Citations sur A la recherche du temps perdu, tome 3 : Le Côté de Guerm.. (21)
Mais un souvenir, un chagrin, sont mobiles. Il y a des jours où ils s'en vont si loin que nous les apercevons à peine, nous les croyons partis. Alors nous faisons attention à d'autres choses. (p115)
Ces années de ma première enfance ne sont plus en moi, elles me sont
extérieures, je n’en peux rien apprendre que, comme pour ce qui a eu lieu avant notre naissance, par les récits des autres.
Et ainsi ce fut elle qui la première me donna l'idée qu'une personne n'est pas, comme j'avais cru, claire et immobile devant nous avec ses qualités, ses défauts, ses projets, ses intentions à notre égard (comme un jardin qu'on regarde, avec toutes ses plates-bandes, à travers une grille), mais est une ombre où nous ne pouvons jamais pénétrer, pour laquelle il n'existe pas de connaissance directe, au sujet de quoi nous nous faisons des croyances nombreuses à l'aide de paroles et même d'actions, lesquelles les unes et les autres ne nous donnent que des renseignements insuffisants et d'ailleurs contradictoires, une ombre où nous pouvons tour à tour imaginer, avec autant de vraisemblance, que brillent la haine et l'amour.
L'amour? avait-elle répondu une fois à une dame prétentieuse qui lui avait demandé : "Que pensez-vous de l'amour?" L'amour? je le fais souvent mais je n'en parle jamais. (p233)
Le père Norpois m’a dit que Mme de Villeparisis t’aimait beaucoup et que tu ferais dans son salon la connaissance de gens intéressants. Il m’a fait un grand éloge de toi, tu le retrouveras chez elle et il pourrait être pour toi d’un bon conseil même si tu dois écrire. Car je vois que tu ne feras pas autre chose. On peut trouver cela une belle carrière, moi ce n’est pas ce que j’aurais préféré pour toi, mais tu seras bientôt un homme, nous ne serons pas toujours auprès de toi et il ne faut pas que nous t’empêchions de suivre ta vocation.
Il n'y a rien de plus agréable que de se donner de l'ennui pour une personne qui en vaille la peine. (p342)
(…) et celle-ci, qui m'avait reconnu, fit pleuvoir sur moi l'averse étincelante et céleste de son sourire.
Une personne n'est pas, comme j'avais cru, claire et immobile devant nous avec ses qualités, ses défauts, ses projets, ses intentions à notre égard (comme un jardin qu'on regarde, avec toutes ses plates-bandes, à travers une grille), mais est une ombre où nous ne pouvons jamais pénétrer, pour laquelle il n'existe pas de connaissance directe, au sujet de quoi nous nous faisons des croyances nombreuses à l'aide de paroles et même d'actions, lesquelles les unes et les autres ne nous donnent que des renseignements insuffisants et d'ailleurs contradictoires, une ombre où nous pouvons tour à tour imaginer, avec autant de vraisemblance, que brillent la haine et l'amour. (p80)
Malgré les particularités individuelles, il y avait encore à cette époque, entre tout homme gommeux et riche de cette partie de l'aristocratie et tout homme gommeux et riche du monde de la finance ou de la haute industrie, une différence très marquée. Là où l'un de ces derniers eût cru affirmer son chic par un ton tranchant, hautain, à l'égard d'un inférieur, le grand seigneur, doux, souriant, avait l'air de considérer, d'exercer l'affectation de l'humilité et de la patience, la feinte d'être l'un quelconque des spectateurs, comme un privilège de sa bonne éducation. (p43)
Etre grande dame, c'est jouer à la grande dame, c'est-à-dire, pour une part, jouer la simplicité. C'est un jeu qui coûte extrêmement cher, d’autant plus que la simplicité ne ravit qu'à la condition que les autres sachent que vous pourriez ne pas être simples, c'est-à-dire que vous êtes très riches. (p302)