Les Annales du Disque-Monde, tome 24 : Carpe jugulum

Le masque méprisant de la vertu triomphante pouvait rivaliser d'horreur avec le visage de la cruauté révélée. Elle frissonna à ce souvenir. Rivaliser d'horreur, mais sans l'atteindre.

- "Remember -- that which does not kill us can only make us stronger."
- "And that which does kill us leaves us dead!"

La brume déferla à travers la crypte, courut sur le sol, les murs et le plafond. Elle monta à l’assaut de l’escalier, s’engagea dans un tunnel, ses premières vagues roulant les unes sur les autres, comme engagées dans une guerre sans merci.
Un rat imprudent qui se faufilait sur les dalles fut trop lent à réagir. La brume le submergea. On entendit un couinement vite interrompu et, une fois la brume partie, il ne resta qu’une poignée de petits os blancs.
D’autres os tout aussi petits, mais convenablement assemblés sous une robe noire à capuchon d’où dépassait une faux miniature, surgirent de nulle part et s’approchèrent. Des griffes squelettiques donnèrent de petits coups sur la pierre.
« Couiii ? fit le fantôme du rongeur d’un air pathétique.
― COUIII », répliqua la Mort aux Rats. Tout était dit.

-Tiens bon chérie dit le comte .Souviens-toi ce qui ne nous tue pas ne peut que nous rendre plus forts
- Et ce qui nous tue nous rend encore plus morts ,grogna Lacrimosa.

Les sorcières vivent toujours à la lisière des choses. Mémé se sentait des picotements dans les mains. Pas uniquement dus à l'air glacial. Elle devinait une lisière quelque part. Quelque chose commençait.

p.261.
«  Vous dites vraiment n'importe quoi ! fit-elle.
- Ah bon ? Vous avez voyagé, Agnès, si j'ai bien compris, dit Vlad tandis qu'elle se débattait. Vous savez donc que beaucoup de gens vivent une existence insignifiante, toujours sous le fouet d'un quelconque roi, dirigeant ou maître qui n'hésite pas à les sacrifier à la bataille ou à les expulser quand ils ne sont plus bons à rien. »
Mais ils peuvent s'enfuir, souffla Perdita.
« Mais ils peuvent s'enfuir !
- Vous croyez ? A pied ? Avec une famille ? Sans argent ? La plupart n'essayent même pas. Les gens s'accommodent souvent de tout, Agnès.
- Voilà le point de vue le plus désobligeant, cynique... »
Juste, fit Perdita.

p.244.
La discussion était visiblement close. Dès lors qu'on ne touchait pas à ses volatiles, Hodgesouille se fichait bien de qui dirigeait le château. Depuis des siècles, les fauconniers ne s'occupaient que des choses importantes, comme la fauconnerie, qui nécessitait un long apprentissage, et ils laissaient le travail de roi aux amateurs.

p.223-4.
Déjà dans sa petite enfance, une moitié de sa personne trouvait le temple barbant et ridicule et s'évertuait à le faire rire quand il était censé écouter les sermons. Cette moitié avait grandi avec lui. C'était le Lavoine qui lisait avidement et se rappelait toujours les passages jetant le doute sur la vérité littérale du Livre d'Om – et qui le poussait du coude en lui disant : Si ça, ce n'est pas vrai, qu'est-ce que tu peux croire ?
Et l'autre moitié disait : Il doit exister d'autres sortes de vérité.
A quoi il répliquait : D'autres sortes que celle qui est effectivement vraie, tu veux dire ?
Et il répondait : Définis « effectivement » !
Alors il s'écriait : Eh bien, les Omniens t'auraient effectivement torturé à mort, il n'y a pas si longtemps, rien que pour avoir eu de telles pensées. Tu te rappelles ? Tu te rappelles combien sont morts pour s'être servis du cerveau que les dieux, sembles-tu croire, leur ont donné? Quelle sorte de vérité excuse pareille douleur ?

p.207.
- Nounou ? dit Magrat une fois que Jason eut filé.
- Oui, chérie ?
- Il y a deux mois, quand Vérence a parlé d'une taxe sur les exportations de spiritueux, toute une foule a protesté dans la cour du château, et il a dit : "Ah bon, si c'est la volonté du peuple..."
- Ben, c'était effectivement la volonté du peuple.
- Oh. Bon. D'accord.
- Seulement, des fois, il l'oublie provisoirement, sa volonté, dit Nounou.

p.54.
Les Lancriens ne rêvaient pas de vivre dans une société autre que monarchique. Ils pratiquaient le système depuis des millénaires et connaissaient son fonctionnement. Mais ils avaient aussi découvert qu'il n'était pas judicieux de prêter une trop grande attention aux désirs du roi, parce qu'il allait forcément débarquer dans une quarantaine d'années un nouveau monarque qui voudrait autre chose, et qu'ils se seraient donc donné du mal en pure perte.