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Citations sur Le poids de son regard (12)

l ne revit plus von Aargau après avoir quitté Venise, mais tous les un ou deux mois, un représentant du riche jeune homme lui rendait visite chez lui. Il travaillait souvent plus de dix heures d’affilée, mais ces messagers ne venaient jamais le voir à l’hôpital, et préféraient l’attendre devant chez lui, qu’il gèle ou qu’il pleuve ; une fois, il avait demandé pourquoi à l’un d’eux, et l’homme lui avait expliqué qu’ils ne se sentaient pas à leur aise du côté Vatican du fleuve.
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Le soleil était bas lorsque Joséphine se hissa tant bien que mal sur le sentier et prit la direction du village de Wengen.
Elle n’était plus guère qui que ce soit, maintenant.
Quand elle eut refait tout le chemin jusqu’à l’endroit où la route s’élargissait et où les arbres touffus embaumaient les ténèbres, elle entendit des chants ténus et elle sut que des choses s’éveillaient avec la mort du jour.
Elle sentait vaguement que son visiteur nocturne avait perdu son pouvoir sur elle et aurait besoin d’une nouvelle invitation pour avoir encore accès à elle.
Elle se demanda s’il en obtiendrait une et, dans ce cas, qui la lui donnerait.
Elle avait attaché un linge sur son orbite vide et sa main ne faisait plus que suinter – ses blessures risquaient fort de s’infecter, mais ne semblaient pas devoir la tuer cette nuit.
Pour l’heure, libérée de toutes les peurs, de toutes les haines, les peurs et les doutes qui définissaient ses personnalités, elle huma avec joie l’air au parfum de sapin et de neige, et ses joues tachées de sang se plissèrent, version ravagée du petit sourire réjoui d’une enfant endormie.
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Pise, sur la côte nord-ouest de l’Italie, près de Livourne, était à l’évidence la relique d’un passé plus glorieux. Sur les maisons romaines classiques, la peinture des volets s’écaillait et la pureté des lignes se brouillait sous les crevasses et les moisissures, tandis que certaines rues étaient abandonnées à la vigne vierge et aux herbes folles qui partaient à l’assaut des immeubles en ruine.
L’Arno jaunâtre coulait toujours avec majesté sous les ponts antiques mais les alluvions du delta avaient triplé la distance qui séparait Pise de la mer au temps où Strabo la proclamait la plus valeureuse des cités étrusques. Brûleurs de charbon de bois et peleurs de liège travaillaient dur dans la maremma, le marais salant qui entourait désormais la ville, mais le commerce local vivait pour l’essentiel des touristes européens.
On venait surtout voir la cathédrale et la fameuse tour mais aussi soumettre ses maux à la Faculté – où un docteur anglophone constituait un don du ciel – ou essayer d’entrevoir les deux poètes maudits qui, exilés d’Angleterre, s’étaient établis en ville depuis peu et voulaient lancer une sorte de journal ; on recommandait toutefois aux amateurs de lettres de se hâter car, les poètes rencontrant des problèmes avec le gouvernement local, l’on s’attendait à les voir partir bientôt.
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Toute la journée, il avait sué sous le soleil ou frissonné dans le vent marin alors qu’il tirait la carriole le long des ornières, et au déjeuner son passager et lui avaient chacun bu une bouteille de bordeaux pour accompagner le pain, le fromage et le chou que des Loges avait apportés ; avant de reprendre le voyage, des Loges avait ménagé à coups de dents des trous pour les yeux dans le sac de toile, l’avait mis sur sa tête comme le capuchon d’un bourreau, et Crawford l’avait imité en utilisant comme chapeau quelques feuilles de chou.
