C'est un jour de grande lassitude, et il se souvient du berger d'autrefois qui utilisait une ficelle en guise de ceinture
Il se souviendra du vieil homme qui ouvrait les fenêtres hautes du « local » , alors : «Le bleu du ciel se glisse entre les lamelles des stores, l'air du dehors entre, déborde de partout »…
L'homme revisite sa vie, au travers un entremêlement de souvenirs de balades, de pages de philosophie ou de récits biographiques.
Il tente d'apercevoir au travers ce reparcourt comment la perte de l'enfance peut conditionner un réel glacé, marchand et égoïste, apercevoir ce qui l'a conduit à se sentir dans le monde mais pas du monde, la faille qui nous en sépare depuis que le langage, l'école et les groupes humains nous ont laissé entendre que nous n'en faisions pas tout à fait partie.
« On a souscrit aux impératifs des règlements et renoncé au plein emploi de nos vies.»
Comme lui, nous avons progressivement perdu cette présence au monde qui est le privilège de l'enfance, et que seuls, des moments de joie permettent de retrouver à l'âge adulte.
Bien sûr nous ne pouvons pas réparer cette fissure. Jean Prod'hom en philosophe, en poète surtout, nous déroule les étapes de sa patiente réconciliation avec le monde.
Nous détacher et nous laisser emporter, soufflés et dispersés, comme les samares des pissenlits. »
"Parfois, sans crier gare, en des lieux et des temps incertains, quelque chose s'ébrouait et redonnait au présent son origine et son axe: c'était une chanson de Riccardo Cocciante sur une terrasse de café ou la longue courbe d'un chemin à double ornière, les cloches un dimanche matin près d'un village qu'on aime, l'odeur entêtante de la terre humide ou les parfums du lilas, une maison abandonnée, un vieux crépi ou une flaque d'eau, un nuage."
Livre mélancolique certes, mais d'une grande sensibilité poétique.
Il y a peut-être dans ces pages un reliquat de parfum de religion, mais nous savons tous, que dieu, s'il existe est à l'intérieur de nous-même. Sauf certains, qui lisent un seul livre, toujours le même. Ou peut-être n'est ce que spiritualité ?
Pas de mode d'emploi dans la boite qui nous a jeté dans la vie : mais peut-être, sans doute, la poésie qui nous réconcilie
Alors un livre de questions, qui nous interrogent, notamment le dernier paragraphe.
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«Le moment est venu de me taire : l’écriture et la lecture constituent une parenthèse qu’on ouvre mais qu’on oublie trop souvent de fermer. Un livre qui nous écarterait pour toujours de ce qu’on a sous les yeux constituerait la plus hermétique des prisons. »
«Voici l’enfant en route, déposé dans un monde qui n’est ni du jour ni de première main, encombré d’objets et de relations, de portes, de couloirs et de cuisines où se mijotent le passé et l’avenir, un monde inventorié et cadastré, plein de caves et de combles où se conçoivent les mondes et les arrière-mondes, saturés de carrefours et d’énigmes, d’impasses et de chausse-trapes. Un monde que tout enfant est invité à découvrir, non plus dans son immédiateté, mais dans l’ordre et les successions que l’humanité lui a imposés, de proche en proche, de chicane en chicane, par monts et par vaux.»