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Citations sur V. (26)

Ce que sont pour le libertin les cuisses ouvertes, ce qu'est un vol d'oiseaux migrateurs pour l'ornithologue, ce qu'est la tenaille pour l'ajusteur, voilà ce qu'était pour le jeune Stencil la lettre V. Il rêvait, une fois par semaine, peut-être bien, que tout cela n'avait été qu'un rêve, et qu'à présent il se réveillait pour découvrir que la poursuite de V. n'était après tout qu'une recherche purement intellectuelle, une aventure de l'esprit, selon la tradition du Rameau d'or ou de la Déesse blanche.
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Le désert envahit la terre de l'homme subrepticement. Celui-ci n'est pas fellah, mais il possède tout de même un bout de terrain. Il l'avait possédé. Encore tout jeune garçon, il avait réparé le mur, l'avait cimenté, avait transporté des pierres aussi lourdes que lui, les avait soulevées, les mises en place. Mais le désert pénètre malgré tout. Le mur est-il traître, pour laisser passer le désert de la sorte? A moins que le jeune garçon ne soit possédé par djinn qui sabote le travail de ses mains? Ou la puissance du désert est-elle si grande que ni le garçon, ni le mur, ni le père, ni la mère décédés ne peuvent rien contre lui?
Non. Le désert envahit. C'est un fait; rien de plus. Aucun djinn ne possède le garçon, aucune traîtrise n'habite le mur, aucune hostilité le désert. Rien.
Bientôt, il n'y aura rien. Bientôt, le désert seulement.
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"Le tissu de l'histoire contemporaine, songeait Eigenvalue, doit être tout en fronces, si bien que pour les gens qui, comme Stencil, se trouve au creux d'une de ces fronces, il est impossible de discerner la chaîne, la trame ou le motif de l'ensemble. Néanmoins, le seul fait d'exister au creux d'une fronce fait supposer d'autres fronces semblables, chacunes enfermanée dans un cycle sinueux, et l'on en vient à prêter à ces cycles une importance plus grande encore qu'au tissage proprement dit et l'on abolit toute idée d'unité. C'est ainsi que nous sommes charmés par ces automobiles si drôles des années trente, par la mode si curieuse des années vingt, par les étranges pratiques morales de nos grands-parents. Nous sommes producteurs et spectateur de comédies musicales, dont ils sont les héros, et nous nous laissons embringuer dans une fausse représentation et une nostalgie bidon de ce qu'ils ont été. Et, conséquement, nous somme fermés à toute notion de tradition continue. Si nous avions vécu sur la crête de la vague, il en aurais été autrement. Au moins, nous aurions pu voir."
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D’une façon ou d’une autre, tout cela était lié à une histoire qu’il avait entendue autrefois, une histoire où il était question d’un homme qui se balade avec une vis d’or à la place du nombril. Pendant vingt ans il consulte donc, à travers le monde, des médecins, des spécialistes, afin qu’ils le débarrassent de cette vis, et toujours sans succès. Un jour enfin, à Haïti, il rencontre un docteur vaudou qui lui donne une potion malodorante. Il la boit, il s’endort et il rêve. Il rêve qu’il est dans une rue éclairée de lampes vertes. Alors, suivant les instructions du médecin-sorcier, il tourne deux fois à droite et une fois à gauche, depuis son point de départ, découvre un arbre près du septième réverbère, tout couvert de ballons multicolores. Sur la quatrième branche à partir du sommet, il y a un ballon rouge ; il le casse et trouve à l’intérieur un tournevis au manche de plastique jaune. Au moyen de ce tournevis, il retire la vis de son ventre et, aussitôt, il se réveille. C’est le matin. Il porte son regard sur son nombril: la vis a disparu. Enfin la malédiction de vingt ans est levée ! Délirant de joie, il bondit hors du lit. Son cul se détache et tombe.
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-Je suis le vingtième siècle, lut-elle.
Profane s'écarta en roulant sur lui-même et se mit à étudier les dessins du tapis.
-Je suis le ragtime et le tango; le sansérif, géométrie pure. Je suis le fouet en cheveux de vierge et les entraves astucieusement fignolées d'une passion décadente. Je suis toutes les gares solitaires de chemin de fer, dans toutes les capitales d'Europe. Je suis la rue, les bâtiments publics sans fantaisie:le café dansant, le mannequin automate, le saxophone de jazz; la coiffure de la dame touriste, les seins de caoutchouc pédé, la pendulette de voyage qui toujours donne la mauvaise heure et carillonne sur des tons différents. Je suis le palmier mort; les vernis du danseur nègre; la fontaine tarie après la saison touriste. Je suis tous les attributs de la nuit.
-ça vient assez bien.
-je ne sais pas.
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Raoul écrivait des scénarios pour la télévision, respectant et vitupérant tout à la fois les tabous des bailleurs de fonds, comme il sied dans cette industrie.
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Vénus était debout, dans ce qui semblait être la moitié d'une coquille scongille, grasse, blonde et, le Gaucho, tedesco de tempérament, la trouvait à son goût. Mais il ne comprenait pas ce qui se passait dans le reste du tableau. Il semblai y avoir un conflit quelconque autour de la question: fallait-il ou non voiler sa nudité? Sur la droite, une dame piriforme, à l'oeil vitreux, cherchait à l'envelopper d'une couverture mais, sur la gauche, un coléreux jeune homme, avec des ailes dans le dos, souflait à pleins poumons, afin que le vent de son haleine emportât ladite couverture, cependant qu'une jeune personne à peine vêtue s'enroulait littéralement autour de lui, dans l'espoir, sans doute, de le calmer et de le ramener au lit. Pendant que cette étrange engeance se chamaillait, Vénus restait là, les yeux fixés au loin sur on ne sait trop quoi, tout en drapant autour d'elle ses longs cheveux torsadés. Aucun de ces personnages ne semblait regarder aucun autre. Un tableau déconcertant. Le Gaucho ne pouvait imaginer pourquoi signor Mantissa y tenait, mais cela n'était pas l'affaire du Gaucho.
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Rachel, qui voyait la glace sous un angle de 45°, pouvait observer les deux cadrans, celui tourné vers la salle et l'autre, reflété dans le miroir; elle avait sous les yeux le temps et le temps à rebours, coexistant, et s'annulant parfaitement. Trouvait-on, de par le monde, beaucoup de ces points de référence, ou seulement en des endroits-noeuds tels que celui-ci, qui abrite une population en transit d'imparfaits et d'insatisfaits? Est-ce que le temps réel plus le temps virtuel (ou temps-miroir) équivalaient à zero, confirmant ainsi quelque principe moral à moitié compris?
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Mondaugen coucha le vieux dans le lit circulaire, le recouvrit d’une courtepointe de satin noir. Et il se pencha sur lui, et il chanta :