Quand ils atteignirent enfin Auray quelques heures plus tard, le chou était flétri mais tenait toujours sur la tête de Crawford, qui entonnait en somnambule le refrain d’une chanson que des Loges s’était mis à chanter quelques heures plus tôt ; et la mélodie, ou les battements d’ailes que le vieillard dans la carriole avait choisi de mimer pour l’accompagner, avaient attiré une procession de chiens qui aboyaient. Des enfants coururent se réfugier dans les maisons et plusieurs vieilles femmes se signèrent avec crainte.
Des Loges cessa de chanter le temps de dire à Crawford où tourner et devant quel bâtiment du XVe siècle s’arrêter ; et quand la carriole s’immobilisa et qu’il put enfin retirer le harnais, Crawford regarda en clignant des yeux les rues toutes de raidillons et les vieilles demeures, et se demanda ce qu’il faisait là, épuisé, fiévreux et coiffé d’un chou.
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– Ma bague, souffla-t-il. L’alliance que je… dois donner à ma promise demain… elle est dans la poche de mon manteau. Excusez-moi. (Il glissa la main dans la poche, tâtonna, et la ressortit, tenant l’anneau entre le pouce et l’index.) C’est tout.
À la lueur de la lanterne qu’elle tenait, il vit ses traits se durcir sous l’insulte tacite mais il se détourna et repartit sous la pluie, d’un pas résolu, vers Boyd qui hurlait dans le noir.
– J’arrive, grand imbécile, lança-t-il, essayant de circonvenir la nuit de sa voix confiante.
Il tenait l’alliance dans sa main crispée, il la serrait aussi fort que les marins, à bord, mordaient une balle de fusil pour ne pas crier quand il les opérait. Ce n’était pas très malin d’avoir repris la bague – s’il la laissait tomber, avec toute cette boue, on ne la retrouverait pas avant des années.
Par-dessus le bruit de la pluie, il entendait rugir Boyd.
Les pantalons étroits de Crawford ne comportaient pas de poches, et il redoutait que l’anneau trop petit ne tombe de son doigt s’il devait se battre avec Boyd pour le maîtriser ; au désespoir, il chercha du regard une fine branche d’arbre dressée, quelque objet où accrocher l’anneau, et c’est alors qu’il remarqua la statue blanche près du mur de l’écurie.
C’était une sculpture grandeur nature d’une femme nue, la main gauche levée dans un signe d’invite, et comme Boyd rugissait de plus belle, Crawford pataugea dans la boue jusqu’à la statue, glissa l’anneau sur l’annulaire de la main de pierre, puis courut vers les carrosses.
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Il n'avait aucune raison de ne pas le faire - tous trois abhorraient le mariage et la monogamie, lois iniques imposées par mes oppresseurs jumeaux, l’Église et l’État.
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Oh, suffit, Polijoli, intervint Byron. Cet homme me paraît très capable ...Regardez, Shelley revient à lui.
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Bois tant que tu le peux : une autre race, un jour,
Quand toi et le tienne seront, comme moi, passés,
De l'étreinte de la Terre viendra te porter secours,
Pour muser et rimer avec les décédés.

Lord Byron, Vers inscrits sur une coupe faite dans un crâne
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Et une forme blonde s'envola de ses mains -
Une image vivante qui de très loin surpassait
En beauté cette belle forme de pierre vive
Qui ravit le coeur de Pygmalion.

Elle était asexuée, et dans sa croissance
Paraissait n'avoir développé aucun défaut
Des deux sexes, mais la grâce des deux...

Et sur son doux visage jouaient des rêves
Affairés, autant que mouches d'été...

Percy Bysshe SHELLEY, La Sorcière d'Atlas
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Les pierres... commencèrent à perdre leur inflexible dureté, à s'amollir peu à peu, et, une fois amollies, à prendre forme. Bientôt, quand elles eurent grandi et qu'elles eurent reçu en partage une nature plus douce, on pu voir apparaître, bien qu'encore vague, comme une forme humaine, comparable aux ébauches taillées dans le marbre et toute semblable aux statues encore inachevées et brutes.

Ovide, Les métamorphoses, Deucalion et Pyrrha
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