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Critique de Siladola


Philippe Pratx, littérateur, poète et indianiste, après le soir, Lilith, publie un nouvel opus narratif chez L'Harmattan. La préface, signée du grand critique Jean-Max Méjean, nous apprend que l'auteur est passionné de cinéma. Roman inclassable, délirant, fantasque, le Scénar s'articule, en effet, autour d'un scénario, un étrange et rêveur « road movie » qui nous emporte des châteaux de Moravie jusqu'aux vallées occitanes de l'Italie en passant par Venise et la Slovénie, dans une ronde de fantômes ou d'ectoplasmes doublant le couple central des acteurs par des voix off aux commentaires tour à tour anodins et savants. Un discours parapolitique omniprésent renvoie, nostalgique, à l'ambiance des anciens régimes communistes comme aux « années de rêve » (celles qui précèdent mai 68 selon Hervé Rotman et Patrick Hamon, Génération, tome I). On pense à Thomas Pynchon pour l'abondance de personnages, l'imagination foisonnante, la multiplicité des situations. On évoque Maurice G. Dantec, s'agissant de la construction interpolée du récit, des évènements fantastiques qui ponctuent notamment la fin. Exhibition, de Michka Assayas, pour les références rock, ou le Murakami de Kafka sur le rivage, avec son chat et ses échappées oniriques, pourraient aussi être mentionnés. Mais, puisque 7ème art, il y a, c'est sans doute vers Tarkovsky qu'il faudrait se tourner, l'impérissable Stalker étant d'ailleurs cité au détour d'un dialogue du Scénar, et les scènes à Venise pouvant sembler de lointaines parentes de Nostalghia.
L'auteur s'amuse, nous prévient-il dans son « avertissement » (« Ce livre n'est pas sérieux. »). Il s'offre le luxe de citations invisibles (les « disgrâces dont nous héritons» d'André Breton) ou d'allusions ésotériques (Le manuscrit trouvé à Saragosse) , et pélerine aux arcanes tutélaires de la littérature.

Aussi, les personnages centraux restent-ils mystérieux : étudiants ou jeunes cinéastes, ils semblent n'avoir ni passé, ni avenir, et leur existence s'organise essentiellement autour de la clé USB où, énigmatique, se trouve stocké le « scénar », cette suite de scènes ornées d'indications techniques pour prises de vue, et dont on ignore l'identité de l'auteur. de même, celle du narrateur, démiurge qui prend un malin plaisir à enfermer ses personnages. Enfin, l'auteur se débarrasse de l'héroïne sans fournir non plus la clef de ces songes.
Philippe Pratx, comme Jean-Max Méjean, se réfèrent à la « mise en abyme » pour ce qui est de la structure du roman. "Chassé-croisé" ou "échos" me paraîtraient mieux appropriés, puisque les trois fils du récit s'entremêlent finalement tels, sur le métier des Parques, les fils de la destinée. En définitive, tout tiendrait plutôt à l'esthétique : le scénar s'enchante de ce merveilleux instrument désuet, le Vélorex, hybride véhicule « vintage » dont les démocraties dites « populaires » avaient le secret. Aussi, laissons-nous emporter avec lui dans la cavalcade du Scénar parmi les kaléidoscopes et les voyages.


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