, y élevait l'âme et la disposait au recueillement. Méhul, qui conserva toujours un goût passionné pour la culture des fleurs, y trouvait un délassement de ses travaux dans la possession d'un petit jardin qu'on avait abandonné à ses soins.
Il est certain que Hanser était un artiste fort distingué. Agé à cette époque de 35 ans environ, puisqu'il était né à Unterzeil, en Souabe, le 12 septembre 1738, il était moine lui-même, et appartenait depuis longtemps déjà à l'ordre des Prémontrés, dans lequel il était entré fort jeune, après avoir fait son noviciat à l'abbaye de Scheussenried, célèbre par l'habileté et les aptitudes musicales de ses religieux. C'est là qu'il développa ses talents sur l'orgue, qu'il se perfectionna dans la science du contrepoint et qu'il apprit à jouer du violon et du violoncelle.