AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations sur Le charme noir (24)

Je me disais: allons, pas de sentiments, du nerf, mais quand le coeur craque et s'ouvre en deux, sous la douleur, les sentiments se ruent, la raison crève.
Commenter  J’apprécie          90
Un freluquet génial, Rimbaud pour ta gouverne, a beau soutenir que "je" est un autre, on n'est pas plus avancé. S'il n'est domicilié, cet autre, dans aucun moi profondément voulu, tu restes un étranger.
L'astuce, elle est répandue, consiste à s'identifier à un métier : je suis boucher, je suis pâtissier, ... , et l'homme, à défaut de jamais devenir ce qu'il est, devient ce qu'il fait.
Commenter  J’apprécie          71
Je me disais : je suis né, mais QUI s'est permis de décider pour moi ? Ce n'était pas une mise au monde, c'était une mise à mort.
Commenter  J’apprécie          70
D'ailleurs, ils ne faisaient plus l'amour depuis longtemps. La magie des commencements déclinant, la magie des sens avait décliné. Ils avaient d'abord espacé leurs échanges, ils les avaient appauvris, visant l'excitation pure au mépris d'une harmonie plus élevée. Et quand ils avaient tacitement supprimé tout rapport, chacun s'était senti délivré : lui parce que Sylvia ne l'inspirait plus, Sylvia parce qu'elle se faisait l'effet d'un cadavre entre ses mains.
Commenter  J’apprécie          50
"[...] On s'en veut de manger du foie gras quand on pense à tous ces pauvres gens qui n'ont même pas une boulette de riz à se mettre sous la dent."
Mais les scrupules, quoiqu'elle en affirmât, n'allaient pas jusqu'à lui couper l’appétit. Sa ration de foie gras, Agnès l'avait descendu d'un coeur et d'un estomac légers. On en comptait pas les tranches de gigots qui avaient défilé dans son assiette. A présent, sa part de vacherin n'ayant fait qu'une brève apparition sous sa fourchette en vermeil, elle faisait pleuvoir les bons sentiments et tartuffait vent portant. Il est ainsi une race d'humains qui nagent dans le sublime, et se croient préposés par nature au redressement du mal chez autrui. Comme Agnès, Pescatore ne pouvait pas résister au plaisir de m'évangéliser.
Commenter  J’apprécie          50
Il portait une gourmette : Gérald. Un prénom mou comme sa lèvre inférieure. A la naissance on vous enregistrait, à l’école on vous enregistrait, à l’église on vous enregistrait, à l’armée on vous enregistrait, vivre c’était signer, coucher son nom partout, sous des visas, sous des tampons, alors basta, pas de gourmette, une identité de papier ça suffisait, nul besoin de la couler dans l’argent massif.
Commenter  J’apprécie          50
Trois ans. Tu écris " trois ans" sur une feuille blanche - et tu déchires. Ecoute le bruit que font trois années d'amour quand tu les déchires. C'est l'harmonie du désespoir. Déchirure et déchirement. C'est encore une fois les appels, les pas, les noms, les chansons, les mains, les rires de ceux qui t'unifiaient, qui s'unifiaient à ton contact, même si tu faisais le fou la nuit. Trois ans. Plus c'est doux , plus çà hurle, plus çà hante et çà revient. Tu te meus en toi comme un revenant, comme un pillard traqué par le bonheur qu'il a mis à sac. Nos actes nous suivent : ce sont de sacrés limiers. Des souvenirs qui s'estompent ou de ceux qui perdurent, têtus comme des ressacs, je ne sais lesquels font le plus mal.
Commenter  J’apprécie          50
Car il ronflait, c'était une cathédrale tonitruante, elle n'en revenait pas qu'un personnage aussi menu puisse édifié de telles falaises. Elle avait beau sifflé, tempété, pincé, griffé, rien n'y faisait : Marc ronflait, le monde pouvait s'écrouler. Désemparée, elle examinait ce dormeur assourdissant. La tête enfoncée dans l'oreiller, tournée vers la ruelle, il bavait, la lippe congestionnée, un masque mourant sur les traits. A bout d'arguments, elle se levait et partait de réfugier sur le canapé qu'il venait de quitter. Mais ça ne suffisait pas toujours. Une nuit le vacarme nasal l'avait refoulée jusque dans la salle de bains. Elle avait coincé un matelas mousse entre la baignoire et la penderie. Un moustique l'avait arrachée d'un premier sommeil. Impossible de l'attraper. Ne l'entendant plus et pensant vaguement l'avoir eu, Sylvia s'était recouchée. Pas moyen de dormir. Le silence autour d'elle était maculé de bruits ténus qui l'exaspéraient. Le chauffe-eau ronronnait, le réveil tictaquait, à intervalles réguliers le frigidaire se mettait à vrombir. Elle avait débranché le frigidaire. Elle sombrait quand le moustique était revenu l'asticoter, ravivant au passage tous les bruits dont elle avait réussi péniblement s'abstraire. Il y en avait un de plus, un floc-floc provenant de la cuisine. En allant voir, elle s'était retrouvée les pieds dans l'eau, le frigidaire ayant commencé à dégivrer. Le plus rageant, c'est que Marc avait cessé de ronfler. Mais, bien sûr il eût suffi qu'elle le rejoignît pour qu'il remette ça. Il était plus de quatre heures. Hébétée d’insomnie, elle avait fait couler un bain brûlant où elle avait eu le sentiment de connaître la mort.
Commenter  J’apprécie          40
Peut-être Marc ronflait-il parce qu'il ne voulait plus d'elle à son côté. Les premiers temps, il ne ronflait jamais. Les prologues de l'amour ont ceci d'évasif que chacun s'y montre plus beau qu'il n'est en vrai. Mais le choc passionné n'a qu'un temps et sitôt qu'il décroît, le corps et le coeur sont rendus à leur vérité primitive où le sublime est chichement compté. Eût-elle pu jurer qu'elle ne l'avait pas déçu? Qu'elle n'avait pas favorisé l'irruption dans leur vie de ces négligences répétées qui font de l'autre une routine ou un étranger : le laisser-aller progressif de la voix, de l'hygiène et du geste, l'humeur qui s'aigrit, l'amour bâclé rapprochant sans les unir deux élans solitaires?
Commenter  J’apprécie          30
Ainsi les choses de la vie n'allaient pas comme j'avais cru. J'entrevoyais des fêlures. On ne conjurait pas toujours la maladie par les pharmaciens, la faim par le pain, l'hiver par l'été, la nuit par le jour : le monde avait des accès de perdition.
Commenter  J’apprécie          30






    Lecteurs (166) Voir plus



    Quiz Voir plus

    Les noces barbares

    Le héros de ce livre se prénomme:

    Hugo
    Ludo
    Martin
    Micho

    20 questions
    62 lecteurs ont répondu
    Thème : Les noces barbares de Yann QueffélecCréer un quiz sur ce livre

    {* *}