Rêve, ami, de queues de paon,
De baleines et de diamants,
Combien noirs les maléfices,
Le rêve te sera propice.

Le vampire d’une aile qui grince
Peut cacher la lune mince,
Pour de sang mieux se gorger,
Dors, la nuit est sans danger.

Le squelette aux dents qui claquent,
Les lamies, le brucolaque
Et la goule cherchant sa proie
Seront chassés loin de toi.

Se dissipera ton double,
Aux mains rouges, à l’œil trouble,
L’ombre grise sur ton volet,
La lueur du feu follet.

Car le rêve comme une tunique
Tissée par la gent magique
Te préserve quand tu dors
Et conjure le mauvais sort.

Mais si l’ange à l’heure obscure
Vient chercher ton âme impure,
Fais le signe de la croix –
Le rêve ne peut rien pour toi.

Dehors, le loup des grèves hurla encore. Mondaugen tassa un sac de linge sale, en fit un oreiller, baissa la lumière et, tout tremblant, s’allongea sur le tapis pour dormir.
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Herbert Stencil, à l’instar des petits enfants à un certain stade de leur développement, à l’instar aussi de Henry Adams dans De l’éducation, et de tout un assortiment d’autocrates à travers les âges, parlait toujours de lui-même à la troisième personne. Cela permettait à «Stencil» de ne représenter qu’une unité, dans une longue liste d’identités. «Dislocation provoquée de la personnalité», c’est ainsi qu’il appelait l’ensemble du système, très différent, d’ailleurs, de celui qui consiste à «se mettre à la place de l’autre» ; car il obligeait Stencil à porter par exemple de vêtements que Stencil n’aurait pas endossés, dût sa vie en dépendre, à absorber des nourritures que Stencil n’aurait pas avalées, à crécher dans des logements peu sympathiques, à fréquenter des bars et des cafés nettement antistenciliens, tout cela semaine après semaine ; et pourquoi ? Pour maintenir Stencil à sa place, c’est-à-dire à la troisième personne.
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