[extrait du Manifeste pour une réforme de l'enseignement des mathématique. Evariste Galois in Gazette des Écoles, 2 janvier 1831]:
N'y aurait-il pas quelques avantages à exiger des élèves les mêmes méthodes, les mêmes calculs, les mêmes formes de raisonnement, s'ils étaient à la fois plus simples et plus féconds? Mais non, on enseignement minutieusement des théories tronquées et chargées de réflexions inutiles, tandis qu'on omet les propositions les plus simples et les plus brillantes de l'algèbre; au lieu de cela, on démontre à grands frais de calculs et de raisonnements toujours longs, quelquefois faux, des corollaires dont la démonstration se fait d'elle-même.
D'où vient le mal? Assurément ce n'est pas des professeurs des collèges; ils montrent toujours un zèle fort louable; ils sont les premiers à gémir de ce qu'on ait fait de l'enseignement des mathématiques un véritable métier. La cause du mal, c'est aux libraires de Messieurs les examinateurs qu'il faut la demander. Les libraires veulent des gros volumes: plus il y a de choses dans les ouvrages des examinateurs, plus ils sont certains d'une vente fructueuse; voilà pourquoi nous voyons apparaître chaque année ces volumineuses compilations où l'on voit les travaux des grands maîtres à côté des essais de l'écolier. D'un autre côté, pourquoi les examinateurs ne posent-ils les questions aux candidats que d'une manière entortillées? Il semblerait qu'ils craignissent d'être compris de ceux qu'ils interrogent; d'où vient cette malencontreuse habitude de compliquer les questions de difficultés artificielles? Croit-on donc la science trop facile? Aussi qu'arrive-t-il? L'élève est moins occupé de s'instruire que de passer un examen.
Dans cette table d'opérations, nous constatons que la composition de deux éléments quelconques des six substitutions donne toujours l'une des six substitutions. La substitution identité Id joue aussi un rôle particulier, semblable à celui du nombre 1 dans la multiplication: composer une substitution avec Id ne change rien, tout comme la multiplication d'un nombre par 1 ne change pas le résultat. En outre, chaque substitution peut toujours être composée avec une autre pour retomber sur Id, de la même façon que tout nombre non nul admet un inverse, c'est-à-dire un nombre tel que le produit des deux nombres soit égal à 1. On dit que toute substitution admet un symétrique. (...). Galois nomme groupe un tel ensemble de substitutions. Voici comme il caractérise un groupe: "Si dans un pareil groupe on a les substitutions S et T, on est sûr d'avoir la substitution ST." En d'autres termes, un groupe (fini) est un ensemble où le composition de deux éléments est un élément du groupe, un ensemble dans lequel "on reste entre soi" par la loi se composition; cette notion n'est pas si éloignée de conception habituelle de groupe.