Ainsi, lorsqu’on parle de ce que Raphaël a dû à Michel-Ange, ici encore on ne voit pas ce que cette prétendue redevance offre de réel et de positif. Quand nous admettrions donc en cet endroit, comme nous l’avons admis plus haut, qu’il dut à Michel-Ange d’agrandir sa manière, il n’y a encore moyen d’entendre par là autre chose, sinon que Michel-Ange, par ses ouvrages, aurait été ce noble aiguillon qui, dans tous les genres, a incité les grands hommes à égaler et à surpasser les grands hommes qui les ont précédés.
La gravure naissante, en Italie, avait consacré à Raphaël ses premiers et mémorables essais. Toutes les époques de cet art furent marquées depuis, par l'ambition qu'ont eue les plus célèbres graveurs, d'associer l'honneur de leur burin à l'honneur de son pinceau. On dirait que plus le temps a pu se montrer contraire à la durée de ses oeuvres, plus l'art, destiné à en prévenir ou réparer les ravages, s'est empressé de soustraire à la destruction et à l'oubli les moindres productions même de sa première jeunesse. Non -seulement tous les ouvrages de Raphaël ont été gravés, mais le plus grand nombre l'a été plusieurs fois.
Toujours on a vu les graveurs enchérir sur leurs devanciers, dans le soin qu'ils ont mis à égaler le mérite de leurs copies, à celui des originaux.
Il aurait eu trop à perdre à se faire le suivant de Michel Ange. Les ouvrages qu'il produisit alors, et dont on va rendre compte, ne dénotent réellement aucune influence sensible de la manière de Michel Ange sur la sienne. On y trouve la preuve qu'il ne cessa point de suivre la ligne que son propre génie lui avait tracée, et même sans accélération dans sa marche. Il y a chez lui progression, mais lente, mais graduée; et l'on n'y aperçoit ni changement brusque, ni intervalle franchi.
Il en est de l'histoire de Raphaël, lorsqu'on veut embrasser l'ensemble de ses ouvrages, comme de ces histoires universelles qui comprennent tant de régions à la fois, que l'écrivain, quelque méthode qu'il emploie, est parfois obligé d'intervertir l'ordre des temps et des matières, de revenir souvent sur ses pas, et de reprendre un sujet qu'il aura été forcé de laisser en arrière, pour ne pas trop couper la suite d'objets qui se lient nécessairement les uns aux autres.
L'art de la tapisserie, et celui de la mosaïque, se sont disputé à l'envi , dans leurs procédés mécaniques, l'honneur de donner aux inventions de Raphaël une existence plus durable que celle qu'elles peuvent devoir au pinceau. La peinture en émail s'était aussi, depuis longtemps, chargée du soin de les perpétuer.